Il y a 70 ans, soit le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) était adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies à Paris. Composée de 30 articles, la Déclaration proclame l’égalité en dignité et en droits de toutes les personnes, sans distinction de race, de sexe, de langue, de religion ou d’opinion politique.
par Christian Nadeau, président de la Ligue des droits et libertés
Lettre parue dans Le Devoir, le 10 décembre 2018
Le texte affirme la reconnaissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, tout comme il reconnaît à son article 28 que « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ». L’adoption de la DUDH a été suivie en 1966 de l’adoption de deux traités contraignants : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Aujourd’hui, ce sont neuf traités qui constituent ce qu’on désigne comme le régime universel des droits de la personne.
Composée de 30 articles, la Déclaration proclame l’égalité en dignité et en droits de toutes les personnes, sans distinction de race, de sexe, de langue, de religion ou d’opinion politique.
Elle affirme notamment le droit à la vie et à la sécurité et condamne la servitude et l’esclavage, la torture et les châtiments inhumains. Elle affirme le droit à la reconnaissance pour chacun de sa personnalité juridique, le droit à ne pas être incarcéré de manière arbitraire ou exilé, le droit à la propriété, au travail, à un niveau de vie suffisant et à l’éducation.
Ces droits forment un tout et ne peuvent se penser de manière isolée les uns des autres. Ils sont les piliers des institutions démocratiques contemporaines. Rien ne permet toutefois de croire qu’il s’agit d’acquis définitifs.
Partout, le respect et l’existence mêmes des droits exigent une vigilance constante, et nous sous-estimons leur importance dans notre vie quotidienne : difficile de penser le droit d’être représenté par un avocat ou le droit à l’éducation publique gratuite, sans référence aux droits de la personne. Les luttes actuelles contre le harcèlement et contre le racisme systémique s’appuient sur ces mêmes droits.
Au Québec, les répercussions concrètes de l’adoption de la DUDH devront attendre les années 1970, alors que la Ligue des droits et libertés (alors la Ligue des droits de l’homme) entame un travail pour exposer au gouvernement de l’époque l’importance d’une loi protégeant les droits de la personne. Ainsi, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec sera adoptée en 1976. La Charte garantit tout autant les libertés fondamentales que des droits civils, politiques, économiques et sociaux. Toutefois, elle refuse aux droits économiques et sociaux qu’elle protège (car il en manque, dont le droit au logement) le statut de droits ayant préséance sur les lois ordinaires du Québec.
Tous les droits de la personne sont interdépendants et indivisibles. Mais protéger ce principe exige un travail militant constant.
Certains condamneront la DUDH et la Charte parce qu’elles dépolitiseraient les rapports sociaux entre les individus. Pourtant, s’il est un combat politique mené depuis au moins 70 ans, c’est bien celui pour le respect des droits. Pensons au Québec à l’importance du mouvement communautaire autonome, au travail des groupes de défense des droits et aux luttes pugnaces des organisations syndicales. Pensons aussi au rôle central d’institutions comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui nous permettent précisément de rapporter les droits à leur dimension politique, c’est-à-dire collective, en les ramenant à l’idée même du bien commun.
Il reste que la Déclaration est surtout un idéal vers lequel il faut tendre. Si elle demeure d’actualité, c’est parce qu’elle nous rappelle nos engagements pour l’universalité et l’indivisibilité des droits de la personne. Il suffit d’ouvrir les journaux pour trouver une foule d’exemples où les droits sont bafoués et où les idéaux ne correspondent plus qu’à de vaines promessesou à des paravents pour cacher ou justifier les pires atrocités. Tout en demeurant critique sur sa portée et son contenu, ce 70e anniversaire devrait surtout nous rappeler l’importance d’une oeuvre collective en devenir.