Montréal, le 21 mars 2025
Lettre en version PDF
Madame Andrée Laforest
Ministre des Affaires municipales
Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation
Édifice Jean-Baptiste de la Salle
10, rue Pierre-Olivier-Chauveau
Aile Chauveau, 4e étage
Québec (Québec) G1R 4J3
Par courriel
OBJET : Commentaires sur le projet de Règlement sur la formation des élus municipaux
Madame la ministre,
Par la présente, la Ligue des droits et libertés et le Regroupement des organismes en défense collective des droits vous transmettent leurs commentaires relativement au projet de Règlement sur la formation des élus municipaux publié dans la Gazette officielle le 5 février 2025.
Nous souhaitons recommander l’inclusion dans le contenu de formation obligatoire des élu-e-s municipaux d’un module portant sur les droits et libertés au Québec.
Les droits et libertés sont au cœur de l’existence d’une société libre et démocratique; ils doivent être des préoccupations pour les élu-e-s municipaux, tant dans le cadre de prises de décisions, du processus réglementaire que dans leurs interactions avec les citoyen-ne-s, notamment lors des conseils municipaux.
En effet, les tribunaux ont établi avec clarté que les Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés s’appliquent aux municipalités et aux actes qu’elles accomplissent (voir par exemple Godbout c. Longueuil, 1997 3 RCS 844, ainsi que l’article 54 de la Charte québécoise), notamment car elles ont un pouvoir délégué d’adopter des règles de droit. Les élu-e-s municipaux ont ainsi l’obligation constitutionnelle de connaître, respecter, protéger et mettre en œuvre les droits et libertés inscrits dans nos Chartes.
Les municipalités constituent un gouvernement de proximité ayant des impacts notables sur les conditions et les milieux de vie des populations qu’elles représentent. Dans ce contexte, le travail des élu-e-s municipaux constitue une opportunité d’influencer positivement l’exercice de nombreux droits et libertés des citoyen-ne-s, par exemple :
- Le droit à un environnement sain peut être protégé par des interdictions d’utilisation de pesticides ;
- Le droit au logement peut être protégé par l’encadrement de l’hébergement touristique ;
- Le droit à l’éducation peut être valorisé en misant sur le financement des bibliothèques publiques ;
- Le droit à l’égalité peut être renforcé par la mise en œuvre de politiques d’accès aux services municipaux et un aménagement inclusif des espaces publics.
Ces droits peuvent au contraire être mis à mal par l’inaction des élu-e-s municipaux en matière d’environnement, de logement ou d’éducation, ou l’adoption de règlements municipaux qui ont des effets disproportionnés sur des groupes historiquement discriminés.
La fonction importante des élu-e-s municipaux nécessite que celles-ci et ceux-ci soient suffisamment outillés pour comprendre leurs obligations en termes de droits humains, et l’ensemble des impacts que leurs décisions peuvent occasionner.
De plus, les conseils municipaux constituent un espace privilégié d’exercice de la démocratie, puisqu’ils sont le lieu le plus accessible de participation et de mobilisation citoyenne pour une majorité de la population. Dans le contexte social actuel, il importe de préserver l’intégrité de ces lieux de prise de parole citoyenne afin de permettre que chaque individu puisse y faire valoir son opinion, que celle-ci soit en accord ou non avec une décision du conseil municipal. Il est donc crucial que les élu-e-s municipaux soient formé-e-s et sensibilisé-e-s aux droits et libertés et plus spécifiquement aux libertés d’expression, d’opinion et d’association.
Soulignons que l’éducation aux droits et libertés dépasse les notions de respect et de civilité énoncées dans les codes d’éthique et de déontologie adoptés en vertu de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (art. 4). En conséquence, les droits et libertés méritent un module de formation qui leur soit dédié.
En outre, un module de formation sur les droits et libertés s’inscrit parfaitement dans le renforcement des compétences de l’élu-e municipal « qui utilise son leadership coopératif et son pouvoir décisionnel » (soit un-e élu-e qui sait mobiliser, cocréer, écouter, décider, et gérer les polarités), compétences énoncées dans le Profil de compétences des élues et élus municipaux[1] élaboré par l’Union des municipalités du Québec.
Nous croyons fermement que la compréhension et le respect des droits et libertés sont nécessaires à la compétence des élu-e-s municipaux, afin de garantir une gouvernance transparente et inclusive, ainsi qu’une meilleure interaction avec la population.
Pour toutes ces raisons, nous recommandons l’inclusion d’un module sur les droits et libertés dans le contenu de formation obligatoire des élu-e-s municipaux, ce qui contribuera à renforcer la démocratie et à protéger les droits humains.
Nous vous remercions de prendre en considération nos observations et vous prions de recevoir, Madame la ministre, nos cordiales salutations,
Laurence Guénette
Coordonnatrice
Ligue des droits et libertés
Sylvain Lafrenière
Coordonnateur
Regroupement des organismes en défense collective des droits
[1] Union des municipalités du Québec, Profil de compétences des élues et élus municipaux, 2020, https://umq.qc.ca/wp-content/uploads/2020/12/umqprofildecompetences-4dec20.pdf