Le 27 mai dernier, la Cour d’appel du Québec donnait raison au maire de Saguenay, Jean Tremblay, qui en appelait de la décision du Tribunal des droits de la personne qui avait ordonné aux membres du conseil municipal de Saguenay de cesser de réciter la prière avant les réunions du conseil et de retirer tout symbole religieux de chacune des salles où se réunit le conseil, en particulier une statue du Christ et un crucifix.
Cette décision ne modifie en rien la position de la Ligue des droits et libertés (LDL) à l’effet que la prière n’a pas sa place dans les institutions politiques d’un État laïque. En effet, dans un fascicule sur la laïcité, la LDL affirmait en 2010 que « l’État devrait plutôt s’atteler à mettre fin aux pratiques qui subsistent et qui portent atteinte à la laïcité. Par exemple, la politique actuelle du gouvernement de subventionner certaines écoles et garderies religieuses devrait être remise en question car elle déroge au devoir de neutralité de l’État. De même, la récitation de la prière au début des séances de certains conseils municipaux devrait être abolie.»
Par ailleurs, nous estimons qu’en faisant sien les arguments des témoins experts des appelants, la Cour rend encore plus confus le débat sur la laïcité.
Ceci n’est pas une prière : la Cour retient « l’opinion de ces experts que les valeurs exprimées par la prière litigieuse sont universelles et qu’elles ne s’identifient à aucune religion en particulier. » [88] Ainsi, selon la Cour, la prière ne compromettrait pas la neutralité de l’État du moment que la référence à Dieu ne peut être associée à une religion monothéiste en particulier.
La Cour prétend que la neutralité absolue de l’État n’est pas envisageable [68] au motif que l’État doit également défendre le bien commun et sauvegarder l’héritage culturel [63]. Selon la Cour « La prétention selon laquelle l’État devrait faire preuve d’abstentionnisme en matière religieuse me paraît être en contradiction avec son devoir relatif à la préservation de son histoire… » [88] À notre avis cela reflète une vision passéiste de l’héritage culturel qui ne tient pas compte de l’évolution historique de la laïcité au Québec.
La Cour s’appuie, entre autres, sur la décision de l’Assemblée nationale de maintenir le crucifix dans le Salon bleu. Cette décision a été dénoncée par la LDL et on mesure maintenant les conséquences négatives de ce geste à haute teneur symbolique. Le jugement se réfère également à la référence à Dieu dans le préambule de la Charte canadienne, référence que la LDL a déjà jugé inappropriée dans un État laïque.
Soulignons également, que les tentatives de réintroduire le religieux dans le politique, tant à Québec qu’à Ottawa sont avant tout le fait de fondamentalistes chrétiens.