Retour à la table des matières
Diane Valérie Bilala, juriste
En 1992, le gouvernement fédéral créait le Programme des aides familiaux résidants (PAFR), afin de combler une prétendue pénurie d’emploi. Le programme permet à des aides familiales communément appelées «travailleuses domestiques» de prodiguer sans supervision des soins à domicile, à des enfants, des personnes âgées ou à des personnes handicapées dans une résidence privée au Canada. Rapidement, le programme a attiré dans la province de Québec et partout au Canada, des milliers de travailleuses et de travailleurs domestiques issus notamment des Philippines. Le succès du programme repose, en outre, sur le fait qu’après avoir travaillé au moins 24 mois temps plein, les travailleuses domestiques obtiennent la résidence permanente. Prête à tout pour obtenir un statut d’immigration permanent au Canada, qui est l’un des principaux bénéfices du PAFR, les travailleuses domestiques acceptent toutes les formes de restrictions et ferment délibérément les yeux sur certains abus dans l’espoir d’obtenir un permis ouvert, un statut permanent, et ainsi voir leur conjoint et leurs enfants être finalement autorisés à venir les rejoindre au Canada.
À première vue, le PAFR apparaît être un programme légitime. En effet, le PAFR n’est rien d’autre qu’une voie d’immigration possible parmi l’ensemble des programmes institués par le gouvernement fédéral. Toutefois, le programme renferme une perversité qui contribue à favoriser la violation des droits et libertés fondamentales des travailleuses. En effet, le PAFR est le seul programme d’immigration canadien qui impose aux participantes la résidence sur le lieu de travail. Or, il existe un lien évident entre l’obligation de résidence chez l’employeur et l’entrave aux droits des travailleuses.
Certaines travailleuses qui vivent chez l’employeur sont malheureusement victimes d’abus. Elles n’ont pas de liberté de mouvement, pas d’intimité. Ces travailleuses sont victimes de contraintes spatiales qui se transforment en contraintes professionnelles. Elles doivent se rendre disponibles 24 heures sur 24 pour prodiguer de l’aide aux enfants, et/ou aux personnes âgées ou handicapées dont elles s’occupent. Elles n’ont presque ou pas de pauses. Rares sont celles qui se voient payer pour les heures supplémentaires effectuées. Les chambres qu’elles occupent n’ont pas de serrure et sont souvent utilisées à d’autres fins. Certaines femmes font même l’objet de harcèlement physique (attouchements), de harcèlement sexuel, de violence physique, psychologique et verbale, ou encore de menace d’expulsion ou de déportation. Réfugiées dans le silence, souvent désocialisées, les travailleuses domestiques n’osent pas parler de peur de représailles par l’employeur.
Il y a, dès lors, une bataille juridique à mener en ce qui a trait à l’obligation de résidence. La solution la plus adéquate serait que la possibilité de résider chez l’employeur soit optionnelle.
Tant au Canada qu’à l’échelle mondiale, la question de la situation des travailleuses et travailleurs domestiques reste problématique. Aussi, afin de contrer les violations de droits et libertés de cette catégorie de travailleuse ou de travailleur, l’Organisation Internationale du Travail a adopté en 2011, la convention C-189 Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011. L’enjeu de cette convention est de faire reconnaître à part entière comme n’importe quelle autre profession, le métier de travailleurs-travailleuses domestiques. Le Canada est signataire de cette convention. Les gouvernements fédéraux et provinciaux doivent dès lors, agir dans le meilleur intérêt des travailleuses et des travailleurs et mettre en œuvre les obligations auxquelles ils ont souscrit.