Les OSBL ne sont pas des lobbyistes

En réponse à l’article signé par le président de l’Association québécoise des lobbyistes, Mathieu Santerre

Lucie Lamarche, Ligue des droits et libertés

Dans l’édition de 20 octobre dernier du journal Le Devoir, M. Santerre nous apprend que le lobbyisme n’est pas une maladie, mais une activité légitime destinée à «brancher» les décideurs sur les préoccupations de la société civile. Il affirme de surcroît que c’est à tort que les organismes sans but lucratif (OSBL) s’opposent à l’obligation que leur fera le projet de loi 56 de s’inscrire au registre des lobbyistes.

La Ligue des droits et libertés est membre du Regroupement québécois de l’action communautaire autonome et de celui des organismes de défense collective des droits. Mais elle n’est pas membre de l’Association québécoise des lobbyistes. Cela s’explique. Car ce que Monsieur Santerre ne dit pas, c’est que les membres de son association sont des entités qui branchent les décideurs en échange de contrepartie financière de la part de clients qui les mandatent pour ce faire. Et cette différence est de taille, comme l’ont révélé les travaux de la Commission Charbonneau où, que nous sachions, aucune OSBL n’a été convoquée. Les OSBL ne se spécialisent pas dans le «clé en main de la représentation d’intérêts», mais dans la représentation démocratique des intérêts des citoyen-ne-s, et souvent des citoyen-ne-s parmi les plus vulnérables.

Et pourtant, les OSBL ont été assaillies au fil de la dernière décennie de mil tracasseries administratives mettant à risque tantôt leur existence, tantôt leur statut d’organisme charitable. Le projet de loi 56 en constitue une de plus et la gratuité projetée de l’inscription au registre des lobbyistes n’enlèvera rien à la vulnérabilité politique issue de ce grand projet de transparence de l’action gouvernementale. Ce qui est moins transparent, c’est la volonté de l’État de limiter le droit des OSBL d’exister ou non, en contrôlant de plusieurs façons leurs activités démocratiques par des procédés administratifs. Imaginez un instant que la cuisine collective de votre région doive envisager l’inscription de ses membres actifs au registre des lobbyistes afin qu’ils défendent auprès de l’État le droit des citoyens de se nourrir, et vous comprendrez aisément l’effet refroidisseur qui est à la clé de ce nouveau procédé.

Dans son rapport de 2015, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association, M. Maina Kiai, démontrait comment dans plusieurs pays du monde, il est beaucoup plus difficile de s’associer démocratiquement que de démarrer une entreprise. Cela est aussi vrai au Québec qu’ailleurs.

Les lobbyistes participent à un marché de services de représentation auprès des décideurs. Ce n’est pas le cas des OSBL dont les interventions sont intimement liées à l’exercice légitime de la liberté d’association et d’expression. Et M. Santerre fait preuve d’une audace surprenante lorsqu’il assimile la démocratie à un exercice au noir du lobbyisme.

La Ligue des droits et libertés, en association avec la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles et le Service aux collectivités de l’UQAM, organise le 27 novembre prochain à l’UQAM un Colloque intitulé La transparence de l’État: prétexte pour plus de contrôle et moins de démocratie. Et comme la démocratie ne se pratique pas au noir, l’Association québécoise des lobbyistes pourra, comme tout le monde, prendre connaissance des conclusions de ce colloque qui seront diffusées suite à l’événement.