Mouvement communautaire: une force vitale de la société

La vitalité du milieu communautaire dépend de l’autonomie politique de ses membres face aux gouvernements et aux décideurs de tout ordre. Or, dans une logique d’austérité et de sous-financement, c’est cette indépendance et cette autonomie qui sont remises en question. Compte tenu de l’importance et du rôle des organismes de défense des droits, il n’est aucunement utopiste de demander un rehaussement majeur de leur financement.

Retour à la table des matières

 

Christian Nadeau, président
Ligue des droits et libertés

Le récent budget du gouvernement québécois – malgré quelques annonces salutaires – ne règle en rien la situation précaire des organismes d’action communautaires. Ceux-ci doivent composer avec une réalité qui les oblige à négliger leur mission et à consacrer une partie importante de leurs efforts à la recherche de financement. En plus d’être sous-financés, ces organismes sont tenus à une reddition de compte de plus en plus exigeante, ce qui entraine une dégradation des conditions de travail des employé-e-s d’année en année. De nombreuses organisations ont même dû licencier des employé-e-s et, dans certains secteurs du mouvement, il n’est pas rare de voir une seule personne assumer toutes les tâches.

Au Québec, le milieu d’action communautaire autonome est composé de quelques 4 000 organismes à travers la province. Il permet à des dizaines de milliers de nos concitoyen-ne-s de vivre leur citoyenneté de façon active en exerçant leur droit d’association et leur liberté de parole. De plus, le milieu communautaire accompagne, de manière concrète, des centaines de milliers de jeunes, de femmes et d’hommes, de personnes immigrantes, de personnes défavorisées ou encore discriminées, que ce soit comme militant-e, membre ou participant-e.

Pour sa vitalité, le mouvement dépend de l’autonomie politique de ses membres face aux gouvernements et aux décideurs de tout ordre. Or, dans une logique d’austérité et de sous-financement, c’est cette indépendance et cette autonomie qui sont remises en question. Les organismes communautaires doivent rendre des comptes aux bailleurs de fonds alors qu’ils reçoivent leurs mandats de leurs membres et que, par conséquent, c’est à ceux-ci qu’ils sont redevables.

La situation des groupes en défense collective des droits est particulièrement alarmante. Or, ces organismes jouent un rôle indispensable au Québec. Outre le fait qu’ils interviennent sur des droits précis (droit au logement, à un niveau de vie suffisant, à des conditions de travail décentes, à la santé, etc.), ces groupes constituent un contrepoids majeur aux dérives populistes et électoralistes des partis politiques. En effet, ces derniers n’hésitent pas à remettre en question les droits humains sous des prétextes idéologiques, tantôt d’identité et de malaises sociaux, tantôt d’efficience et de performance économique. Des groupes qui ont à leur actif des dizaines d’années d’histoire, d’expérience et de savoirs militants sont réduits à peau de chagrin, quand ils ne se voient pas carrément obligés de fermer leurs portes faute de ressources suffisantes.

Selon le Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD), les organismes du secteur de la défense collective des droits comptent parmi les moins financés de l’action communautaire. En outre, le financement de ces organismes est pour ainsi dire mis en veille parce qu’il n’a jamais été indexé. Notons par ailleurs qu’il n’existe aucune politique pour obliger le gouvernement à agir en ce sens.

Nul besoin d’être un grand sage pour constater que lorsqu’on demande aux organismes d’agir aujourd’hui avec les moyens d’autrefois, les chances sont grandes de les voir disparaitre dans un avenir proche ou, au mieux, de les voir peu à peu sclérosés. Dans ce cas, ils continueront certes d’exister mais ne seront plus que l’ombre d’eux-mêmes, acculés à la suppression de postes et paralysés par l’épuisement des travailleuses et travailleurs.

Compte tenu de l’importance et du rôle des organismes de défense des droits, il n’est aucunement utopiste de demander un rehaussement majeur de leur financement. Certes, cela suppose d’importants investissements mais ils ne représentent qu’une portion très modeste du budget global du gouvernement. Toujours selon le RODCD, les organismes en défense collective des droits reçoivent un financement gouvernemental annuel moyen de 54 000 $, mais 20 % d’entre eux ne reçoivent qu’à peine 30 000 $ par année.

Cet appauvrissement généralisé du milieu communautaire et de celui de la défense collective des droits n’a rien d’étonnant dans un contexte politique où la « rigueur budgétaire » et l’« austérité » tiennent lieu de mots d’ordre du gouvernement. Jamais le Québec n’a-t-il connu autant de compressions dans les services publics, et on peut se demander ce qu’il restera de l’État social dans une dizaine d’années, à supposer qu’il en reste quelque chose. Plus les inégalités seront criantes et plus les outils structurels de la solidarité sociale seront défectueux, moins les personnes vulnérables seront protégées. Il ne s’agit donc en aucun cas ici de défendre ces groupes pour eux-mêmes, mais en raison du rôle qu’ils jouent. C’est le principe même de la réalisation des droits économiques et sociaux de la population qui se trouve menacé[1].

 

Retour à la table des matières

 

[1] Nous vous invitons à découvrir la brochure produite par la LDL et le RODCD sur le lien entre les droits sociaux menacés par les mesures d’austérité et l’importance accrue du travail des organismes de défense collective des droits dans un tel contexte. https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/austerite_imposee_droits_sociaux_menaces.pdf