Apprendre ensemble l’innu-aimun

Dans un bref survol, un point de vue vous est partagé sur l’éducation et la préservation et la valorisation de l’innu-aitun (culture innue) et de l’innu-aimun (langue innue). Un chantier important est à mener par les personnes innues et autochtones, un chantier auquel les personnes allochtones devraient s’intéresser.

Retour à la table des matières
Droits et libertés, automne 2023 / hiver 2024

Apprendre ensemble l’innu-aimun

Isabelle Jourdain, Innue, conseillère en développement de la langue innue, Institut Tshakapesh

Si on recule dans le temps, dans l’histoire du Canada, le Canada a toujours tenu des dispositions dans sa législation pour assimiler et émanciper les Indiens ou les Sauvages, notamment par l’adoption de la Loi sur les Indiens en 1876. En effet, cette Loi forçait les Indiens à s’émanciper1 entre autres en allant aux études supérieures ce qui entrainait automatiquement la perte de leur statut d’Indien. Certains articles ont été abrogés à ce jour parce qu’ils ont été considérés à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. D’ailleurs, les pensionnats destinés aux enfants autochtones ont vu le jour vers les années 1880 et le dernier a fermé ses portes fin 1990. Ce système a été imposé aux peuples autochtones dans le cadre d’un vaste ensemble d’efforts délibérés d’assimilation visant à détruire leurs cultures, leurs identités et en voulant tuer l’Indien dans l’enfant.

Il est important de considérer ces raisons majeures qui ont joué un rôle déterminant dans l’enseignement et l’apprentissage des langues autochtones. Ce sont ces obstacles qui ont mené à une crise identitaire et une réappropriation de la culture. De ces faits, l’Institut Tshakapesh, un organisme politique de défense des droits des Premières nations atikamekw et montagnais (autrefois le CAM), a été créé en 1978. C’est grâce à la demande d’aîné­e­s constatant une   grande   diminution   de la langue et de la culture innue que cet établissement a vu le jour. Aujourd’hui, l’Institut Tshakapesh est au service des communautés membres et de la Nation innue, œuvre à la sauvegarde et à la promotion de l’innu­aitun (culture innue) et de l’innu­-aimun (langue innue) ; il assure un soutien à la conservation du patrimoine culturel à l’aménagement linguistique et encourage l’expression artistique. L’Institut Tshakapesh joue un rôle déterminant dans l’éducation notamment dans la réussite éducative et le développement identitaire de la jeunesse innue.

Il est important de considérer ces raisons majeures [les efforts délibérés d’assimilation] qui ont joué un rôle déterminant dans l’enseignement et l’apprentissage des langues autochtones. Ce sont ces obstacles qui ont mené à une crise identitaire et une réappropriation de la culture.

Des obstacles à la préservation de la langue

Le principal obstacle à l’enseignement et à l’apprentissage de la langue innue est éventuellement le nombre d’heures de cours donnés en classe. Il est clair qu’une heure de cours par semaine en innu-­aimun n’est pas suffisant pour sauvegarder la langue. L’application des exigences du ministère de l’Éducation dans les établis­sements scolaires des communautés fait en sorte qu’il n’est pas envisageable d’avoir un nombre d’heures d’enseignement plus élevé. De plus, l’effervescence de la technologie numérique dans les langues dominantes a pris une place majeure dans les communautés. Les étudiant­e­s qui sont dans l’obligation de quitter leur communauté pour aller étudier dans les centres urbains rencontrent aussi des obstacles quant à l’apprentissage de la langue innue.

Apprendre ensemble

Dans un autre ordre d’idée, l’Institut Tshakapesh travaille en étroite collabora­tion avec  plusieurs partenaires afin de préserver et promouvoir la culture et la langue innue. Pour nommer que quelques travaux entamés et réalisés, il a Innu­aimun.ca, un site web trilingue que toute personne qui s’intéresse à la langue innue peut consulter. Un large éventail d’outils s’y trouvent, tels que : le dictionnaire en ligne, la grammaire, les histoires orales, une série d’une dizaine de leçons avec une soixantaine d’exercices interactifs et bien plus encore. Il y a également le programme d’aide aux artistes et artisan­ne­s innu­e­s qui représente un appui financier pour l’avan­cement de la carrière d’un artiste ou d’un artisan faisant partie d’une communauté membre de l’Institut Tshakapesh. Le comité Auetissmak Kaianuet formé d’enseignants du préscolaire ainsi que d’enseignants en innu-­aimun organise des rencontres afin de mieux les outiller et partager leurs réussites. Il y a également des ateliers de transmission de la culture donnés par les aîné­e­s.

En chantier

L’aménagement linguistique est un plan où les réalités linguistiques propres à chaque communauté sont prises en considération afin de développer la meilleure stratégie pour la promotion et la défense de la langue innue.

En somme, les obstacles liés à l’enseigne­ment et l’apprentissage des langues sont encore bien présents. Cependant, les projets entamés et réalisés permettent aux communautés desservies par l’Institut Tshakapesh de promouvoir et préserver la langue innue et la culture dans le contexte actuel, en cette Décennie des langues autochtones.

C’est en se réappropriant notre culture et notre identité et en faisant la paix avec le passé que nous allons trouver un moyen de s’affranchir dans toutes les domaines de nos vies autant pour les jeunes que pour les adultes.