Commission parlementaire nécessaire pour discuter du bilan des trois années du BEI

Comme la direction du BEI, nous sommes d’avis que des modifications doivent être apportées au dispositif législatif et réglementaire régissant le BEI. Cependant, nos constats diffèrent largement. C’est pourquoi nous demandons la tenue d’une commission parlementaire avec audiences particulières.

Bilan des trois premières années d’activités du Bureau des enquêtes indépendantes

Constats citoyens

Une commission parlementaire est nécessaire

3 octobre 2019


Table des matières

Présentation de la Coalition contre la répression et les abus policiers.

Présentation de la Ligue des droits et libertés.

Introduction

  1. Un regard citoyen nécessaire, pas seulement une autoévaluation du BEI
  2. Nécessité d’une vision à long terme des mandats du BEI
  3. Le débat sur le BEI ne peut se faire devant les tribunaux
  4. Pourquoi le BEI a été créé
  5. La police continue d’enquêter sur la police : l’indépendance du BEI compromise
  6. Un manque de transparence qui a de graves impacts sur la crédibilité du travail du BEI
  7. La rigueur et l’efficacité du mécanisme d’enquête indépendante
  8. Conclusion

Annexe 1

Annexe 2

Présentation de la Coalition contre la répression et les abus policiers

La Coalition contre la répression et les abus policiers a été mise sur pied dans la foulée de la mort de Fredy Villanueva, qui a été abattu à l’âge de 18 ans lors d’une intervention policière dans l’arrondissement de Montréal-Nord, le 9 août 2008.

La Coalition a été formée par quelques collectifs ainsi que des individus de différents horizons qui ont comme point commun de s’être sentis profondément interpellés à la fois par le décès tragique du jeune Fredy Villanueva, les relations parfois difficiles entre les policiers et les membres des communautés racisées de Montréal-Nord et le contexte social quelquefois éprouvant dans lequel évoluent plusieurs citoyens vivant dans cet arrondissement.

Depuis sa création, la Coalition a organisé plusieurs événements publics, notamment des marches pacifiques dans les rues de Montréal-Nord, des vigiles en mémoire de Fredy Villanueva et des conférences de presse. La Coalition a aussi été reconnue comme personne intéressée à l’enquête publique du coroner ad hoc André Perreault, j.c.q., sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva.

En 2010, la Coalition a également participé à la consultation publique de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, « Le profilage racial et ses conséquences».

La Coalition a en outre été autorisée à participer à la consultation particulière de la Commission des institutions de l’Assemblée nationale sur le projet de loi no 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes, en 2012. L’année suivante, la Coalition a aussi pris part à la consultation particulière de la Commission des institutions de l’Assemblée nationale sur le projet de loi no 12, Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes.

En 2015, la Coalition a offert ses commentaires lors de la consultation sur le projet de règlement du Règlement sur le déroulement des enquêtes dont est chargé le Bureau des enquêtes indépendantes. Cette même année, la Coalition s’est vue reconnaitre le statut de personne intéressée, pour la partie recommandations seulement à l’enquête publique du coroner Luc Malouin sur les causes et circonstances du décès d’Alain Magloire, survenu le 3 février 2014.

En 2017, la Coalition intervenait lors des consultations particulières sur le projet de loi 107, Loi visant à accroître la compétence et l’indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites criminelles et pénales d’accorder certains avantages à des témoins collaborateurs.

Enfin, la Coalition participe couramment aux travaux de la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal, incluant la consultation publique sur le profilage racial et le profilage social tenue en 2017.

Présentation de la Ligue des droits et libertés

Fondée en 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) est un organisme à but non lucratif, indépendant et non partisan, qui vise à faire connaitre, à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’Homme. La Ligue des droits et libertés est affiliée à la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

La LDL poursuit, comme elle l’a fait tout au long de son histoire, différentes luttes contre la discrimination et contre toute forme d’abus de pouvoir, pour la défense des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Son action a influencé plusieurs politiques publiques et a contribué à la création d’institutions vouées à la défense et à la promotion des droits humains, notamment l’adoption de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne du Québec et la création de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Elle interpelle, tant sur les scènes locale, nationale et internationale, les instances gouvernementales pour qu’elles adoptent des lois, mesures et politiques conformes à leurs engagements à l’égard des instruments internationaux de défense des droits humains et pour dénoncer des situations de violation de droits dont elles sont responsables. Elle mène des activités d’information, de formation, de sensibilisation visant à faire connaitre le plus largement possible les enjeux de droits pouvant se rapporter à l’ensemble des aspects de la vie en société. Ces actions visent l’ensemble de la population de même que certains groupes placés, selon différents contextes, en situation de discrimination.

La Ligue des droits et libertés réclame depuis plusieurs années un véritable processus d’enquête indépendant, impartial et transparent chargé d’enquêter sur tous les cas où des interventions policières ont pour conséquence de causer la mort ou d’infliger des blessures à une personne. Afin d’assurer le caractère impartial et indépendant de ce processus, la LDL a constamment fait valoir que cette instance devait avoir un caractère essentiellement civil, excluant d’emblée que des policier-ère-s tout autant que d’ancien-ne-s policier-ère-s puissent y prendre part.

Introduction

Nos organisations, la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) et la Ligue des droits et libertés (LDL), ont pris connaissance du rapport que la direction du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) a remis au ministère de la Sécurité publique et qui a été déposé à l’Assemblée nationale le 25 septembre dernier.

Comme la direction du BEI, nous sommes d’avis que des modifications doivent être apportées au dispositif législatif et réglementaire régissant le BEI. Cependant, nos constats diffèrent largement. C’est pourquoi nous demandons la tenue d’une commission parlementaire avec audiences particulières.

En effet, le rapport de la direction du BEI comporte à notre avis plusieurs angles morts. D’importantes lacunes demeurent dans le processus d’enquête et des modifications majeures doivent y être apportées afin qu’il soit véritablement indépendant, impartial, transparent et efficace.

Depuis plusieurs années, nous avons interpelé les parlementaires à diverses reprises sur le processus d’enquête indépendante, notamment lors de l’adoption de la loi créant le BEI, la Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes en 2013. Nous sommes aussi intervenus en 2015 lors de l’adoption du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes, qui détaille les obligations des policiers impliqués et témoins dans une enquête indépendante, ainsi que celles du directeur du corps de police impliqué, des enquêteurs du BEI et de sa direction. Nous sommes finalement intervenus en 2017 lors des consultations particulières sur le projet de loi 107, Loi visant à accroître la compétence et l’indépendance du commissaire à la lutte contre la corruption et du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le pouvoir du directeur des poursuites criminelles et pénales d’accorder certains avantages à des témoins collaborateurs.

Chacune de nos interventions était motivée par la même préoccupation centrale : que le Québec se dote d’un mécanisme d’enquête sur la police qui soit véritablement indépendant, impartial et transparent afin que la population et les proches des victimes blessés ou décédés lors d’intervention policière puissent avoir vraiment confiance en ce mécanisme d’enquête.

Or, le BEI tel que nous le connaissons actuellement ne répond pas à ces attentes. Comme il y a eu une commission parlementaire en 2013 pour créer le BEI et définir son mandat, nous sommes d’avis qu’il est impératif d’un tenir une à nouveau, cette fois-ci pour examiner comment le BEI s’est acquitté de ce mandat et se pencher sur les modifications à apporter à ses règles de fonctionnement.

1. Un regard citoyen nécessaire, pas seulement une autoévaluation du BEI

Le bilan produit par la direction du BEI ne représente que le point de vue de la gestionnaire de l’organisme. Or, un regard citoyen sur le travail du BEI – et non uniquement le regard de sa gestionnaire – est nécessaire pour une véritable amélioration de celui-ci.

Pourtant, jusqu’à maintenant, aucun espace public de délibération n’est prévu autour de la publication de ce bilan. Donner le premier et le dernier mot au BEI ne permettra pas, à notre avis, d’apporter de réelles améliorations au processus d’enquête. Un exercice plus large d’évaluation est souhaitable, impliquant d’autres acteurs, qui ont nécessairement d’autres points de vue.

