Quel bilan pour le Bureau des enquêtes indépendantes?
La Ligue des droits et libertés (LDL), la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) et le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) demandent à Madeleine Giauque, directrice du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), de faire en sorte que le bilan des trois premières années d’enquêtes du BEI ne soit pas réalisé dans le secret.
En vertu de la Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes, le BEI doit, au plus tard trois ans suivant le début d’une première enquête, faire rapport à la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, sur l’application de son mandat et peut, le cas échéant, lui faire des recommandations.
« La première enquête du BEI a été déclenchée le 9 juillet 2016. Le troisième anniversaire approche donc grandement. De quelle façon Me Giauque compte-t-elle faire ce bilan? Cet exercice ne peut être réalisé en secret, sans impliquer et consulter d’autres acteurs puisque les insatisfactions envers le BEI sont importantes et la confiance n’est pas au rendez-vous », déclare Eve-Marie Lacasse, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés. Pour Mme Lacasse, le cas de la famille Celik illustre bien ces insatisfactions.
« En 2017, Koray Celik qui était en état de crise, meurt chez lui, devant les yeux de ses parents lors d’une intervention du Service de police de la Ville de Montréal. Aujourd’hui, les parents de Korey Celik apprennent qu’aucune accusation ne sera portée contre les policiers présents lors de l’intervention et on refuse de les rencontrer pour leur expliquer pourquoi », continue-t-elle.
« Les critiques concernant le travail du BEI sont nombreuses, autant de la part de familles de victimes que d’organisations suivant de près les actions policières. La liste de ces critiques est longue : manque de transparence important, la proximité avec les autres corps de police, le non-respect fréquent du Règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes, les délais importants avant d’appeler le BEI lors d’une intervention ayant causé blessure grave ou la mort, les familles des victimes qui sont tenues dans l’ignorance. Est-ce que le BEI prendra en compte ces lacunes importantes dans son exercice? Nous n’avons aucun moyen de le savoir et aucune raison de le penser, hélas », continue Alexandre Popovic, de la CRAP.
Pour Pierre Gaudreau du RAPSIM, il est évident que le BEI ne peut faire ce bilan derrière des portes closes et le déposer en catimini à la ministre. « Plus de dix ans après le décès de Fredy Villanueva et cinq ans après la mort d’Alain Magloire, le Québec attend encore un réel mécanisme d’enquête indépendante des actions policières. Tous les manquements du BEI le prouvent bien. Cette obligation de faire un bilan est une occasion à saisir pour effectuer, avec l’implication d’organisations externes et les familles des victimes notamment, une réelle révision du BEI afin de doter le Québec d’un mécanisme d’enquête efficace et crédible qui réponde aux attentes de la population », conclut-il.