Diane Lamoureux a pris la parole au nom de la Ligue des droits et libertés (LDL) lors de la manifestation du 26 octobre 2025. Le rassemblement, organisé par la Coalition du Québec Urgence Palestine, dont fait partie la LDL, visait à dénoncer la complicité du Canada dans le génocide à Gaza. Nous reproduisons ici son discours.
Crédit photo : André Querry
Depuis plus de deux ans, Israël mène une guerre génocidaire à Gaza, une guerre dont les conséquences sont atroces pour la population palestinienne. Et ce n’est pas le soi-disant plan de paix de Trump qui mettra fin aux souffrances de la population palestinienne.
62 000 personnes tuées, dont 18 000 enfants. Près de 160 000 personnes blessées et plus de 11 000 personnes disparues et présumées mortes, enfouies sous les décombres. Des journalistes, des personnels de santé, des humanitaires ont été particulièrement ciblés. 90% des habitations, 90% des écoles, 80% des commerces ont été détruits. Les infrastructures sanitaires d’eau et d’évacuation des eaux usées, l’électricité ont été systématiquement démolies. La quasi-totalité de la population de Gaza a été déplacée, la plupart plus d’une fois. La famine, selon l’ONU, affecterait plus du quart de la population et ce n’est pas demain qu’on en verra la fin, puisque les rares terres cultivables de Gaza ont été rendues impropres à la culture.
Pendant que les yeux du monde entier étaient tournés vers Gaza, Israël harcelait la population palestinienne de Cisjordanie. Présentement, des milliers de paysans ne peuvent récolter leurs olives, leur principale source de revenus, et plusieurs sont tués en essayant de le faire. Les colons et une bonne partie de la classe politique israélienne parlent même d’annexer la Cisjordanie, au mépris du droit international et malgré l’avis de la CIJ qui déclarait l’occupation israélienne des territoires palestiniens illégale et dénonçait l’apartheid qui frappe la population palestinienne.
Si Israël a pu perpétrer de telles exactions, c’est en grande partie à cause du soutien sans faille des gouvernements occidentaux qui continuent de lui fournir des armes, de les soutenir diplomatiquement et de réprimer les mouvements de solidarité avec la Palestine qui se sont développés ces dernières années.
Le Canada n’est pas en reste
Malgré une reconnaissance plus que tardive et très conditionnelle de l’État de Palestine, il continue à fournir des armes à Israël, que ce soit directement ou indirectement via les États-Unis, ne prend aucune sanction significative vis-à-vis des dirigeants israéliens, n’est pas à la hauteur vis-à-vis de ses obligations pour prévenir le crime de génocide, maintient son accord de libre-échange avec Israël et réprime les mouvements de solidarité avec le peuple palestinien.
Actuellement, le projet de loi C-9, à l’étude au parlement fédéral, part de l’idée qu’il y a une augmentation des crimes haineux, principalement antisémites et islamophobes. S’il est nécessaire de combattre le racisme sous toutes ses formes, dont l’antisémitisme et l’islamophobie, cela doit se faire dans le respect des droits humains. Au contraire, ce projet de loi préconise les mesures suivantes : une nouvelle infraction visant à interdire l’intimidation de personnes se rendant dans des institutions culturelles ou religieuses ou dans d’autres lieux précisés ; une nouvelle infraction visant à interdire d’empêcher ou de gêner l’accès à ces mêmes lieux ; une nouvelle infraction de crime haineux pour mieux dénoncer les crimes motivés par la haine ; une nouvelle infraction de propagande haineuse visant l’affichage public de certains symboles haineux ou terroristes; une nouvelle définition de « haine ».
Les peines pour de tels crimes seraient en outre augmentées. Ce projet de loi passe commodément sous silence les crimes haineux contre les femmes que sont la violence conjugale et les féminicides, de même que les crimes homophobes, lesbophobes et transphobes. De plus, il fait une assimilation dangereuse entre antisémitisme et antisionisme.
Cette loi s’inscrit dans un contexte plus large de rétrécissement de l’espace civique, d’érosion des libertés démocratiques, de montée du racisme, de restriction de l’immigration et de normalisation du profilage racial
Il faut s’en inquiéter, d’autant plus que les droits des personnes manifestant leur solidarité avec le peuple palestinien ont été lourdement réprimés tant au Canada que dans certains pays occidentaux. Une étude récente de la FIDH, portant sur la Grande-Bretagne, les États-Unis, la France et l’Allemagne, montre que, dans tous ces pays, la liberté d’expression et de manifestation, la liberté d’association, le muselage de la presse et des fonctionnaires et la liberté académique ont été largement attaqués. Cela a des conséquences non seulement pour le mouvement de solidarité avec la Palestine, mais également pour la santé démocratique de ces sociétés.
Au Canada, des personnes ont perdu leur emploi, pour avoir manifesté leur solidarité avec le peuple palestinien. La couverture journalistique est particulièrement biaisée, d’autant plus que, depuis le début de cette guerre à Gaza, Israël interdit la présence de journalistes étrangers sur ce territoire palestinien. Les campements propalestiniens qui se sont établis sur plusieurs campus ont été démantelés, au mépris de la liberté d’expression et de la liberté de manifestation.
Le Québec est complice lui aussi
Au Québec, une ministre de l’enseignement supérieur a scruté à la loupe les plans de cours portant sur la Palestine, enfreignant sans vergogne la loi sur la liberté académique que son propre gouvernement avait adoptée. Des associations étudiantes sont harcelées et menacées de coupures de fonds pour avoir manifesté leur soutien à la Palestine. Tout cela ne pourra qu’empirer si le projet de loi C-9 est adopté.
Est-ce que le supposé plan de paix changera quoi que ce soit à tout cela ? Fort probablement que non ! Selon l’Agence media Palestine, Israël aurait violé plus de 80 fois le cessez-le-feu et continue de stationner des troupes dans plus de la moitié du territoire de Gaza. En outre, Israël continue de bloquer une bonne partie de l’aide humanitaire et d’interdire Gaza aux organisations humanitaires chevronnées qui pourraient en assurer une distribution plus efficace et équitable.
Sans parler du fait que ce plan de paix s’est élaboré en l’absence des Palestinien·nes et au mépris de leur droit à l’autodétermination. En fait il s’agit de la poursuite du projet colonial sous une autre forme, les puissances occidentales remplaçant partiellement Israël pour garder en tutelle le peuple palestinien, ce qui n’est pas sans rappeler le Mandat britannique de l’entre-deux-guerres. C’est au peuple palestinien qu’appartient le droit de déterminer son avenir, pas à Israël, ni aux États-Unis, ni à la « communauté internationale ». Tant que ce n’est pas le cas, la colonisation se poursuit et notre solidarité avec le peuple palestinien doit s’amplifier.

