Les déterminants de la santé

Les interventions sur les déterminants de la santé, c’est, réduire ce qui est rugueux pour la vie dans l’environnement et qui finit par pénétrer dans le corps, dans l’esprit et dans les rapports sociaux pour empêcher les individus de fonctionner.

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Revue Droits & Libertés, aut. 2020 / hiver 2021

Selon André-Pierre Contandriopoulos

Inspiré de la pensée de Georges Canguilhem, médecin-philosophe (1904-1995)[1].

La santé, c’est cette capacité pour un individu à fonctionner physiquement, biologiquement, socialement, psychiquement dans un environnement donné. « La santé ce n’est pas seulement la vie dans le silence des organes, c’est aussi la vie dans la discrétion des rapports sociaux ». Dès que, soit le corps, soit le social, soit le psychique se rappelle à nous et qu’on n’arrive plus à fonctionner, alors on devient malade.

Pour Canguilhem, « aucune guérison n’est retour à l’innocence biologique ». La santé c’est la possibilité pour une personne de retrouver une certaine forme de normalité après la maladie. Le modèle simpliste voulant que la maladie soit l’inverse de la santé et qu’il suffise de réduire la maladie pour que la santé s’améliore, ne tient pas. La maladie fait partie de la vie, enlever toute forme de maladie n’a pas beaucoup de sens. Plus la santé d’une population s’accroit, plus l’espérance de vie augmente, plus le recours aux soins augmente.

Les travaux scientifiques récents sur les facteurs qui affectent la santé des populations, montrent que les conditions, les situations, les contextes qui sont porteurs de santé, c’est-à-dire qui accroissent la possibilité pour le vivant de s’accomplir mobilisent des mécanismes qui ne sont pas de même nature que ceux qui sont à l’œuvre quand il s’agit de diagnostiquer, de traiter, voire de prévenir des maladies spécifiques. D’un côté, quand on veut agir sur la santé en tant que capacité à vivre bien et longtemps, les interventions ciblent l’environnement dans lequel interagissent les individus, aussi bien l’environnement physique (milieu de travail, conditions de logement, salubrité, pollution, etc.) que l’environnement économique et social (pauvreté, chômage, isolement, exclusion, droits de la personne, etc.), ou encore les valeurs, les croyances, les représentations, l’environnement culturel (éducation, accès à l’information et aux connaissances, etc.). D’un autre côté, quand on veut agir sur la santé en réduisant l’incidence, la durée, l’intensité ou les conséquences de maladies spécifiques, les interventions portent sur les différents processus biologiques, psychiques et comportementaux d’une personne affectée par une maladie.

Les interventions sur les déterminants de la santé, c’est, au fond, réduire ce qui est rugueux pour la vie dans l’environnement et qui finit par pénétrer dans le corps, dans l’esprit et dans les rapports sociaux pour empêcher les individus de fonctionner[2].


[1] Georges Canguilhem, Le Normal et le Pathologique, Paris, Presses universitaires de France, « Quadrige », 2015, 12e édition.

[2] Drulhe, (1997). Santé et société : le façonnement sociétal de la santé. Paris, Presse Universitaire de France (PUF) ; Evans, R., G., M. L. Barer and T. R. Martmor (1996). Être ou ne pas être en bonne santé : Biologie et déterminants sociaux de la maladie. Paris et Montréal, John Libbey Eurotexte et Les Presses de l’Université de Montréal.; OMS (2009) Combler le fossé en une génération, Rapport de la commission des déterminants sociaux de la santé.


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