C’est pourquoi nous demandons la tenue d’une commission parlementaire avec audiences particulières. Une telle commission permettrait non seulement aux parlementaires, mais aussi aux proches des victimes décédées aux mains de la police ainsi qu’à d’autres acteurs de la société civile de questionner les constats et recommandations de la direction du BEI et de présenter leurs propres constats et recommandations.

Par exemple, dans ses recommandations, la direction du BEI ouvre la porte à une réduction de la portée du mandat du BEI en demandant que soient exclues des obligations d’enquêtes indépendantes les interventions policières effectuées à titre de premiers répondants. Elle recommande aussi que la direction du BEI jouisse d’une plus grande marge de manœuvre pour fermer certains dossiers plus rapidement, de son propre chef. Elle recommande cela pour les allégations criminelles jugées « frivoles ou sans fondement » et pour les événements à l’égard desquels aucune action ou décision prise par un policier n’aurait pu avoir contribué au décès ou aux blessures graves d’un citoyen. Sur la base de quels éléments la direction du BEI prendra-t-elle de telles décisions? Ceux provenant de la version policière uniquement?

Ces recommandations de la direction du BEI nous font craindre un BEI encore moins outillé pour surveiller la police qu’il ne l’est à l’heure actuelle, surtout quand on sait qu’ailleurs au Canada, des organismes comme le Independent Investigations Unit (IIU) au Manitoba et le Serious Incidents Response Team (SIRT) en Nouvelle-Écosse jouissent d’un mandat beaucoup plus large que celui du BEI. Le IIU enquête aussi sur les cas de parjures, de fabrication de preuves et d’entraves à la justice qui auraient été commis par des policiers alors que le SIRT enquête sur des cas de violence conjugale impliquant des policiers.

Or, si le législateur ne se base que sur le bilan de la direction du BEI pour évaluer et apporter des modifications au processus d’enquête indépendante, les changements proposés par la direction risquent notamment de réduire la juridiction du BEI en matière d’enquête sur des interventions policières se soldant par la mort d’une personne. Ce qui ne peut se faire à la légère et derrière des portes closes.

2. Nécessité d’une vision à long terme des mandats du BEI

Depuis 2013, le BEI a vu sa mission prendre de l’ampleur en fonction de l’actualité et des crises qui traversent le milieu policier.

Responsable initialement d’enquêter lorsqu’une personne subit une blessure grave ou décède en détention ou lors d’une intervention policière, le BEI se voyait confier à l’automne 2016, suite aux « événements de Val-d’Or », le mandat d’enquêter sur toute future allégation d’infraction à caractère sexuel commise par un policier dans le cadre de ses fonctions. Un nouveau mandat se rajoutait en septembre 2018, lorsque le gouvernement confie au BEI le mandat d’enquêter sur toute allégation d’infraction criminelle portée par un plaignant ou une victime autochtone contre un policier dans l’exercice de ses fonctions ou non. Puis,  en octobre 2018 s’amorce l’enquête Serment, qui porte sur les fuites d’information à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) depuis 2012.

Quel est l’impact du cumul de ces mandats sur le fonctionnement du BEI, notamment celui concernant l’UPAC, considérant son mandat initial? Quelle vision à long terme le gouvernement a-t-il de la mission du BEI? L’ajout de tous ces nouveaux mandats en seulement trois ans nécessiterait un examen de fond du fonctionnement du BEI, qui n’a pas été fait de façon contemporaine. Une commission parlementaire serait un espace tout indiqué pour faire cet examen du bilan présenté par la direction du BEI en permettant au gouvernement et à la population d’échanger pour développer une véritable vision à long terme du mécanisme d’enquête indépendante.

3. Le débat sur le BEI ne peut se faire devant les tribunaux

Une commission parlementaire est d’autant plus importante dans le contexte où d’autres acteurs ont manifesté leur volonté de réviser le mécanisme du BEI. C’est par contre devant les tribunaux qu’ils ont porté leurs revendications, non pas dans une optique d’amélioration du mécanisme d’enquêtes indépendantes, mais bien d’affaiblissement de celui-ci.

Le 11 juin dernier, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ) et la Fraternité des policiers et policières de Montréal (FPPM) ont déposé une requête devant la Cour supérieure du Québec visant à déclarer inconstitutionnelles certaines dispositions du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes. « Les dispositions règlementaires contestées portent préjudice à l’intérêt collectif de la profession des policiers et à l’application de la loi »[1], y lit-on.

Si la Cour supérieure décidait d’accorder la requête, le peu d’autorité qu’exerce le BEI sur les policiers impliqués dans une intervention policière ayant causé une blessure grave ou la mort s’en trouverait lourdement amputée. Les associations policières demandent en effet à la Cour de déclarer que « les obligations imposées au policier impliqué sont invalides et inopérantes, à savoir : ses obligations de rédiger un compte-rendu, de le remettre aux enquêteurs du Bureau, de les rencontrer et de répondre à leurs questions »[2].

Si cette requête était validée par la Cour, le BEI se verrait privé de tout pouvoir lui permettant d’obtenir la version des faits du policier impliqué. Le BEI se trouverait alors dans l’incapacité de faire toute la lumière sur les incidents visés par ses enquêtes, ce qui viendrait porter atteinte à sa raison d’être.

Cette requête en justice nous confirme une fois de plus que le débat sur le BEI ne peut se faire seulement entre la direction du BEI et le ministère de la Sécurité publique ou encore devant les tribunaux avec les associations policières. Où est la voix de la société civile? Où sont les organisations qui se préoccupent de l’indépendance des enquêtes sur la police? Où sont les proches des victimes d’intervention policière? Nulle part dans ces arènes. Les parlementaires doivent prendre un engagement clair à ce que ces absent-e-s soient entendu-e-s dans les débats entourant l’examen des trois premières années du BEI.

4. Pourquoi le BEI a été créé

Il nous apparaît nécessaire de rappeler pourquoi le BEI a été créé. La triste mort du jeune Fredy Villanueva lors de l’intervention du SPVM en 2008 à Montréal-Nord a causé une onde de choc et a révélé des faits troublants sur la manière dont les enquêtes dites indépendantes se menaient à l’époque.

L’enquête publique du coroner sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva qui s’en est suivie a en effet permis d’en savoir davantage sur la manière dont la Sûreté du Québec (SQ) avait enquêté sur le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), comme le voulait le mécanisme d’enquête de l’époque, qui faisait en sorte que la police enquêtait sur la police lorsqu’un citoyen perdait la vie ou subissait des blessures graves aux mains de policiers.

Le rapport du coroner a mis en lumière combien ce mécanisme d’enquête souffrait de façon générale d’une application déficiente de ses règles de fonctionnement et qu’il était appliqué sans grande uniformité d’une enquête à l’autre. L’enquête publique du coroner nous a appris que les policiers directement impliqués dans l’intervention étaient demeurés ensemble, sans être isolés, durant le reste de la soirée, contrairement aux témoins civils, qui eux ont été isolés et détenus. L’enquête a aussi révélé qu’un des deux policiers impliqués n’avait pas été interrogé par les enquêteurs de la SQ et que l’autre avait refusé de répondre aux enquêteurs en invoquant son droit au silence. L’enquête a aussi révélé qu’un des deux policiers impliqués avait transmis son rapport à la SQ six jours après les événements et que l’autre l’avait fait un mois après les événements. Bref, l’enquête publique a démontré les graves lacunes dans ces enquêtes de la police sur la police et a fait augmenter considérablement la pression sur le gouvernement de mettre fin à cette pratique.

Ce rappel est nécessaire car plusieurs de nos constats concernant les enquêtes du BEI font encore une fois écho aux révélations entendues lors de l’enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva. À notre avis, d’importantes modifications doivent être apportées à la loi ayant créé le BEI ainsi qu’au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes.

Nos constats soulèvent des préoccupations importantes, qui ne sont pas relevées par la direction du BEI dans son propre bilan. Toutes ces questions méritent aussi d’être débattues en commission parlementaire.

