Intervention de Lysiane Roch dans le cadre de la conférence de presse conjointe sur les coupures à l’aide sociale

Intervention de Lysiane Roch dans le cadre de la conférence de presse conjointe du 6 mars 2015 demandant à Sam Hamad de renoncer aux coupures à l’aide sociale et de remplir ses obligations en matière de droits économiques, sociaux et culturels

 

En tant qu’organisation de défense des droits humains, la Ligue des droits et libertés est ici aujourd’hui pour rappeler au gouvernement du Québec ses obligations en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Rappelons d’abord que le Québec a adhéré en 1976 au Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels, le PIDESC. Ce Pacte reconnaît entre autres, le « droit de toute personne à la sécurité sociale » et « le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’une amélioration constante de ses conditions d’existence. »

Or, depuis que le gouvernement du Québec a adhéré au Pacte en 1976, ses interventions en matière d’aide sociale ont plutôt entraîné des reculs dans la réalisation du droit à la sécurité sociale et à un niveau de vie suffisant. Il est largement reconnu que les personnes assistées sociales n’ont pas accès à des ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins essentiels. En 1969, le chèque d’aide sociale pour les plus de 30 ans était de 217$ par mois. Si ce montant avait été indexé au coût la vie, il serait aujourd’hui rendu à environ 1 400$ par mois, alors que la prestation de base aujourd’hui est de seulement 616$ par mois. Il s’agit donc clairement d’une détérioration des conditions d’existence plutôt que l’amélioration prévue par le Pacte.

Nous souhaitons aussi rappeler que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU avait condamné nos gouvernements en 2006 pour leurs politiques sociales. Le comité avait entre autres exprimé ses inquiétudes au sujet de la diminution des prestations d’assistances sociales, qu’il considérait insuffisantes pour assurer la satisfaction des besoins fondamentaux. Le comité avait alors prié l’État de « fixer instamment l’assistance sociale à un niveau tel qu’elle garantisse la réalisation d’un niveau de vie suffisant pour tous. ».

Qu’est-ce le gouvernement a fait depuis 2006 pour donner suite à cette recommandation? Plutôt que de hausser significativement les prestations, il s’apprête à adopter de nouvelles coupures qui auront des effets directs sur la réalisation des droits de certaines personnes, comme les interventions précédentes l’ont illustré. Ces coupures et le discours qui les accompagne contribuent aussi à renforcer les préjugés envers les personnes assistées sociales. Le gouvernement du Québec sait pourtant que les préjugés ont pour effet d’accroître la discrimination envers les personnes assistées sociales et portent atteinte à leur dignité humaine. Sa responsabilité, c’est de lutter contre les préjugés, et non de les renforcer.

Ces nouvelles coupures surviennent dans un contexte où le gouvernement du Québec prévoit adopter un ensemble de mesures d’austérité incompatibles avec la réalisation des droits humains. Dans ce contexte, nous tenons à rappeler au gouvernement l’article 2.1 du Pacte qui prévoit que les états signataires ont l’obligation d’agir « au maximum de leurs ressources disponibles en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits » économiques sociaux et culturels. Non seulement cette obligation leur interdit de prendre des mesures qui entraînent des reculs des droits, mais le Comité des droits économiques sociaux et culturels est allé plus loin encore en 2006 en affirmant qu’au Canada, nous avons les moyens d’assurer la jouissance de tous les droits énoncés dans le pacte, et ce dans une large mesure. Le comité a d’ailleurs ajouté que la lutte au déficit ne peut servir d’excuse pour ne pas respecter l’ensemble des droits économiques et sociaux.

Le gouvernement a non seulement l’obligation de hausser le montant des prestations d’aide sociale à un niveau qui permette la réalisation du droit à un niveau de vie suffisant, mais aussi d’agir pour assurer collectivement la réalisation de l’ensemble des droits, ce qui inclut le droit au logement, à la santé, à des conditions de travail justes et favorables et à l’éducation, pour n’en citer que quelques-uns.

Pour lire le communiqué de presse conjoint