COMMUNIQUÉ
Pour diffusion immédiate
Québec Ottawa – 10 juin 2018. La Ligue des droits et libertés et Amnistie internationale Canada concluent aujourd’hui une mission d’observation indépendante sur le respect des libertés civiles dans le cadre du G7. Si les organisations notent l’absence de scénarios désastreux, un imposant déploiement des forces policières, autant avant que pendant le G7, et autant à La Malbaie qu’à Québec, aura contribué à créer un véritable climat de peur pour quiconque souhaitait s’exprimer librement et pacifiquement dans le cadre du Sommet.
« Est-ce qu’un climat de peur et d’intimidation qui a pour effet de brimer la liberté d’expression doit être considéré comme une ‘’opération de sécurité publique réussie’’ ? » se questionne Geneviève Paul, directrice générale d’Amnistie internationale.
Pendant trois jours, plus de 40 observatrices et observateurs, ayant une expertise solide et variée, ont été déployés dans les régions de Québec, la Malbaie et du Saguenay. Les deux organisations remercient chaleureusement toute l’équipe de la mission pour son professionnalisme et sa disponibilité. Les organisations notent par ailleurs l’accueil favorable de la population ainsi que les nombreux remerciements exprimés par des manifestant-e-s qui ont dit trouver la présence de la mission sur les lieux rassurante. Un écho similaire a été noté du côté des personnes détenues, avec qui la mission d’observation s’est entretenue dans la prison d’Orsainville.
Tout au long de la mission, l’équipe de coordination a pu compter sur la réactivité des agents de liaison désignés au sein de la Sureté du Québec et de la prison d’Orsainville. Les requêtes formulées par l’équipe de coordination ont été relayées et – en ce qui concerne la prison d’Orsainville – elles ont toutes été prises en compte.
Parmi les constats préliminaires, la présence d’armes d’assaut parmi les forces policières, aux côtés de policiers qui portaient d’autres armes de contrôle de foule, est extrêmement préoccupante et contribue à augmenter le sentiment de peur au sein de la population et auprès des manifestants, d’autant plus que les forces policières ont refusé de fournir les règles d’engagement pour l’utilisation des armes.
La mission a noté plusieurs comportements jugés inacceptables de la part des membres des services de police envers les manifestant-e-s, allant de propos injurieux à des gestes intimidants. Des équipes d’observation nous ont aussi rapporté que les forces policières, à quelques occasions, se sont montrées non-coopérantes envers elles. Les organisations déplorent le recours (le 8 juin) à des souricières vraisemblablement injustifiées, pratique policière qui, en restreignant la liberté de mouvement sans motif apparent, brime le droit de manifester. La mission a également été témoin d’incidents où des manifestant-e-s ont endommagé du matériel des membres des médias. Des journalistes nous ont aussi rapporté des gestes jugés inacceptables commis par les forces policières envers des journalistes.
Concernant les arrestations, la mission a été témoin de quelques cas d’extraction (arrestations soudaines et brusques), sans toutefois constater de motifs apparents pouvant justifier celles-ci. Les personnes détenues nous ont fait part de leur peur face à des arrestations qu’elles ont jugées intimidantes, soulignant qu’elles n’avaient présenté aucune résistance lors de l’arrestation. Finalement, la mission a été informée que les personnes arrêtées pour attroupement illégal seraient détenues jusqu’à lundi car on estime qu’elles risquent de récidiver. Or, selon les informations que nous avons collectées jusqu’à maintenant, les manifestations ne remplissaient aucune des conditions qui permettent de conclure à un attroupement illégal. Cette décision a pour effet d’empêcher, de manière vraisemblablement injustifiée, des personnes de manifester.
« La disproportion flagrante entre le nombre de manifestant-e-s présent-e-s et l’imposante force policière est alarmante. Dans un tel contexte, peut-on s’étonner que plusieurs citoyennes et citoyens nous aient rapporté avoir eu peur de manifester? », questionne Nicole Filion de la Ligue des droits et libertés. « Plutôt que d’encourager une participation citoyenne qui soulève des préoccupations sur des enjeux mondiaux qui nous concernent tous, le G7 s’est déroulé dans un climat de peur. » note Alex Neve, secrétaire-général d’Amnesty international Canada.
Les organisations poursuivent la collecte d’information et feront le suivi avec les autorités sur ces différents points dans le contexte de la rédaction d’un rapport qui sera rendu public prochainement. Le rapport contiendra une série de recommandations à l’intention des forces policières, ainsi que des gouvernements du Québec et du Canada.
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