Revue Droits et libertés, Vol. 33, numéro 1, printemps 2014
À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, 562 écrivain-e-s, dont 5 lauréat-e-s du Prix Nobel[1], dans 80 pays, ont lancé un appel pour dénoncer l’espionnage institutionnalisé des citoyen-ne-s à l’ère numérique. Cet appel a été publié dans 30 journaux à travers le monde.
Lettre ouverte :[2]
« Ces derniers mois, l’étendue de la surveillance de masse est devenue notoriété publique. De quelques clics de souris, l’État peut accéder à votre portable, à votre adresse e-mail, à vos réseaux sociaux et à vos recherches sur Internet.
« Il peut suivre vos penchants et vos activités politiques et, en partenariat avec des sociétés de l’Internet, il recueille et stocke vos données et il peut donc prédire votre consommation et vos comportements.
« Le pilier fondamental de la démocratie est l’intégrité inviolable de l’individu. L’intégrité humaine s’étend bien au-delà du corps physique. Dans leurs pensées et dans leurs environnements personnels et de communication, tous les êtres humains ont le droit à une intimité sans encombre.
« Ce droit fondamental est rendu caduc par l’abus de l’évolution technologique par les États et par les sociétés organisées à des fins de surveillance de masse.
« Une personne placée sous surveillance n’est plus libre; une société sous surveillance n’est plus une démocratie. Pour rester valides, nos droits démocratiques doivent s’appliquer aussi bien dans le virtuel que dans le concret.
* La surveillance viole la sphère privée et compromet la liberté de pensée et d’opinion.
* La surveillance des masses traite chaque citoyen comme un suspect potentiel. Elle remet en question un de nos triomphes historiques : celui de la présomption d’innocence .
* La surveillance rend l’individu transparent, tandis que l’État et la société fonctionnent dans le secret. Comme nous l’avons vu, ce pouvoir est systématiquement abusif.
* La surveillance est un vol. Ces données ne sont pas un bien public : elles nous appartiennent. Quand elles sont utilisées pour prédire notre comportement, nous sommes spoliés d’autre chose : du principe de la libre volonté, essentiel à la liberté démocratique.
NOUS EXIGEONS LE DROIT pour tous les peuples à déterminer, comme citoyens démocratiques, dans quelle mesure leurs données personnelles peuvent être légalement collectées, stockées et traitées et par qui; d’obtenir des informations sur l’endroit où leurs données sont stockées et comment elles sont utilisées; d’obtenir la suppression de leurs données si elles ont été illégalement recueillies et stockées.
NOUS APPELONS TOUS LES ÉTATS ET SOCIÉTÉS à respecter ces droits.
NOUS APPELONS TOUS LES CITOYENS à se lever en défense de ces droits.
NOUS APPELONS LES NATIONS UNIES à reconnaître l’importance centrale de la protection des droits civils de l’ère numérique et de créer une Charte internationale des droits numériques.
NOUS APPELONS LES GOUVERNEMENTS à signer et à adhérer à une telle convention. »
[1] Les 5 Prix Nobel signataires sont : Orhan Pamuk, J.M. Coetzee, Elfriede Jelinek, Günter Grass etTomas Tranströmer. Parmi les signataires, se trouvent également Umberto Eco, Margaret Atwood, Don DeLillo, Daniel Kehlmann, Nawal El Saadawi, Arundhati Roy, Henning Mankell, Richard Ford, Javier Marias, Björk, David Grossman, Arnon Grünberg, Angeles Mastretta, Juan Goytisolo, Nuruddin Farah, João Ribeiro, Victor Erofeyev, Liao Yiwu et David Malouf.
[2] http://www.change.org/fr/pétitions/pour-une-défense-de-la-democratie-à-l-ère-numérique