5. La police continue d’enquêter sur la police : l’indépendance du BEI compromise

Les enquêtes sur la police sont dorénavant menées par un corps de police spécialisé, le BEI, qui se révèle cependant à maints égards dépendant des autres corps de police. Cette situation amplifie l’importance d’un réel exercice de délibération publique sur le bilan du BEI.

Le BEI dépend du corps de police impliqué pour le déclenchement de son enquête

Le BEI est totalement dépendant du corps policier impliqué dans l’incident en ce qui concerne le signalement d’événements relevant de sa juridiction d’enquête, contrairement à l’Ontario ou la Nouvelle-Écosse, où tout citoyen peut interpeler l’organisme équivalent au BEI pour l’aviser d’un événement relevant potentiellement de sa juridiction.

Cela fait en sorte que le BEI ne peut déclencher son enquête tant et aussi longtemps que le corps policier impliqué ne lui signale pas l’événement. Conséquemment, plus le délai est important avant que le corps policier impliqué ne contacte le BEI, plus les enquêteurs du BEI tardent à arriver sur les lieux et à prendre le relais. Or, il n’est pas rare que le directeur du corps policier impliqué tarde à contacter le BEI, alors que l’article 289.2 de la Loi sur la police l’oblige à l’aviser sans délai.

Ce manque d’indépendance remet sérieusement en doute la crédibilité de certaines enquêtes du BEI. C’est ce que nous ont en effet révélé en novembre dernier des lettres que la directrice du BEI, Me Madeleine Giauque, avait envoyées à divers directeurs de corps policiers[3]. Ces lettres, obtenues via l’accès à l’information, révélaient que plusieurs corps policiers, notamment le SPVM, ne se pressaient pas toujours pour aviser le BEI lors d’incident relevant de sa juridiction. Le SPVM semblait aussi avoir pris l’habitude de profiter du délai de déploiement des enquêteurs du BEI pour interroger des témoins et ainsi empiéter sur la juridiction du BEI.

Le BEI dépend des services de soutien de la SQ, du SPVM et du SPVQ dans la quasi-totalité de ses enquêtes

Au-delà de son équipe d’enquêteurs, le BEI ne dispose d’aucune ressource spécialisée. Il doit donc faire appel aux agents reconstitutionnistes de collision et aux techniciens en identité judiciaire de la SQ, du SPVM ou du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) pour mener à bien l’aspect « technique », mais crucial, de presque toutes ses enquêtes. Ces spécialistes jouent un rôle central dans la collecte d’éléments de preuve. Or, la quasi-totalité des enquêtes du BEI nécessite le recours à ces services de soutien d’autres corps policiers.

Les informations que le BEI communique au public au moment du déclenchement de ses enquêtes sont issues du corps de police impliqué

En fait, la seule source des communiqués de presse qui annoncent la prise en charge d’une enquête par le BEI est le corps policier impliqué. Le BEI a lui-même confirmé cette situation en réponse à une demande d’accès à l’information transmise le 24 octobre 2017[4].

Les enquêteurs du BEI sont en majorité issus du milieu policier

En date du 30 juin 2019, les informations que nous avons été en mesure de recueillir nous amenaient à conclure que les enquêteurs du BEI sont en grande majorité issus du milieu policier, c’est-à-dire d’anciens policiers ou encore de personnes ayant été par le passé à l’emploi d’un service ou corps de police. Soulignons plus particulièrement que, parmi ceux-ci, l’ensemble des superviseurs-enquêteurs sont d’ex-policiers. En date du 30 juin 2019, 31 enquêteurs sur 44, soit 70% des effectifs, avaient été à l’emploi d’un service ou corps de police, que ce soit à titre de policiers ou (plus rarement) d’employés civils.

Dans certaines enquêtes du BEI, comme celle concernant la mort de Koray Kevin Celik survenue le 6 mars 2017 lors d’une intervention du SPVM, il arrive même que les enquêteurs du BEI affectés à l’enquête soient d’anciens policiers du corps de police impliqué dans l’intervention. Sur les sept enquêteurs déployés par le BEI dans cette enquête, deux ont déjà été policiers au SPVM, comme le révélait la réponse du BEI à une demande d’accès à l’information[5].

Cette pratique du BEI contredit le souhait exprimé en 2013 par le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, durant l’étude détaillée du projet de loi 12, qui créait le BEI : « un ex-enquêteur du Service de police de la Ville de Montréal, idéalement, ne doit pas faire enquête sur un événement survenu au Service de Police de la Ville de Montréal, quoiqu’il peut arriver des circonstances où cela puisse survenir »[6].

Dans combien d’autres cas une telle situation est-elle survenue, donnant clairement lieu à une apparence de conflits d’intérêts? Voilà une question qui mériterait d’être étudiée en commission parlementaire.

Le processus de sélection des enquêteurs du BEI implique la Sûreté du Québec

La nomination de la direction du BEI implique des représentant-e-s du milieu policier

Ainsi, composé à très grande majorité par des personnes ayant été à l’emploi de services ou de corps de police et, ayant recours aux ressources spécialisées de certains corps de police dans presque toutes ses enquêtes,  le BEI peut difficilement prétendre à son indépendance à l’égard des policiers et policières qui feront l’objet d’enquête. Ces enjeux préoccupants méritent d’être discutés en commission parlementaire.

Au sujet de ce manque d’indépendance, rappelons les propos d’André Marin,  Ombudsman de l’Ontario dans son rapport de 2008[7]. Celui-ci critiquait très sévèrement le système de surveillance policière ontarien, évaluant qu’il n’était pas à la hauteur de ses promesses en pointant du doigt une culture de la complaisance ainsi qu’un manque de rigueur à veiller au respect des règles par la police. Un des problèmes soulevés  concernait la composition et l’absence de neutralité de l’Unité des enquêtes spéciales (UES), équivalent ontarien du BEI, dû au fait que la majorité des enquêteurs, soit 24 sur 30, étaient d’anciens policiers à la retraite, ce qui laissait entière, selon l’Ombudsman, la question de l’impartialité de l’Unité, dont il a lui-même été directeur durant les années 1990.

Nous demeurons convaincus que, pour assurer l’indépendance et l’impartialité du BEI, l’équipe d’enquête du BEI doit être exempte de tout lien avec le milieu policier. Ceci implique qu’elle doit être entièrement composée de civils n’ayant jamais été à l’emploi d’un service ou d’un corps de police, que ce soit à titre de policier ou tout autre titre.

Des rapports de policiers témoins ou impliqués sont rédigés sous influence externe

L’indépendance et l’impartialité des enquêtes du BEI reposent en grande partie sur le rapport du policier, soit-il impliqué ou témoin dans l’intervention policière. Ce rapport joue toujours un rôle capital pour comprendre le déroulement de l’événement visé par une enquête indépendante. C’est pourquoi, en vertu du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes, les policiers sont soumis à des obligations prévoyant que la rédaction de leur compte-rendu de l’événement soit exempte de toute influence.

Pourtant, la convention collective signée entre la Fraternité des policiers et policières de Montréal et la Ville de Montréal en 2017, donc après la mise sur pied du BEI, prévoit à l’article 26.19 :

« Même s’il n’est pas considéré comme étant poursuivi en justice au sens du présent article, le policier qui est directement impliqué dans un événement survenu alors qu’il est en devoir ou qu’il agit comme un agent de la paix qui donne lieu à une enquête indépendante selon les critères énoncés dans la procédure ministérielle, a le droit, d’être représenté à l’occasion de cette enquête et aux frais de l’employeur, par un avocat désigné par la Fraternité; dans ces circonstances, le policier impliqué directement a aussi le droit de consulter, aux frais de l’employeur, un avocat avant de rédiger son rapport usuel ou tout rapport complémentaire ou additionnel; la présente disposition n’est assujettie à aucune formalité et s’applique sans que l’employeur ne puisse opposer de refus à l’assistance judiciaire et à la protection accordée en vertu du présent article; »[8]

[c’est nous qui soulignons]

Cette disposition contrevient aux obligations du policier impliqué telles qu’énoncées au paragraphe 2 de l’article 1 du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes. Elle contrevient aussi à l’arrêt Wood c. Schaeffer[9], rendu par la Cour suprême du Canada en décembre 2013 et à la directive du ministère de la Sécurité publique qui en découle. Tout ceci est d’autant plus grave que la convention collective a été signée après que ces obligations aient été énoncées par ces différentes instances.

