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Droits et libertés, automne 2024 / hiver 2025
Emplois municipaux, pour qui?
Elisabeth Dupuis, Responsable des communications, Ligue des droits et libertés
Le Québec, le Canada et les municipalités, ont des devoirs et obligations inscrits dans des lois, des Chartes et des Conventions, qui devraient toujours les guider dans l’élaboration de politiques ou de législations. Ces dispositions sont nécessaires afin d’assurer le respect des droits humains aux personnes en situation de handicap (PSH) dans des conditions d’égalité avec les autres1 et assurer leur pleine participation sociale.
Dès 2001, le Québec s’est doté d’une loi pour corriger la situation des personnes faisant partie de certains groupes victimes de discrimination en emploi2. La Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics (LAÉE) s’applique notamment à toutes les municipalités qui emploient 100 personnes et plus. Après des années de mise en œuvre progressive de la LAÉE – le groupe des personnes handicapées a été ajouté en 2007 —, les avancées en matière d’emploi dans les municipalités auraient pu être significatives pour les PSH.
Le 7e Rapport triennal 2019-20223, qui fait état de la situation en matière d’accès à l’égalité en emploi des organismes publics, explique que les 388 organismes assujettis incluant 71 municipalités sont très loin d’atteindre les indicateurs-cibles. En effet, l’écart est grand entre la représentation totale (0,9 %) des PSH et l’indicateur cible à atteindre (10,5 %) de leurs effectifs, et ce, malgré les augmentations des embauches entre 2019 et 2022. Les 71 municipalités embauchent 633 PSH sur un total de 74 288 employé-e-s.
Malgré l’existence de nombreuses ressources et services en intégration et maintien en emploi disponibles à Montréal et sa région, la métropole a un faible taux de représentation soit 1 %. En 2019-2022, seules deux municipalités atteignent et dépassent leur indicateurcibles : Chambly (5 %) et Magog (6 %). Assujettie récemment à la LAÉE, la Ville de La Tuque atteint un taux de 5%!
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) énonce des préoccupations dans un contexte d’emploi favorable : « leur taux de représentation tarde à augmenter, et ce, malgré les efforts investis par les organismes publics […] » et ce taux, qui se situe toujours aux alentours de 1 % [depuis 2007], met en évidence « que les stratégies de recrutement et d’embauche des membres de ce groupe ne donnent pas réellement de résultats4 ».
Tant de choses restent à faire pour que les PSH puissent exercer pleinement leurs droits et participer à la société. Les obstacles physiques, organisationnels et comportementaux5 sont identifiés au stade de l’embauche, de l’intégration et du maintien en emploi.
Parmi ces obstacles, on retrouve en premier lieu le capacitisme ; la représentation du travailleur idéal ; les offres d’emploi ; l’accessibilité et l’adaptation des lieux de travail ; la compréhension et l’application des accommodements et des adaptations ; l’adéquation du transport adapté et des horaires de travail ; l’absence de culture d’inclusion ; l’application des conventions collectives ; le questionnaire médical préembauche, etc.
L’interdépendance des droits est de toute évidence au cœur de la réalité des personnes en situation de handicap. Nous pouvons exiger des municipalités qu’elles en fassent davantage pour s’acquitter de leurs obligations légales et accélérer l’accès à l’égalité en emploi des PSH. Car il s’agit bien d’obligations qui leur incombent, et non de gestes charitables, pour permettre aux personnes en situation de handicap de participer pleinement à la société et d’exercer l’ensemble de leurs droits.
1 Mona Paré, La CDPH : des efforts du Canada depuis près de 20 ans, revue Droits et libertés, vol. 40, no 1, 2021.
2 Gouvernement du Québec, Rapport sur la mise en œuvre de la LAÉE, 2020.
3 CDPDJ, Rapport triennal, 2023.
4 Ibid.
5 CDPDJ, Rapport annuel du groupe visé des personnes handicapées, 2021.