Montréal et Paris, le 16 juin 2025
Lire la lettre en format PDF – 16 juin 2025
À lire aussi :
Lire la lettre en format PDF – 27 août 2024
Lire la lettre en format PDF – 23 février 2024
Lire la lettre en format PDF – 8 décembre 2023
Le très honorable Mark Carney, C.P., député
Premier Ministre du Canada
Cabinet du premier ministre
80, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A2
mark.carney@parl.gc.ca
L’honorable Anita Anand, C.P., députée
Ministre des Affaires étrangères
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
anita.anand@parl.gc.ca
OBJET : Obligations du Canada – Sanctions contre Israël pour faire cesser le génocide du peuple palestinien
Monsieur le Premier ministre,
Madame la ministre,
La présente correspondance vous est transmise par la Ligue des droits et libertés, une organisation de défense des droits humains basée au Québec, et par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), une ONG internationale regroupant 188 organisations nationales de défense des droits humains provenant de 116 pays.
Le 19 mai dernier, le Canada, la France et le Royaume-Uni ont publié une déclaration commune demandant au gouvernement israélien « d’arrêter ses opérations militaires à Gaza et d’autoriser immédiatement l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza ». Le Canada y hausse le ton, mais n’a posé aucune action concrète. Puis, le 10 juin, le Canada, en concertation avec l’Australie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, a imposé des sanctions ciblant deux individus israéliens en raison de leur rôle dans l’expansion des colonies en Cisjordanie.
Cela reste nettement insuffisant et ne fait pas écho aux obligations du Canada en vertu du droit international humanitaire et des droits humains.
Si le récent changement de ton du gouvernement canadien est un pas dans la bonne direction, nous l’enjoignons à présent à faire tout le nécessaire dans les délais les plus urgents. Les récentes déclarations de divers membres du gouvernement israélien à l’effet qu’ils veulent en finir une fois pour toute avec Gaza et qu’ils n’hésiteront pas à exterminer la population palestinienne à Gaza laissent présager une accélération des actes génocidaires.
De fait, depuis octobre 2023, le Canada n’a annoncé aucune sanction concrète contre Israël et maintient, dans les faits, sa posture de complicité avec le génocide en cours dans la bande de Gaza ainsi que la colonisation et l’occupation illégale du Territoire palestinien occupé (TPO) en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
De nombreuses organisations telles que Human Rights Watch, Amnistie internationale et nos deux organisations, pour n’en nommer que quelques-unes, dénoncent le génocide en cours dans la bande de Gaza. Nous vous rappelons que le Canada est signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, laquelle est très explicite sur les obligations des États signataires. Comme vous le savez, l’article V stipule que ces États doivent prendre des sanctions pénales efficaces pour punir les auteurs de génocide. Pour remplir ces obligations, les États ne peuvent se contenter de laisser planer la menace d’imposer éventuellement des sanctions, mais doivent agir concrètement et rapidement.
Il est urgent que le Canada adopte tous les moyens d’actions à sa disposition pour que l’aide humanitaire puisse entrer à Gaza et être distribuée par des organisations humanitaires indépendantes et reconnues. Le Canada a aussi l’obligation d’agir pour que cessent immédiatement les opérations militaires israéliennes, notamment en instaurant un arrêt effectif et vérifiable de toute vente ou transfert de fourniture d’armement (directement ou en passant par un pays tiers) et de pièces d’équipement pour les avions militaires. Le Canada doit également révoquer l’Accord de libre-échange Canada-Israël et fermer son ambassade en Israël.
Gaza n’est pas le seul territoire occupé illégalement par Israël où des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre sont perpétrés par la puissance occupante. Une récente mission de la FIDH en Cisjordanie et à Jérusalem-Est a permis de documenter l’accroissement de la violence des colons dans le territoire palestinien occupé (TPO) de Cisjordanie, une violence qui est facilitée par l’inaction de l’armée et son soutien direct. De même, l’accès aux soins de santé est sérieusement compromis, non seulement parce que les ambulances sont souvent prises pour cibles mais également parce que les barrages routiers allongent indûment la durée des trajets.
Le Canada demeure pourtant silencieux sur l’avis de la Cour internationale de Justice du 19 juillet 2024 qui déclare illégale l’occupation des territoires palestiniens par Israël et intime tous les États et toutes les entreprises de cesser toute complicité avec cette occupation.
Dans les circonstances actuelles et en vertu de ses obligations, le Canada doit faire plus qu’exiger un cessez-le feu immédiat et permanent, l’entrée sans entrave de l’aide humanitaire par des organisations humanitaires indépendantes et reconnues, dont l’UNRWA et la fin du blocus illégal de la bande de Gaza.
Il doit également :
- Reconnaître et dénoncer le génocide en cours à Gaza ;
- Instaurer un véritable embargo sur la vente de tout matériel et pièces d’équipements militaires à destination d’Israël, incluant via les États-Unis ;
- Adopter des sanctions économiques et commerciales à l’égard d’Israël, y compris une interdiction de commerce avec les colonies israéliennes illégales dans le Territoire palestinien occupé;
- Mettre fin immédiatement à l’accord de libre-échange Canada-Israël ;
- Poursuivre les Canadien-nes qui ont servi dans l’armée israélienne ou commis des crimes en tant que colon en Cisjordanie;
- Interdire et sanctionner la vente au Canada de terrains situés dans le Territoire palestinien occupé ;
- S’engager à honorer les mandats d’arrestation de la Cour pénale internationale contre Benjamin Netanyahou et Yoav Gallant;
- Contribuer et soutenir les enquêtes indépendantes en cours et à venir sur les crimes commis, et exiger des comptes aux responsables. De même, soutenir sans équivoque le travail du Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) dans son enquête en cours sur les crimes internationaux commis dans le contexte de la situation en Palestine;
- Soutenir la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, en débutant par la reconnaissance de l’État de Palestine et le droit au retour des réfugié-es.
Veuillez agir en conséquence, de manière urgente, et dans le respect des obligations du Canada en matière de droits humains et de droit international,
Alexandre Petitclerc
Président
Ligue des droits et libertés (LDL)
Alice Mogwe
Présidente
Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
C.C.
Don Davies, chef par interim du Nouveau Parti démocratique
Heather MacPherson, porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’affaires étrangères
Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois
Alexis Brunelle-Duceppe, porte-parole du Bloc québécois en matière d’affaires étrangères et de droits de la personne
Andrew Sheer, chef par interim du Parti Conservateur du Canada
Michael D. Chong, porte-parole du Parti Conservateur du Canada en matière d’affaires étrangères
Mme Salma Zahid, présidente du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Palestine et députée de Scarborough-Centre, Ontario
Son Excellence António Guterres, secrétaire général des Nations Unies
Mme Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967