D’autres pratiques concernant la rédaction de rapports remettent en cause l’indépendance et la crédibilité des enquêtes du BEI. Le 19 février 2018, la directrice du BEI envoyait une lettre au directeur du SPVM dans laquelle elle écrivait ce qui suit[10] :

Par la présente, je désire porter à votre attention une situation qui me semble problématique puisque certains documents circuleraient au niveau des policiers du SPVM dans le but de les aider à rédiger les rapports que doivent faire les policiers impliqués et/ou témoins en vertu de l’article 1, alinéa 2, du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes adopté le 8 juin 2016.

Mme Giauque faisait allusion ici au guide « Rédacto »[11] de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ) ainsi qu’au « Guide de rapport » du SPVM datant de 2004 et mis à jour en 2013,  « soit bien avant l’adoption du Règlement ».

La directrice du BEI dira du premier document « [qu’]il semble mettre de l’avant un rapport en 2 étapes, ce qui est contraire à l’article 1, alinéa 2 [du Règlement] » et dira du second document que « sa seule lecture vous convaincra qu’il contrevient aux principes qui y sont énoncés ».

En effet, le « Guide de rapport » est « un guide de rédaction de rapport que vous pouvez consulter lorsque vous êtes impliqués dans une situation où il a utilisation de la force [sic] », lit-on. Ce document de vingt-et-une pages se veut un aide-mémoire suggérant une foule de détails que le policier ne doit pas omettre d’inscrire dans son rapport.

Le document recommande notamment au policier impliqué de « consulter un avocat de la Fraternité des policiers et policières de Montréal dans les plus brefs délais (disponible 24h) », et ce, « avant d’écrire son rapport ».

Le 12 avril 2018, l’inspecteur-chef Antonio Iannantuoni du SPVM expédiait une note de service à « tous les policiers du Service des enquêtes » dans laquelle il indiquait que le formulaire « Emploi de la force » (F-502-04) est le « seul document que les policiers peuvent utiliser lors de la rédaction de leur compte-rendu ».

Cela dit, ledit formulaire[12] n’élimine en rien le risque d’influence sur le contenu du rapport rédigé par le policier impliqué, bien au contraire. En effet, les rubriques « signe d’agression éventuelle du sujet / indice de menace » et « comportements pouvant s’apparenter au syndrome de délire agité » énoncent respectivement pas moins de onze et douze choix de réponse au policier impliqué qui peut s’en inspirer largement lors de l’écriture du compte-rendu destiné aux enquêteurs du BEI.

Pour assurer une véritable indépendance et des enquêtes crédibles et menées avec rigueur, ces aides à la rédaction ne peuvent continuer d’être utilisées par les policiers visés par une enquête du BEI.

La définition de blessure grave à modalité interprétative variable

La définition de la notion de « blessure grave » tient un rôle central dans les opérations du BEI. La directrice du BEI le soulève elle-même dans son rapport.

C’est en fonction de cette définition, mais aussi de son interprétation, qu’un corps de police décidera d’aviser ou non le BEI d’un incident. C’est aussi en se basant sur la définition de blessure grave et en l’interprétant que le BEI déterminera s’il fera enquête ou non.

L’interprétation de la définition de blessure grave, comme énoncé dans le Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes se lit comme suit : « Constitue une blessure grave toute blessure physique pouvant entraîner la mort ou résultant en des conséquences physiques importantes. ». Or, le sens à donner aux termes « grave » et « importantes » souffre d’imprécision puisque celui-ci peut varier d’une personne à l’autre.

L’interprétation est laissée à l’entière discrétion du directeur du corps de police impliqué puisque c’est lui qui a la prérogative d’aviser le BEI lors d’un incident relevant de sa juridiction. Ce pouvoir le place potentiellement en conflit d’intérêts et entache encore une fois gravement l’indépendance du BEI à l’égard des corps de police.

Une interprétation très étroite de ce qui constitue une blessure justifiant une enquête fera en sorte que le directeur du corps de police impliqué n’enverra aucun avis, ou sinon avec retard, visant la mise en application du mécanisme d’enquête indépendante, alors que dans un autre corps de police, ayant une interprétation moins restrictive, à partir des mêmes faits, le mécanisme sera mis en application. Il est aussi arrivé qu’un corps de police impliqué ait contacté le BEI pour lui signaler un événement en croyant qu’il serait susceptible de relever de sa juridiction d’enquête, mais que le BEI refuse d’enquêter en concluant qu’il n’y aurait eu « aucune blessure grave ».

Ainsi, le « Registre des situations n’ayant pas mené au déclenchement d’une enquête indépendante » obtenu via l’accès à l’information révèle que le BEI a invoqué ce motif à dix reprises entre le 27 juin 2016 et le 21 septembre 2018.[13] Le BEI n’a toutefois pas voulu communiquer la nature des blessures survenues lors des dix événements en question.[14]

Un exemple précis démontre bien comment l’interprétation de ce qu’est une blessure grave souffre d’imprécision. En juin 2018, La Presse révélait que le BEI avait refusé d’enquêter sur une intervention du Corps de police régional de Kativik survenue dans le village nordique d’Umiujaq, le 4 avril 2018. À la suite de cette intervention policière, une femme inuite s’est retrouvée avec plusieurs côtes cassées, six vertèbres fracturées, le bras gauche cassé, un hématome à la tête, un poumon droit perforé, le foie et le rein droit lacérés, nécessitant un mois d’hospitalisation aux soins intensifs à l’Hôpital général de Montréal.[15]

Le BEI a refusé d’enquêter sur cette intervention lorsque l’incident lui a été signalé la première fois.

L’affaire a pris une telle proportion que le premier ministre Philippe Couillard, lui-même neurochirurgien de profession, a commenté publiquement le refus d’enquêter du BEI. « C’est certain que les faits rapportés sont hautement troublants », a-t-il déclaré. « Je vais vouloir obtenir des informations (…) sur les raisons qui ont motivé le Bureau des enquêtes indépendantes de ne pas faire d’enquête. »[16]

De son côté, le BEI a affirmé à La Presse que « l’information portée à sa connaissance ne rencontrait pas la définition» de la notion de « blessures graves ».

Le BEI a annoncé la prise en charge de l’enquête sur l’événement d’Umiujaq dans les heures suivant la publication de l’article de La Presse, en publiant un communiqué dans lequel on pouvait lire ce qui suit :

Le BEI a été informé une première fois peu de temps après l’événement le 4 avril, mais le diagnostic alors confirmé faisait état d’un bras cassé. Conformément au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes, le BEI n’a pas déclenché d’enquête puisque la blessure n’était pas une «blessure grave» au sens dudit Règlement.[17]

« Un bras cassé, bien, pour nous, c’est pas une blessure grave au sens du règlement, alors c’est pas un dossier dans lequel BEI doit intervenir », dira par la suite Madeleine Giauque, la directrice, durant son témoignage à la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (CERP), le 19 octobre 2018.[18]

La Protectrice du citoyen avait d’ailleurs elle-même prédit, dès 2015, que cette définition créerait une « difficulté certaine à rendre opérationnelle la notion de blessure grave ».[19]

À notre avis, la définition de blessure grave doit être élargie de manière à restreindre le pouvoir discrétionnaire du directeur du corps de police de déterminer ce qu’est une blessure grave, le tout afin d’assurer une réelle indépendance du BEI. Des modifications en ce sens doivent être discutées en commission parlementaire, pour ensuite être apportées au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes.

6. Un manque de transparence qui a de graves impacts sur la crédibilité du travail du BEI

Alors que le BEI devait lever le voile sur les enquêtes sur la police, le manque de transparence entourant ses diverses activités contribue à alimenter les doutes quant à la partialité de ses enquêtes et laisse entières de nombreuses questions portant sur l’efficacité de l’organisation.

