Le jugement Luamba porté en appel – Le profilage racial des automobilistes continue

La Ligue des droits et libertés et la Ligue des droits et libertés – section de Québec déplorent vivement la décision prise par le gouvernement du Québec de porter en appel le jugement Luamba et ainsi retarder pendant les procédures judiciaires les efforts visant à mettre fin au profilage racial des automobilistes noirs et racisés au Québec.
Jugement luamba porté en appel par le gouvernement du Québec fait en sorte que le profilage racial des automobilistes continue

Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate

Le gouvernement porte en appel le jugement Luamba
Le profilage racial des automobilistes continue

Montréal, le 25 novembre 2022 – La Ligue des droits et libertés (LDL) et la Ligue des droits et libertés – section de Québec (LDL-QC) déplorent vivement la décision prise par le gouvernement du Québec de porter en appel le jugement Luamba et ainsi retarder pendant les procédures judiciaires les efforts visant à mettre fin au profilage racial des automobilistes noir-e-s et racisé-e-s au Québec.

Dans une décision historique rendue 25 octobre 2022, le juge Yergeau de la Cour supérieur invalide l’article 636 du Code de la sécurité routière (CSR), mettant ainsi fin au pouvoir d’interception sans motif réel qui est à la source du profilage racial de nombreux automobilistes noir-e-s et racisé-e-s. Alors que le profilage racial est avéré, porte atteinte aux droits et libertés des personnes ciblées et a des impacts sur leur entourage et l’ensemble des collectivités noires, le juge écrit que « le ministère public n’a pas fait la preuve que les programmes de formation visant à combattre le profilage racial à l’endroit des personnes racisées noires ont donné des résultats » (par. 553 f). De plus, le juge déclare que le ministère public n’a pas fait la démonstration que les interceptions routières sans motif réel permettent d’assurer la sécurité routière.

Extrait du jugement : « Tout en reconnaissant qu’accroître la sécurité sur les routes est un objectif législatif parfaitement valide, la preuve ne permet pas de conclure que les interceptions routières sans motif réel permettent d’atteindre cet objectif alors qu’il est amplement démontré que cette pratique policière peut être fréquemment détournée de son objectif par des considérations raciales, conscientes ou non. » (par. 754)

La LDL et la LDL-QC dénoncent l’inaction du gouvernement du Québec qui aurait pu et dû, en tant que législateur, abroger l’article 636 du CSR il y a déjà bien longtemps. Alors que le gouvernement Legault refuse toujours de reconnaitre le caractère systémique du profilage racial et du racisme au Québec, les droits et libertés de milliers de personnes noires, racisées et autochtones continuent d’être bafoués par les corps policiers au Québec, sur les routes et dans l’espace public.

La LDL et la LDL-QC rappellent qu’elles poursuivent leurs interventions pour mettre fin à toutes les pratiques de profilage racial au Québec. Parmi les nombreuses actions qu’elles somment les autorités d’entreprendre, mentionnons :

  • Instaurer une politique nationale de collecte de données permettant de documenter les interventions policières partout au Québec et l’ampleur du profilage racial et social, telle que le recommande la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ);
  • Abroger ou modifier plusieurs règlements municipaux qui sont à la source de pratiques de profilage racial et social persistantes dans l’espace public;
  • Imposer un moratoire à la pratique des interpellations policières (street check) des piéton-ne-s et passager-ère-s de véhicule, une pratique attentatoire aux droits et libertés de toute personne interpellée et qui vise plus particulièrement les personnes racisées et autochtones, qui sont surinterpellées.

La LDL et la LDL-QC tiennent à saluer et à remercier M. Joseph-Christopher Luamba d’avoir mené cette lutte devant les tribunaux avec ses avocats Me Mike Siméon et Me Alexandre Bien-Aimé, appuyés de deux étudiantes, Mme Julia Cerone et Mme Fanny Caire. Elles saluent aussi le travail des avocat-e-s de l’Association canadienne des libertés civiles, Me Bruce Johnston et Me Lex Gill, ainsi que des avocates de l’Association canadienne des avocats noirs, Me Karine Joizil, Me Sajeda Hedaraly et Me Bianca Annie Marcelin. Enfin, la LDL et la LDL-QC soulignent le courage de toutes les personnes qui ont témoigné sur les conséquences du profilage racial qu’elles ont subi.

Faits

Dans le jugement Luamba c. Procureur général du Québec (2022), le juge Yergeau a retenu la définition de personne racisée publiée dans un article de la présidente de la LDL, Alexandra Pierre, dans la revue Droits et libertés : « Racisée désigne une personne qui appartient, de manière réelle ou supposée, à un des groupes ayant subi un processus de racisation. La racisation est un processus politique, social et mental d’altérisation ».

Plusieurs études documentent et démontrent les causes ainsi que les conséquences du profilage racial, notamment tel qu’il se reflète dans les données du SPVM. C’est le cas de l’étude Les interpellations policières à la lumière des identités racisées des personnes interpellées publiée en 2019, qui démontre que les personnes noires, arabes et autochtones font l’objet d’une surveillante excessive et sont davantage ciblées par les interpellations. Quant à la situation à Québec, il n’existe pas de données sur la dimension raciale des interventions policières dans la Ville de Québec en raison du refus de Service de police de la Ville de Québec de collecter des données et de son déni persistant du profilage racial et social.

La Ville de Montréal tarde à réaliser l’engagement pris en 2017 de réviser les règlements municipaux à la source de pratiques de profilage racial et social. À cet effet, on peut consulter la recommandation #7 adoptée à la suite de la consultation publique à Montréal de 2017 sur la Lutte au profilage social et au profilage racial.

Aux côtés d’autres organismes de défense des droits, la LDL a soumis en 2020 ses analyses et recommandations visant à abroger ou à modifier plusieurs dispositions règlementaires. À ce jour, la Ville de Montréal a mis ce dossier « sur pause » et n’a fourni aucun engagement concret en vue de réaliser son engagement.

Citations

« La LDL déplore vivement que le gouvernement porte en appel cette décision si importante dans la lutte au profilage racial. C’est un rendez-vous manqué, alors que tant d’efforts de la société civile sont déployés pour mettre fin au profilage racial, pour intervenir contre le racisme systémique et rendre notre société inclusive et respectueuse des droits. » – Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés.

« Le gouvernement Legault vient de considérablement ralentir la marche des personnes noires et racisées vers l’égalité de traitement et de nuire au plein exercice de leurs droits. En termes d’antiracisme, le gouvernement Legault est le contraire d’un allié! » – Maxim Fortin, porte-parole de la Ligue des droits et libertés – Section de Québec

À propos de la Ligue des droits et libertés

Depuis 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) a influencé plusieurs politiques gouvernementales et projets de loi en plus de contribuer à la création d’institutions vouées à la défense et la promotion des droits humains. Elle intervient régulièrement dans l’espace public pour porter des revendications et dénoncer des violations de droits auprès des instances gouvernementales sur la scène locale, nationale ou internationale. Son travail d’analyse, de sensibilisation et de promotion est primordial pour que les droits humains deviennent la voie à suivre vers une société juste et inclusive, pour tous et toutes. Comme organisme sans but lucratif, indépendant et non partisan, la LDL vise à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’homme.

Fondée en 1994, la section de Québec de la Ligue des droits et libertés se spécialise dans l’éducation aux droits auprès des jeunes en plus d’œuvrer dans les campagnes de sensibilisation contre la discrimination, l’exclusion sociale et le profilage racial.

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Pour informations et entrevues :
Elisabeth Dupuis, Responsable des communications de la Ligue des droits et libertés
C : 514-715-7727

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