Discours de Christian Nadeau
Commémoration du 29 janvier 2017 à l’Hôtel de ville de Montréal
La première réaction à la suite d’une tragédie comme celle du 29 janvier 2017 à la mosquée de Québec est l’horreur et la stupéfaction. Nous sommes à la fois horrifiés par la violence d’un tel geste et stupéfaits, car malgré tous les signes sociaux de l’intolérance, nous ne pouvions pas croire un tel geste possible au Québec. Non parce que nous serions une société différente, incapable de racisme, mais parce que nous pensions être à l’abri de ces pires manifestations. Du moins, tel était ce que je croyais, moi comme beaucoup d’autres. Aveuglement volontaire, naïveté ou analyse froide de notre situation – le discours d’extrême droite, malgré le bruit qu’il fait, n’a pas l’ampleur qu’il a en Europe – nous étions conscients d’un danger, mais nous n’avions jamais vu encore le pire visage de la haine.
Viennent, après le choc, la douleur, la tristesse et la colère. Puis, peu à peu, émergent les questions. La première, toute simple, se résume à un mot : Pourquoi ? Suivent quelques réponses, mais toutes insuffisantes. La haine ? À un tel point ? La folie donc ? Elle n’a ici rien d’aveugle. La bêtise, la lâcheté, l’explosion d’une violence exacerbée par les discours ambiants et l’irresponsabilité des élites ? Peut-être. Toutes ces réponses toutefois seront toujours partielles, incomplètes et pour bon nombre d’entre elles nous conduirons à l’impasse. La raison en est très simple. Car cette question, si importante soit-elle, ne peut en remplacer une autre, qui doit aujourd’hui plus que jamais apparaitre en tête de toutes les autres. Cette question, il faut que chaque personne puisse la recevoir et la méditer. Comment allons-nous réagir ? Qu’allons-nous faire ? Allons-nous oublier rapidement, une fois les commémorations d’usage passées, ou allons-nous œuvrer ensemble au respect des droits de chaque personne, toute personne, quelle qu’elle soit.
Une journée comme celle-ci ne peut pas seulement marquer un triste anniversaire. Elle doit exprimer le début d’une véritable transformation sociale. À chaque fois que nous entendrons la haine raciste, ne baissons jamais les bras, ne fléchissons jamais, marchons d’un pas résolu sans repos, car il n’y a pas de lieu tranquille là où existe le racisme. À la méfiance, nous saurons opposer la confiance. À la ségrégation et à la discrimination, nous répondrons par l’ouverture, le respect des droits et la solidarité.
Nous ne pouvons pas perdre, car nous avons déjà trop perdu. Ces six personnes, ces six hommes réunis dans un lieu de prière, ne reviendront pas. Mais nous pouvons faire vivre leur mémoire encore et encore par nos combats, par nos luttes pour la justice et pour les droits, pour l’égalité et pour l’avenir. Ce ne sont ni des montagnes ni des utopies qu’il faut soulever, ce sont nos droits. Et nous pouvons le faire ensemble.
Christian Nadeau
Président de la Ligue des droits et libertés