Au sujet de la transparence de son organisation, la direction du BEI a senti le besoin de se justifier dans son rapport. Elle rappelle que la Loi sur la recherche des causes et circonstances des décès lui interdit de rendre public le rapport d’enquête du BEI, mais elle garde le silence sur le fait que les organismes équivalents au BEI ailleurs au Canada rendent public un résumé exhaustif de leur rapport d’enquête.

La direction du BEI devrait s’expliquer sur cette omission. Et les parlementaires doivent connaitre les pratiques dans le reste du Canada en matière de transparence de la part d’organismes équivalents au BEI. Ce n’est hélas pas en consultant le seul rapport du BEI qu’ils pourront en apprendre davantage à ce propos.

Nous sommes d’avis que la direction du BEI peut faire preuve de davantage de transparence, tout en respectant les lois qui encadrent la diffusion d’informations des organismes publics.

La non-diffusion du rapport d’enquête du BEI

Le plus grand problème concernant la transparence des enquêtes du BEI est sans contredit le fait que l’ensemble des informations contenues dans ses rapports d’enquête n’est pas rendu public.

Cette opacité fait en sorte que la population, surtout les proches des victimes, n’a accès qu’à très peu, sinon aucune, information concernant les motifs de la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de ne pas porter d’accusations envers les policiers ayant causé des blessures graves ou la mort d’une personne. Pourtant, tel que mentionné précédemment, des résumés exhaustifs des rapports d’enquêtes des organisations similaires au BEI ailleurs au Canada, sont diffusés[20] et permettent alors de mieux comprendre le déroulement de l’événement, le fonctionnement du mécanisme d’enquête et la décision rendue.

Pour un exemple précis de ce type de pratique de diffusion d’informations ailleurs au Canada, on peut consulter le rapport d’enquête de l’UES dans le dossier n° 18-TCD-220[21]. Dans cette affaire, aucun motif d’accusation criminelle n’a pourtant été retenu contre les policiers, à l’issue de l’enquête de l’Unité des enquêtes spéciales.

Ici, au Québec, la personne blessée ou les proches de la personne décédée sont rencontrés par le DPCP, en présence d’un enquêteur du BEI, avant qu’il ne rende publique sa décision. Ils n’auront cependant accès qu’au communiqué que le DPCP rendra public par la suite. Bien qu’étant une exception au principe du caractère non public et confidentiel des décisions du DPCP de ne pas intenter de poursuite, ces communiqués ne permettent pas de juger de l’impartialité et de l’indépendance des enquêtes menées par le BEI.

Des cas où la diffusion d’informations du rapport d’enquête du BEI éclairerait la décision du DPCP

Sans avoir accès aux informations contenues dans le rapport d’enquête du BEI, comment peut-on se faire une idée précise du déroulement de l’événement et savoir si les enquêteurs du BEI ont bénéficié de la collaboration complète des membres du corps de police impliqué, si la scène a été protégée, si les policiers ont été retirés de la scène et qu’ils ont rédigé leur rapport sans influence ou consultation externe (même syndicale) ? On n’est pas en mesure de savoir non plus si les versions des témoins policiers et civils – lorsqu’il y en a – sont unanimes ou contradictoires.

Prenons quelques exemples.

Koray Kevin Celik est décédé le 6 mars 2017 lors d’une intervention du SPVM. Le BEI et le DPCP ont totalement ignoré la version des parents qui ont été témoins du meurtre de leur fils à l’intérieur de leur propre maison. Si les parents n’avaient pas parlé aux médias, on ne saurait pas que leur version de l’intervention diffère des versions policières puisque nulle part le BEI ou le DPCP ne prend en compte leur version ni n’explique pourquoi il en est ainsi. Comment peut-on être certains que c’est le seul cas de ce type?

Pierre Coriolan a été abattu le 27 juin 2017 par le SPVM alors qu’il était en crise. La famille de Pierre Coriolan poursuit la Ville de Montréal, alléguant que la police a utilisé une force excessive. L’intervention policière qui a coûté la vie à Coriolan a été filmée et on y peut y voir des images très troublantes. Lorsque le DPCP a annoncé en mars 2019 qu’il ne portait pas d’accusation contre les policiers impliqués, l’avocate de la famille a déclaré :

« Les policiers interviennent de plus en plus avec des personnes vulnérables – la toxicomanie, les problèmes de santé mentale, l’itinérance, a plaidé Me Dufresne-Lemire. Le cas de M. Coriolan démontre à quel point les méthodes d’intervention ne semblent pas adaptées à la situation de la personne auprès de qui ils interviennent. « Il ne faut pas juste regarder le moment où le policier a tiré », a soutenu l’avocate. Selon elle, il faut aussi se demander : « est-ce que c’était correct comment ils sont intervenus ? Comment ils ont préparé l’intervention, comment ils ont décidé d’intervenir, les paroles qui ont été prononcées, la manière dont elles ont été prononcées ? Est-ce que c’était la meilleure façon d’intervenir auprès de personnes en crise ? « Voilà ce qu’on aimerait comprendre, soit avec une poursuite civile, soit avec une enquête du coroner, ou les deux, évidemment », a expliqué Me Dufresne-Lemire. « Selon nous, des fautes assez graves ont été commises, et le dossier civil continue, ça ne change rien de notre côté, a-t-elle précisé. Le fardeau (de la Couronne) n’était pas le même que dans le cadre d’une poursuite civile. Et selon nous, effectivement, il y a eu une force abusive à plusieurs niveaux et à différents moments dans l’intervention. »[22].

Steven Bertrand St-Amour avait 18 ans lorsqu’un constable spécial lui a tiré une balle à la tête à Maniwaki en janvier 2018, alors qu’il l’avait frappé avec un bâton télescopique. La vidéo de l’altercation a fait les manchettes à l’époque. On y voit le constable spécial aux prises avec Steven Bertrand St-Amour, un coup de feu est tiré et le jeune homme est atteint à la tête, et ce, alors qu’il n’était plus en possession du bâton télescopique. Steven Bertrand St-Amour a miraculeusement survécu à ses blessures, mais a conservé des séquelles. Mais encore une fois, malgré une vidéo particulièrement troublante, aucune accusation n’a été déposée par le DPCP contre le policier impliqué. Dans les circonstances il est bien difficile de comprendre la décision du DPCP sans avoir accès aux informations contenues dans le rapport d’enquête du BEI.

Autant de questions ou apparentes incohérences qui justifient la participation de la population à l’exercice de reddition de comptes du BEI.

Autres problèmes de transparence

Comme mentionné précédemment, les informations contenues dans les communiqués qui annoncent le déclenchement d’une enquête indépendante proviennent des corps de police impliqués au sens du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes. Ceci a été confirmé par le BEI dans sa réponse à une demande d’accès à l’information en octobre 2017 : « Il n’existe aucune politique, procédure ou directive sur la façon dont les informations sont recueillies. Ces informations sont reçues, dans un premier temps, directement par la directrice du BEI, ou en son absence par le directeur adjoint, et proviennent strictement des corps de police impliqués (…) »[23].

Cette demande visait sept communiqués du BEI. Il a aussi alors été confirmé par le BEI que « les informations reçues proviennent des divers services de police, obtenues verbalement suite au signalement que doit effectuer le directeur du corps de police responsable d’une intervention visée par l’article 289.1 de la Loi sur la police ». De plus, le BEI n’indique pas sa source dans ces communiqués[24].

Les rapports annuels que le BEI publie ne sont que des rapports de gestion, qui ne contiennent que des informations numériques opérationnelles : nombre d’enquêtes indépendantes, services de soutiens obtenus et leurs coûts, etc.

Les communiqués publiés sur le déroulement des enquêtes sont laconiques. Eu égard au respect des obligations des policiers et du directeur du corps de police impliqué, les communiqués laissent généralement croire que les obligations prévues au Règlement ont toutes été respectées. Pourtant, quelques demandes d’accès à l’information ont révélé de multiples manquements au Règlement en novembre 2018.  Dans une lettre, datant du 22 août 2018 et adressée au directeur du SPVM, la directrice du BEI écrit même : « Vous conviendrez facilement avec moi que les apparences ne militent pas en faveur de la transparence[25]. ».

