Montréal, le 12 juillet 2022
Allocution d’Alexandra Pierre, présidente de la Ligue des droits et libertés, lors de la conférence de presse organisée par Solidarité sans frontières pour revendiquer un statut pour toutes et tous (sous la photo).
Le gouvernement fédéral élabore présentement un programme de régularisation des personnes migrantes sans statut et un programme pour accorder la résidence permanente aux travailleur-euse-s temporaires. Mobilisons-nous en grand nombre pour exiger un programme de régularisation complet (et non un programme très limité)!
Rendez-vous à la grande manifestation Marche pour un statut pour toutes et tous le dimanche 17 juillet à 14h00 à la place Émilie-Gamelin à Montréal !
La Ligue des droits et libertés soutient depuis plusieurs années la régularisation de toutes les personnes sans papier, sans statut.
Pourquoi? Parce que nous sommes une organisation de défense des droits humains, une organisation de défense des droits qui va fêter sous peu son 60e anniversaire. La LDL est convaincue que ces mots « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » qui sont contenus dans la Déclaration universelle des droits humains doivent être la base de notre société.
Nous savons que les personnes sans statut ont de la difficulté à obtenir des soins de santé de base, mais aussi des choses normales comme des suivis de grossesse ou pour des maladies chroniques assez banals comme le diabète ou même pour des maladies plus graves comme des cancers.
Nous savons qu’ils et elles craignent, voire sont dans l’impossibilité effective d’inscrire leurs enfants à l’école ou à la garderie, malgré les différentes lois.
Nous savons qu’ils et elles ont du mal à répondre à leurs besoins de base comme le montrent régulièrement les recherches et leurs propres témoignages : se nourrir, se loger, se déplacer est un constant défi.
Nous savons qu’ils et elles vivent dans la crainte constante quotidienne d’être interpellé-e-s par les autorités policières, d’être déporté-e-s, d’être éloigné-e-s de leurs proches et de la vie qu’ils et elles ont bâti ici comme Québécois-e-s, comme Canadien-ne-s.
Nous savons aussi que les femmes sans statut sont particulièrement affectées. Elles subissent des violences genrées et des violences sexuelles. Elles sont incapables d’entamer des procédures pour obtenir un divorce, une séparation, la garde d’enfants ou une pension alimentaire. Elles sont continuellement exposées à une arrestation potentielle, voire une déportation, avec ou sans leurs enfants, simplement en se présentant dans un organisme gouvernemental ou à la Cour.
Nous savons qu’un bon nombre de personnes sans statut se retrouvent incarcérées, et pour le dire plus clairement : emprisonné-e-s, privé-e-s de leur liberté, simplement parce qu’ils et elles n’ont pas de papier, pas les bons papiers, à cause d’enjeux essentiellement administratifs.
Nous savons, à l’heure des discussions sur le racisme systémique, que ces personnes migrantes sont en grande partie racisées et que cela est loin d’être étranger à leur situation.
Nous savons qu’ils et elles sont exploité-e-s au travail, privé-e-s de la protection qu’offrent les normes minimales en matière de travail, ont de la difficulté à se faire payer, à faire respecter leurs droits élémentaires comme obtenir un équipement adéquat, faire respecter les consignes sanitaires, avoir des horaires convenables et prévisibles.
Enfin, si on peut tirer une leçon de la COVID, c’est que les activités et professions qui nous semblaient nécessaires sont devenues secondaires ou on les voit sous une autre loupe. Par contre, celles et ceux que l’on estimait peu ou qu’on ne voyait tout simplement pas sont devenu-e-s « essentiel-le-s ». Et je mets des guillemets, car en effet tous les travailleurs, toutes les travailleuses, et toutes les personnes sont essentielles. Caissières de supermarché ou de dépanneurs, commis à la livraison, chauffeurs de taxi, femmes de ménage, préposées aux bénéficiaires, travailleurs d’entrepôt, et j’en passe… Les personnes dont la société est en grande partie dépendante hier comme aujourd’hui, qui était essentiel-le-s hier, comme ils et elles sont essentiel-le-s aujourd’hui sont en grande partie des personnes à statut précaire.
Pour finir, j’ai envie de vous dire que les droits humains ne sont pas de simples principes que l’on pourrait mettre de côté lorsqu’ils nous encombrent ou qu’on peut invoquer au cas par cas. Ces droits forment bloc et trouvent tout leur sens lorsqu’ils nous permettent d’y voir plus clair.
C’est pourquoi la Ligue des droits et libertés demande un programme de régularisation complet, large et continu pour toutes les personnes migrantes qui sont sans papier au Québec et au Canada. Il est non seulement à notre avis possible de le faire parce que le Canada et le Québec l’ont déjà fait. Certes à la carte, certes de façon imparfait, mais sans grandes difficultés administratives et sans conséquence néfastes. Donc il est temps de reprendre ce fil et de proposer un programme large et universel, qui ne laisse personne derrière.
Les 500 000 personnes sans statut au Canada, contrairement à ce que certaines veulent nous laisser croire, ne sont ni des menaces à « l’économie », ni des menaces à « l’intégrité du système d’immigration », ni des menaces à la « sécurité nationale », bien au contraire! Ils et elles sont surtout des êtres humains libres et égaux en dignité et en droits!