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Genevière Breault, étudiante à la maîtrise en droit à l’UQAM et stagiaire à la Ligue des droits et libertés
En février 2014, Alain Magloire, 41 ans, est abattu par quatre balles au thorax par un policier au centre-ville de Montréal alors qu’il est en situation de détresse apparente. Dans le rapport sur les circonstances entourant son décès, le coroner identifie des lacunes de formation chez les policières et policiers et demande des améliorations rapides. La médiatisation de mauvaises interventions policières, comme celle de l’affaire Magloire, a mené, en 2017, à la refonte du programme de formation collégiale offert aux aspirants policiers et policières dans douze établissements scolaires à travers la province.
D’une durée de 2 385 heures, le diplôme d’études collégiales en techniques policières permet aux étudiant-e-s d’acquérir 36 compétences requises pour l’exercice du travail de policier-patrouilleur. Le parcours peut aussi prendre la forme d’une attestation d’études collégiales en techniques policières d’une durée de 900 heures lorsque celle-ci est assortie préalablement d’une promesse d’embauche d’un corps de police. Dans tous les cas, cette première étape doit être suivie d’une formation intensive d’une durée de quinze semaines donnée par l’École nationale de police du Québec (ÉNPQ).
La bonification du programme a notamment permis l’ajout de 60 heures de formation en santé mentale et toxicomanie. Selon Valérie Lavoie, enseignante en criminologie en techniques policières, l’apport principal de cette refonte se situe dans l’ajout de compétences liées au savoir-être et de critères de performance qui y sont liés. Avec des indicateurs comme l’intégrité, la rigueur, l’initiative, la collaboration, la coopération, la maîtrise de soi ou encore le discernement, il devient plus facile pour les enseignant-e-s de procéder à l’évaluation des étudiant-e-s.
Comme le rappelle Valérie Lavoie, il est normal que les étudiant-e-s aient des préjugés ou encore des problématiques de savoir-être; ils sont en processus d’apprentissage. Le rôle des enseignant-e-s est alors d’identifier les difficultés rencontrées et d’effectuer des interventions ciblées pour permettre aux étudiant-e-s de développer des attitudes compatibles avec leur future carrière policière. Pour ce faire, elle juge que les enseignant-e-s doivent avoir des outils d’évaluation, non pas pour punir, mais bien pour s’assurer de permettre aux étudiant-e-s d’accéder à des ressources ou un accompagnement spécifique. Elle questionne également l’interdiction qui pèse sur les enseignant-e-s de transmettre toute information concernant les étudiant-e-s à l’ÉNPQ ou encore à de futurs employeurs et se demande s’il ne serait pas au contraire pertinent de prévoir une structure qui jouerait ce rôle.
Pour Éric Richard et Marie-Christine Pacaud, enseignant-e-s-chercheur-e-s respectivement anthropologue et psychologue de formation, le développement des compétences nécessaires au futur travail policier ne relève pas exclusivement de la formation dispensée. Les attitudes présentes avant l’admission dans le programme de formation exerceraient de fortes influences sur la perception du travail policier. Ils proposent par conséquent de revoir le processus de sélection afin d’ajouter une évaluation des perceptions et des représentations du travail policier afin d’écarter des étudiant-e-s qui n’auraient pas les attitudes favorables aux caractéristiques du travail policier contemporain.
La formation policière au Québec dispose d’une structure qui est unique et qui en fait une formation sérieuse. Elle démontre une ouverture à s’améliorer, mais fait également face à une complexification des enjeux du travail policier. Puisqu’elle forme des agent-es qui seront armés et qui seront dotés d’un important pouvoir de contrôle des individus et de la société, il semble tout à fait raisonnable d’imposer aux aspirants policiers et policières des mécanismes de contrôle supplémentaires.
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