Et dernier élément, mais non le moindre, les informations sur les enquêtes concernant des allégations d’infractions à caractère sexuel qui auraient été commises par des policiers en fonction ont été rendues publiques à la suite de demandes d’accès à l’information répétées. Autrement, le BEI ne les rend pas publiques. Les enquêtes sur des allégations d’infractions criminelles formulées par une personne autochtone ne font pas non plus l’objet d’un communiqué.

Les demandes d’accès à l’information

Actuellement, face à ce manque de transparence, un des seuls moyens dont la population dispose pour obtenir certaines informations du BEI consiste à faire des demandes d’accès à l’information.

La nature des demandes que nous avons adressées témoigne en soi du manque de transparence dans les communications officielles du BEI. Ces demandes ont porté notamment sur  la nature des blessures subies par les personnes, les occasions où les obligations prévues au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes n’ont pas été respectées et les actions prises alors par le BEI ou le corps de police impliqué le cas échéant, les informations concernant les enquêtes reliées aux allégations d’infractions de nature sexuelles, les dossiers n’ayant pas mené au déclenchement d’une enquête, etc.

Ces demandes d’accès à l’information nous ont permis d’apprendre, en novembre 2018[26], que plusieurs corps policiers ont souvent omis de respecter le Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes, notamment en tardant à impliquer le BEI, en rédigeant leur rapport en se consultant ou bien en interrogeant des témoins avant l’arrivée des enquêteurs du BEI. Ces informations ne sont pas communiquées au public alors qu’elles sont primordiales. Ces graves dysfonctionnements et lacunes dans le déroulement des enquêtes du BEI miment la crédibilité du BEI et de ses enquêtes.

Si les réponses aux demandes d’accès à l’information ont révélé beaucoup d’informations intéressantes, il faut dire aussi que les tentatives ne sont pas toujours fructueuses. Bien souvent, les informations demandées nous sont refusées. De plus, le recours aux demandes d’accès à l’information ne devrait pas constituer la norme.

Pour assurer la transparence des enquêtes menées par le BEI, le Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes doit être modifié afin d’obliger celui-ci à publier des communiqués à différentes étapes des enquêtes et surtout, à diffuser un résumé exhaustif du rapport d’enquête qu’il soumet au DPCP lorsque ce dernier décide de ne pas poursuivre le ou les policiers impliqués.

Il est possible de faire cela en protégeant les renseignements personnels confidentiels Le BEI devrait cependant communiquer immédiatement au public tout manquement constaté de la part du corps policier impliqué (policiers impliqués ou témoins, directeur, etc.) aux obligations prévues au Règlement ou à la Loi sur la police.

Ces graves problèmes de transparence doivent aussi être débattus en commission parlementaire.

7. La rigueur et l’efficacité du mécanisme d’enquête indépendante

La question des délais importants

La directrice du BEI n’aborde pas du tout cette question dans son rapport alors que les délais des enquêtes du BEI sont particulièrement importants.

Le projet de loi prévoyant la création du BEI a été adopté à l’unanimité le 9 mai 2013. La mise en marche du BEI a par la suite accumulé d’importants retards. Il a en effet fallu attendre jusqu’au 27 juin 2016 avant que le BEI ne soit en mesure de mener sa première enquête indépendante.

La création du BEI ne s’est pas seulement faite dans la lenteur. L’ensemble de ses activités semble se dérouler sous le signe du retard, trois ans après qu’il soit devenu opérationnel.

Que l’on parle du délai pour que le BEI soit avisé d’un incident relevant de sa juridiction d’enquête, du délai pour que le BEI dépêche ses enquêteurs sur la scène d’incident ou encore du délai pour compléter ses enquêtes indépendantes ou du délai pour que le DPCP fasse connaître sa décision sur les accusations ou non,  l’ampleur du temps écoulé soulève de sérieuses questions sur le niveau de performance de cet organisme public.

Cela dit, les délais pour compléter tant l’enquête indépendante que le processus décisionnel du DPCP se sont-ils améliorés ou ont-ils plutôt empiré depuis la mise en marche du BEI ?

Afin de répondre à cette question, nous avons colligé des données statistiques sur la durée des enquêtes indépendantes du BEI et le temps que prend le DPCP pour rendre une décision relativement à la conduite de policiers impliqués dans un événement faisant l’objet d’une enquête indépendante.

Puis, nous avons obtenu via l’accès à l’information des données sur ces deux processus pour les années 2014, 2015 et les six premiers mois de 2016 couvrant la période précédant le début des activités du BEI, soit l’époque où les enquêtes indépendantes étaient menées par la SQ, le SPVM et le SPVQ. Dans le rapport de la directrice du BEI, on apprend que le DPCP a exigé un complément d’enquête dans trois enquêtes du BEI depuis 2016.

Cela étant, cette collecte de données nous a permis d’établir que :

  • La durée moyenne de la totalité des enquêtes indépendantes menées entre le 1er janvier 2014 et le 26 juin 2016 était de 214 jours, soit 144 jours pour la SQ, 164 jours pour le SPVM et 336 jours pour le SPVQ;
  • La durée moyenne du processus décisionnel effectué au DPCP pour les enquêtes indépendantes menées durant cette même période était de 145 jours;
  • En additionnant la durée moyenne de la totalité des enquêtes indépendantes à celles du processus décisionnel du DPCP, on en arrive à une moyenne de 326 jours durant les deux années et demie précédent le début des enquêtes du BEI;
  • La durée moyenne de la totalité des enquêtes indépendantes du BEI qui étaient complétées en date du 27 août 2019 était de 358 jours;
  • La durée moyenne du processus décisionnel effectué au DPCP pour les enquêtes indépendantes du BEI qui étaient complétées en pareille date était de 173 jours;
  • En additionnant la durée moyenne de la totalité des enquêtes indépendantes du BEI qui étaient complétées en pareille date à celles du processus décisionnel du DPCP, on en arrive à une moyenne de 489 jours.

Cet exercice nous permet de confirmer que les délais sont en effet plus longs depuis la mise en opération du BEI. Encore une fois, des explications de la part du BEI et du DPCP seraient plus que les bienvenues et une commission parlementaire serait le bon forum pour questionner cette situation et suggérer des correctifs. Surtout que le rapport du BEI est totalement muet sur cette question.

Le manque de formation de certains enquêteurs du BEI

C’est un euphémisme de dire que nous avons été surpris d’apprendre en lisant dans le rapport de la direction du BEI que certains de ses enquêteurs (12 à l’heure actuelle) participent à des enquêtes, mais n’ont pas terminé la formation nécessaire pour ce faire. Malgré le fait qu’ils soient jumelés à un enquêteur qui a terminé sa formation, ce problème nous apparaît très important et entache la rigueur dont le BEI se targue.

L’impunité des policiers qui ne respectent pas le Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes

Dans son rapport, la direction du BEI émet la remarque qu’elle ne dispose pas des pouvoirs nécessaires pour intervenir lorsqu’elle constate que certains policiers ne respectent pas le Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes. Mais elle n’en fait que le constat, elle n’émet pas de recommandations visant à corriger cette situation.

En effet, le Règlement ne prévoit pas que le BEI puisse intervenir auprès des policiers qui ne respectent pas leurs obligations. Il ne peut qu’en aviser leur directeur. Ainsi, les sanctions relèvent de l’interne du corps de police et nous ne savons pas ce qui advient dans de tels cas.

Encore une fois, c’est la police qui enquête sur la police.

