Écoutez la sagesse de Niokominanak

Cette entrevue avec Kahsennoktha Naomi George met en lumière les objectifs et réalités diverses émanant du programme Niokominanak (Nos Aînées). Ce programme a pour but de regrouper des femmes autochtones aînées et des jeunes femmes autochtones afin de favoriser une transmission intergénérationnelle de l’identité, de la culture et de l’histoire, tout en revalorisant le rôle des femmes aînées.

Kahsennoktha Naomi George, coordonnatrice pour les Aînées
Femmes Autochtones du Québec – FAQ

Entrevue réalisée par Elisabeth Dupuis, Responsable des communications, du contenu et de la promotion à la LDL

Kahsennoktha Naomi George est coordonnatrice du Projet aînées et responsable de la mise en œuvre du projet « À l’écoute de la sagesse de Niokominanak (Nos Aînées) » lancé en 2018 par Femmes Autochtones du Québec (FAQ). En plus de représenter et de défendre les intérêts des femmes des Premières Nations[1], FAQ soutient les femmes dans leur engagement au sein de leur communauté.

Le projet « À l’écoute de la sagesse de Niokominanak (Nos Aînées) » favorise la transmission intergénérationnelle de l’identité, de la culture et de l’histoire à travers la perspective des aînées chez les Premières Nations du Québec ainsi qu’en milieu urbain.

Donner un espace et un temps de communication

Dans le cadre du projet Niokominanak, une nation à la fois, les femmes autochtones sont invitées à participer à une rencontre qui rassemble des femmes aînées et des jeunes femmes. Huit rencontres se sont déroulées un peu partout au Québec dans la dernière année. D’un côté, les jeunes (âgées de 18 à 35 ans) et de l’autre, les aînées (âgées de 55 ans et plus) se réunissent pendant deux jours pour mieux se connaître et surtout échanger sur l’identité, la langue, la culture et les coutumes de leur communauté.

Bien souvent, dans les jours précédant la rencontre, les femmes aînées autochtones se révèlent quelque peu réticentes à participer activement, en raison de la perception qu’elles ont de leur propre rôle de femme aînée, peu valorisé au sein de la société en général. À Kahsennoktha, qui organise les rencontres, les femmes aînées disent : « Non, je n’ai rien, je ne suis pas une experte, je vais y aller et j’écouterai ».

D’entrée de jeu, Kahsennoktha leur explique que ce sont elles, les enseignantes que les jeunes femmes sont venues entendre. Quel changement d’attitude et de comportement une fois que la rencontre commence! Les femmes aînées voient la valeur et l’importance de ces rencontres qu’elles souhaitent poursuivre à long terme. Il y a définitivement un sentiment d’urgence dans la transmission des connaissances traditionnelles entre les générations de femmes dû au taux de mortalité très élevé chez les populations âgées.

Qui sont les aînées?

Selon FAQ, les aînées sont les femmes âgées de 55 ans et plus, mais l’âge n’est pas le seul critère ni le plus important. La définition d’aînée est multiforme puisque le statut d’aînée est attribué à celles qui correspondent à la définition traditionnelle de ce qu’est une aînée en fonction du rôle qu’elles jouent au sein de leur réseau ou de leur communauté. « Cela peut être des personnes qui n’ont pas eu d’enfants mais qui assument le rôle de grands-parents pour les plus jeunes. Elles ont peut-être des qualités de leadership en spiritualité ou des connaissances traditionnelles. Il peut s’agir de plusieurs choses, mais ce statut est déterminé par une communauté de personnes », nous explique Kahsennoktha.

Dévalorisation du rôle des aînées

Plusieurs raisons expliquent la dévalorisation au fil des ans du rôle des aîné-e-s chez les communautés des Premières Nations. Les aîné-e-s ont souffert de la colonisation puisqu’ils et elles « […] n’étaient plus considérés comme membres importants et précieux de la société ». Avec les pensionnats autochtones où les enfants étaient envoyés, les aîné-e-s étaient dépossédé-e-s de leur rôle d’aidants actifs auprès des enfants. L’alcool et les drogues ont fragilisé les rapports sociaux dans la communauté tandis que la société moderne a contribué à mettre à l’écart les personnes retraitées : elles perdent leur valeur  marchande. La Loi sur les Indiens de 1876, encore active, n’est pas en reste.

Kahsennoktha précise « Cela contraste tellement avec ce qui existait dans les sociétés traditionnelles […] parce qu’alors, les aîné-e-s étaient tenu-e-s en haute estime. Ils et elles jouaient le rôle de gardiens et gardiennes de la culture, de la sagesse puisqu’ils détenaient le savoir nécessaire pour jouer ce rôle. Ils et elles étaient consulté-e-s pour tout ce qui avait trait aux sphères politiques des sociétés ou à la spiritualité. »

La suite

Au-delà de la transmission de l’identité, de la culture et de l’histoire des communautés autochtones, le projet « À l’écoute de la sagesse de Niokominanak (nos aînées) » est un outil de changement. Les femmes aînées réclament une petite part de leur statut d’aînées au sein de leur communauté. Les rencontres initiées, ça sera maintenant aux femmes de chaque communauté de prendre le relais puisque la responsabilité de transmission intergénérationnelle incombe à toutes. FAQ publiera un livre à la fin du processus, mais puisque les coutumes se transmettent par la tradition orale, il faudra donc que les femmes continuent à se parler.

[1] Abénaki, Anishinaabe, Attikamekw, Hurons-Wendat, Eeyou, Innu, Kanien’keha:ka (Mohawk), Mi’gmaq, Naskapi, Wolastoqiyik (Malécite) et milieu urbain