Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate
Montréal, le 16 septembre 2021 – La Ligue des droits et libertés (LDL) et la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) dénoncent l’absence de réforme en profondeur du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Comme premiers jalons de cette réforme nécessaire et urgente, les deux organisations exigent que le BEI et la ministre de la Sécurité publique mettent en application sans délai deux recommandations tirées du bilan des trois premières années d’activité du BEI lancé par la LDL et la CRAP en septembre 2020.
La première recommandation concerne la nécessité pour le BEI de rendre public le contenu des rapports d’enquête lorsque le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ne porte pas d’accusation contre un-e policier-ère impliqué-e dans une intervention où une personne est décédée ou a subi une blessure grave. Le BEI doit informer la population et les familles des victimes de tous les faits relatifs à l’intervention policière, des démarches d’enquête, des éléments de preuves colligés et des déclarations (anonymisées) des témoins et personnes impliquées.
C’est un impératif de transparence demandé également par l’observatrice civile indépendante, Me Fannie Lafontaine, qui qualifiait le BEI de « cancre au Canada en matière de transparence » dans un rapport rendu public en octobre 2020. Et c’est d’autant plus crucial que la Cour du Québec a déclaré dans une décision rendue le 7 juin 2021 que le BEI n’avait pas été indépendant et impartial dans ses communications avec le public en ce qui concerne le décès de Koray Kevin Celik, survenu en 2017 à L’Île-Bizard. Le BEI n’avait relaté que la version policière et avait complètement occulté la version différente des parents de la victime, qui étaient pourtant des témoins directs de l’intervention policière.
« L’opacité du BEI doit cesser ! Le BEI doit rendre public le contenu de ses rapports d’enquête en publiant sur son site Web des résumés exhaustifs et anonymisés de ses rapports, comme le font déjà l’Unité des enquêtes spéciales de l’Ontario et d’autres organisations similaires ailleurs au Canada. Il peut le faire dès aujourd’hui, rien dans la loi ne l’en empêche. Quand on se compare avec le reste du Canada, on se désole de voir à quel point la population du Québec est sous-informée en matière d’enquêtes sur la police » affirme Lynda Khelil, porte-parole de la LDL.
La deuxième recommandation concerne la nécessité de retirer le pouvoir discrétionnaire que la direction du BEI a en matière d’enquête sur des allégations d’infraction à caractère sexuel commises par des policiers en fonction. Il est inacceptable que le directeur ou la directrice du BEI ait le pouvoir de fermer un dossier d’enquête pour ce type d’infraction s’il ou elle juge que la plainte est « frivole ou sans fondement ». Il s’agit du seul type d’enquête pour lequel la direction du BEI détient un tel pouvoir.
« Dans le cadre de la grande réforme urgente du BEI qui s’impose, la ministre de la Sécurité publique doit absolument modifier la Loi sur la police afin de retirer ce pouvoir discrétionnaire à la direction du BEI. Les victimes d’agressions sexuelles doivent pouvoir compter sur une garantie qu’une enquête sérieuse et complète sera menée et que le dossier d’enquête sera soumis au DPCP. Alors que tant de victimes doivent se battre pour être simplement crues, il est aberrant de voir que la législation parte avec l’idée que des gens s’amusent à déposer des plaintes frivoles et sans fondement. On dirait une loi d’une autre époque, précédant l’ère du mouvement #MeToo » déclare Alexandre Popovic, porte-parole de la CRAP.
Les deux organisations sont encore plus préoccupées par l’octroi de ce pouvoir discrétionnaire depuis qu’elles ont appris dans les médias le 4 septembre dernier que le directeur actuel du BEI, Me Pierre Goulet, est présentement visé par une poursuite civile intentée par trois personnes victimes d’agression sexuelle, relativement à ses fonctions antérieures de procureur au DPCP dans les années 1990. La gestion des plaintes pour des infractions à caractère sexuel commises par des policiers en fonction doit être organisée par le BEI de telle sorte que la confiance du public ne puisse pas être ébranlée par des décisions discrétionnaires sur un enjeu aussi important.
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Pour informations et entrevues :
Elisabeth Dupuis, Responsable des communications de la Ligue des droits et libertés
C : 514-715-7727
Pour consultation : https://liguedesdroits.ca/regards-critiques-trois-premieres-annees-bei