Si des militant-e-s de nos organisations ne s’étaient pas acharnés à faire des demandes répétées d’accès à l’information, le public n’aurait jamais su que de graves manquements à certaines règles visant à assurer l’indépendance et la crédibilité des enquêtes du BEI étaient monnaie courante. En novembre 2018, nous obtenions toutes les communications envoyées par la directrice du BEI à divers directeurs de corps policiers. Nous apprenions par le biais de ces communications que depuis le début des enquêtes du BE en 2016 :

  • Des policiers impliqués se concertent avant l’arrivée des enquêteurs du BEI
  • Certains policiers n’ont pas été isolés les uns des autres et ont rédigé leurs rapports ensemble, sous la supervision d’un agent qui a dû les aviser à de nombreuses reprises de cesser de discuter ensemble.
  • D’autres policiers impliqués ont rédigé leur rapport ensemble, sans supervision.
  • Des policiers témoins ont interrogé des témoins civils avant l’arrivée des enquêteurs du BEI.
  • Des policiers ont été questionnés par des agents de leur propre corps policier avant l’arrivée de l’équipe du BEI.
  • Avant l’arrivée du BEI, des enquêteurs du service de police impliqué ont rencontré certains témoins civils et obtenu de courtes déclarations.
  • Des policiers ont eu accès à la carte d’appel du poste de quartier lors de la rédaction de leur rapport, ce qui leur donnait accès à l’ensemble des informations et observations émanant de leurs confrères au cours de l’événement.
  • Dans un autre cas, le BEI n’a pu obtenir les rapports d’emploi de la force et de poursuite automobile habituellement complétés lorsqu’il y a déclenchement d’une enquête indépendante. Les policiers ne l’ont pas rempli à la demande d’un supérieur.
  • Un policier a refusé de répondre aux questions de l’enquêteur du BEI.
  • Un des policiers impliqués a été assigné pour agir lui-même à titre d’agent de liaison avec le BEI concernant l’enquête[27].

À notre connaissance, malgré l’étendue des manquements et des entraves au Règlement de la part de plusieurs corps de police, la direction du BEI a, la plupart du temps, avisé le directeur du corps de police impliqué des mois, sinon plus d’un an, après les faits et a fait le choix de ne pas saisir le DPCP de ces manquements.

Ce « manque de dents » du BEI, qui alimente l’impunité policière, nécessite aussi des discussions en commission parlementaire.

8. Conclusion

Nous terminons en réitérant que cette obligation pour la direction du BEI de présenter aux parlementaires un bilan du mandat de son organisation après trois ans d’activité est une occasion à saisir afin qu’une réelle révision du BEI soit effectuée, tant au niveau de ses pouvoirs et de son fonctionnement. C’est même la seule et unique occasion puisque le seul bilan prévu par la loi est celui que le BEI doit produire au plus tard trois ans après le déclenchement d’une première enquête indépendante.

Les modifications proposées par la direction du BEI nécessitent une modification de la Loi sur la police. n regard citoyen sur le travail du BEI est nécessaire pour réaliser une véritable amélioration de celui-ci.

En conséquence, nous demandons aux parlementaires de ne pas cantonner la société civile au silence alors qu’il s’agit d’un sujet aussi sensible que celui du processus de contrôle et de surveillance du pouvoir d’user de la force mortelle que le Code criminel reconnait aux policiers et policières.


Annexe 1

Résumé des manquements du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes relevés par la directrice du Bureau des enquêtes indépendantes aux directions de certains corps de police du Québec[28]

Ces lettres ont été obtenues via une demande d’accès à l’information faite les 1er juin 2018. Les lettres ont été transmises au demandeur le 22 octobre 2018.

  1. Lettre datée du 23 janvier 2017 (fait référence à 3 dossiers d’enquête)

Corps de police concerné : SPVM

Dossier du 26 octobre 2016 : BEI-2016-016

  • 9 mois d’intervalle entre l’événement et la lettre au directeur du SPVM
  • Certains policiers n’ont pas été isolés les uns des autres et ont rédigé leurs rapports ensemble, sous la supervision d’un agent qui a dû les aviser à de nombreuses reprises de cesser de discuter ensemble

Dossier du 31 décembre 2016 : BEI-2016-020

  • 11 mois d’intervalle entre l’événement et la lettre au directeur du SPVM
  • Deux policiers témoins et un policier impliqué isolés dans le même véhicule pendant une heure dans les minutes qui ont suivi l’événement.
  • Ces policiers ont rédigé leur rapport respectif dans une même salle alors qu’ils n’ont pas été supervisés pendant presque toute la durée de la rédaction. Ce n’est qu’à la toute fin qu’un policier-cadre s’est présenté pour voir au respect du règlement.
  • Un policier a été questionné par un sergent-détective avant l’arrivée des gens du BEI

 

Dossier du 6 janvier 2017 : BEI-2017-001

  • Près d’un an d’intervalle entre l’événement et la lettre au directeur du SPVM
  • Les policiers qui devaient rédiger leur rapport ont été supervisés par quelqu’un du même grade hiérarchique

 

Autres remarques adressées par Madeleine Giauque :

  • Envoi automatique des policiers à l’hôpital : Cet envoi automatique est surprenant et inhabituel par rapport à la procédure qui prévaut dans les autres corps de police. On prévoit qu’ils soient isolés de la population de l’hôpital alors que personne ne s’assure qu’ils soient isolés les uns des autres. Or, il s’agit d’une obligation majeure du Règlement. À ce sujet, Mme Giauque mentionne dans sa lettre : « Je comprends que les parties se sont entendues avant la date 2 d’entrée en vigueur du Règlement, mais elle devient une façon de faire indirectement ce que des policiers n’ont pas le droit de faire directement ».
  • Mme Giauque demande au directeur du SPVM que l’agent de liaison désigné par le SPVM pour faire le lien avec le BEI soit un cadre et non un syndiqué, se disant perplexe devant la possibilité que les policiers ayant participé à un événement aient le pouvoir d’engager la responsabilité du directeur du SPVM.
  • Mme Giauque se dite prête à croire que les policiers n’ont pas délibérément refusé de respecter le règlement sur le déroulement des enquêtes du BEI. Elle croit plutôt qu’il s’agit d’un manque d’information et indique la disponibilité du BEI pour tenir des séances d’infos aussi souvent que cela sera nécessaire.
  • Mme Giauque invoque qu’elle pourrait dénoncer la situation au Conseil municipal, alors que le Règlement lui demande précisément de le faire lorsqu’un directeur de corps de police municipale ne respecte pas les obligations prévues au Règlement.

 

  1. Lettres datées du 16 janvier 2018

Corps de police concerné : Sûreté du Québec

Lieu de l’enquête : St-Joseph-de-Beauce

Dossier du 15 novembre 2016 : BEI-2017-017

  • 14 mois d’intervalle entre l’événement et les deux lettres au directeur de la SQ

 

  • Lettre 1 :
  • Des policiers impliqués et témoins ont admis avoir discuté entre eux au sujet de l’événement avant la rédaction de leur rapport à remettre au BEI.
  • Les policiers impliqués et témoins ont été avisés tardivement de leurs obligations réglementaires, et ce, par un délégué syndical. Ce qui indique que les obligations du directeur du corps de police impliqué n’ont pas été respectées par ses représentants.
  • Giauque informe le directeur de la SQ que le ministre de la Sécurité publique sera informé de la situation comme prévu au Règlement sur le déroulement des enquêtes du BEI. Copie de la lettre adressée au directeur de la SQ lui sera envoyée.

 

  • Lettre 2 :
  • Un détenu a mis fin à ses jours en se pendant à une poignée installée sur la porte à l’intérieur de sa cellule.
  • Situation anormale puisqu’une poignée de porte à l’intérieur d’une cellule n’est manifestement d’aucune utilité à un individu en détention problématique relative à la configuration des lieux. Aucun changement n’a été apporté depuis lors.

