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Témoignage livré par Solo Fugère, comédien
Il n’aura fallu que 57 secondes pour que le policier Jean-Loup Lapointe vide son arme en direction de trois jeunes racialisés, tuant ainsi Fredy Villanueva, blessant Denis Méas et Jeffrey Sagor Métellus, tout en traumatisant à vie des personnes présentes. L’arsenal judiciaire et médiatique s’en prendra ensuite au frère de Fredy, Dany Villanueva, en tentant de le rendre indirectement responsable du meurtre public de son frère.
Tragédie de Fredy Villanueva
Cette tragédie qui comprend aussi le chapitre d’une des enquêtes publiques les plus coûteuses du Bureau du coroner (sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva) aura des répercussions jusque dans le monde de la culture, où des dynamiques d’appropriation culturelle, de dépossession de la mémoire et de censure des voix marginalisées trouveront preneur. En cette époque de subversion des discours portés par les groupes marginalisés et sous-représentés (sur Slav et Kanata pour ne nommer que ceux-là), qu’en est-il de l’absence d’espaces d’expression pour les groupes marginalisés et étouffés qui osent s’identifier à l’Affaire Villanueva?
La douleur et l’injustice subies par les personnes marginalisées ne sont pas une marchandise artistique que les personnes blanches privilégiées peuvent observer comme une curiosité afin de démontrer ou non leur sympathie. Oui, il y a un prix à payer lorsqu’on remet en question le statu quo.
Censure de la mémoire de Fredy Villanueva
Qu’en est-il de la censure de la mémoire de Fredy Villanueva à l’endroit où il a été froidement abattu? Je ne pose même pas la question de l’impunité dont jouit le policier Lapointe promu au groupe tactique du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), ou encore celle de l’employée de la Ville de Montréal, qui, selon un article de La Presse, aurait joué avec les caméras qui auraient dû filmer le stationnement du parc Henri-Bourassa où a eu lieu l’intervention du 9 août 2008.
Je me questionne sur les conditions qui font que Montréal se dote de toutes sortes de murales sur différents thèmes, plus belles les unes que les autres, sans que notre Métropole ait le courage de reconnaître le droit légitime à la mémoire et la valeur que représente la présence des personnes racialisées.
Montréal, espace de rencontre et de résistance
Cela manque aussi aux legs du 375e anniversaire de Montréal. C’est ce qui manque dans les discours des élu-e-s actuels. C’est ce qui manque dans la valorisation des multiples attributs de notre ville. Si Montréal, ce territoire non cédé, est un espace de rencontre, il est aussi un espace de résistance pour des gens dont les vies doivent être mieux servies et protégées et où les lieux de mémoire sont menacés par des dynamiques d’expropriation, de gentrification, de surveillance, de profilage, de judiciarisation, d’exécution.
Des villes résilientes, inclusives et favorables
Voilà pourquoi j’ai déposé une pétition demandant un mémorial et une murale à la mémoire de Fredy Villanueva. Voilà pourquoi j’ai interpellé sur cette histoire Madame Valérie Plante, mairesse de Montréal, et son prédécesseur, après avoir cumulé des refus, silences et réponses faibles de Madame Christine Black, mairesse de l’arrondissement de Montréal-Nord. Voilà pourquoi j’ai démissionné de la pièce Fredy, suite au retrait du consentement de sa mère, Lilian, après de multiples bris de confiance avec la dramaturge, Annabel Soutar. Voilà pourquoi je vous interpelle sur votre pouvoir individuel et sur notre potentiel collectif à bâtir des villes résilientes, inclusives et favorables à la préservation de la vie de celles et ceux qui manquent à notre toponymie malgré leur contribution à notre qualité de vie.