 

Lettre 1 datée du 19 février 2018

Corps de police concerné : SPVM

Dossier 15 juin 2017 BEI-2017-027

  • 8 mois d’intervalle entre l’événement et la lettre au directeur du SPVM
  • Avant l’arrivée du BEI, des enquêteurs du SPVM ont rencontré certains témoins civils et obtenu de courtes déclarations.
  • Les policiers ont eu accès à la carte d’appel au moment de la rédaction de leur rapport respectif, allant même jusqu’à en reproduire intégralement des passages. En vertu du Règlement du BEI, les policiers impliqués et témoins doivent être isolés et ont l’interdiction de discuter entre eux concernant les faits jusqu’à ce qu’ils aient rempli leur compte-rendu et rencontré les enquêteurs du BEI. En leur donnant accès à la carte d’appel pour la rédaction de leur rapport, le SPVM leur remet l’ensemble des informations et observations émanant de leurs confrères au cours de l’événement. Avec respect, on ne peut pas faire indirectement ce qui est interdit directement.
  • Le BEI n’a pu obtenir les rapports d’emploi de la force et de poursuite automobile habituellement complétés en pareille circonstance. Les policiers ne l’ont pas rempli à la demande d’un supérieur. L’enquêteur du BEI a été informé par courriel par (le nom ou le titre de la personne est caviardé) que ce rapport ne serait jamais fait dans les dossiers du BEI. Mme Giauque mentionne que c’est la seule fois où une telle réponse a été donnée au BEI et espère que ce n’est pas la position officielle du SPVM.
  • Elle dit être informée que la politique du SPVM concernant les enquêtes indépendantes n’a pas été modifiée depuis l’entrée en vigueur du Règlement sur le déroulement des enquêtes du BEI et rappelle au directeur du SPVM qu’il a l’obligation de voir à ce que ce règlement soit respecté.

 

Lettre 2 datée du 19 février 2018

Corps de police concerné : SPVM

Dossier 15 juin 2017 BEI-2017-027

  • 8 mois d’intervalle entre l’événement et la lettre au directeur du SPVM
  • Les documents consultés par les policiers pour rédiger leur rapport au BEI datent de 2004 et 2013, soit avant l’entrée en vigueur du Règlement sur le déroulement des enquêtes du BEI.
  • Sa seule lecture vous convaincra qu’il contrevient aux principes du Règlement.
  • Un autre document consulté émane de l’APPQ daté de 2016 et suggère que le rapport du policier soit fait en deux étapes ce qui est contraire au Règlement.

 

Lettre du 3 avril 2018

Corps de police concerné : Service de police de Laval

Dossier du 29 mars 2018 BEI-2018-008

  • Un des policiers (la lettre ne mentionne pas si c’est un policier impliqué ou témoin) a refusé de répondre aux questions de l’enquêteur du BEI.
  • Cette situation sans renseignement nominatif sera rendue publique sur le site Web du BEI lorsque nous ferons état du bilan de l’enquête au moment de clore le dossier.

 

Lettre du 2 mai 2018

Réponse de Mme Giauque suite à la réponse du corps de police concerné dans la lettre précédente

Corps de police concerné : Service de police de Laval

Dossier du 29 mars 2018 BEI-2018-008

  • Ne compte pas rencontrer le policier qui a refusé de répondre aux questions de l’enquêteur du BEI puisqu’il est impossible au BEI de s’assurer, plusieurs semaines après les événements, que les exigences prévues au Règlement sur le déroulement des enquêtes du BEI ont été suivies.

 

Lettre 1 du 4 septembre 201

Corps de police concerné : Corps de police régional de Kativik

Dossier du 28 avril 2017 BEI-2017-016

  • 16 mois d’intervalle entre l’événement et la lettre au corps de police régional de Kativik
  • Un des policiers impliqués a été assigné pour agir à titre d’agent de liaison avec le BEI.
  • Des discussions ont eu lieu entre les policiers impliqués avant la rédaction de leur rapport et leur rencontre avec les enquêteurs du BEI.
  • Cette situation sans renseignement nominatif sera rendue publique sur le site Web du BEI lorsque nous ferons état du bilan de l’enquête au moment de clore le dossier.

 

Lettre du 4 septembre 2018

Corps de police concerné : SPVM

Dossier du 22 août 2018 BEI-2018-026

  • 14 jours d’intervalle entre l’événement et la lettre au SPVM
  • Les témoins ont été rencontrés par des patrouilleurs du SPVM qui ont pris une déclaration de chacune de ces personnes.
  • Ces déclarations ont été soumises à des enquêteurs du SPVM pour vérification et approbation avant la libération des témoins.
  • Le tout avant l’arrivée des enquêteurs du BEI et avant que les policiers impliqués aient remis leur compte-rendu au BEI.
  • La même problématique est intervenue dans plusieurs, sinon la totalité, des enquêtes du SPVM, notamment dans les dossiers du 12 mars 2017 et du 31 décembre 2016
  • Pour le cas du 12 mars 2017, les témoins ont même été transportés au poste de quartier pour interrogatoire, avant l’arrivée du BEI sur les lieux. Même chose pour le 31 décembre 2016.
  • Pour le cas du 31 décembre 2016, Mme Giauque mentionne ne pas avoir été informée de ces manquements. Malgré cela, une lettre avait été adressée au directeur précédent concernant diverses problématiques rencontrées dans ce dernier dossier.
  • Selon les enquêteurs du BEI, il s’agit là de la façon de faire du SPVM dans le cadre des enquêtes indépendantes.
  • Aussi, fréquemment, les policiers impliqués dans une enquête du BEI remettent leur compte-rendu aux enquêteurs pour vérification avant qu’ils ne soient remis au BEI.
  • Ainsi, les enquêteurs du corps de police impliqué ont accès à tous les témoignages, civils ou policiers, avant le BEI. « Vous conviendrez facilement avec moi que les apparences ne militent pas en faveur de la transparence ».
  • Et « Le SPVM est le seul corps de police à agir ainsi à travers la province. » « Par sa façon de faire, le SPVM vient miner la crédibilité du système mis en place par le législateur ».
  • Mme Giauque demande au directeur du SPVM de s’assurer que cessent immédiatement ces pratiques et lui demande d’exiger que les policiers respectent l’intégralité du Règlement sur le déroulement des enquêtes du BEI.
  • Mme Giauque mentionne qu’il en sera fait mention dans le bilan de ces enquêtes publié sur le site Web du BEI.

Lettre du 6 septembre 2018

Corps de police concerné : SPVM

Dossier du 6 juillet 2017 BEI-2017-032

  • 14 mois d’intervalle entre l’événement et la lettre au SPVM
  • Malgré que l’article 289.2 oblige le directeur d’un corps de police d’aviser sans délai le BEI lorsque survient un événement sous sa juridiction, il arrive fréquemment que le SPVM tarde de plusieurs heures avant de le faire, même dans le cas de décès ou blessure par arme à feu.
  • Dans ce cas-ci, le BEI a été avisé le 6 juillet à 10h 05 de l’événement survenu le 5 juillet vers 22h 45.
  • La lettre décrit ce qui s’est passé entre le moment de l’événement et l’avis au BEI, mais le texte caviardé ne permet pas de tout saisir exactement.
  • Mme Giauque blâme la structure en place au SPVM lors de tels événements et rappelle les obligations du directeur.
  • Mme Giauque mentionne que cela sera indiqué dans le bilan de l’enquête à paraitre sur le site du BEI.

Annexe 2

 

REDACTO


OUTIL ÉVOLUTIF DE RÉDACTION DE RAPPORTS APPLIQUÉS AUX INTERVENTIONS POLICIÈRES AVEC USAGE DE LA FORCE. CET OUTIL PRATIQUE S’UTILISE EN COMPLÉMENTARITÉ AVEC LES DIVERS SUPPORTS INTERNES ET EXTERNES DISPENSÉS EN MATIÈRE DE FORMATION POLICIÈRE.

1- RAPPORT D’ÉVÈNEMENT (NOTES DESCRIPTIVES DES FAITS)

☐Préciser la date, votre quart de travail, identifier votre véhicule, si vous êtes conducteur ou passager et identifiez votre collègue, s’il y a lieu.

☐Préciser la nature de l’appel, l’heure, le nom de la personne qui l’a reçu ainsi que le numéro de dossier opérationnel.

☐Énumérez les informations supplémentaires permettant de statuer sur le niveau d’urgence, les connaissances particulières sur les personnes (blessures, violence, etc.) avant votre arrivée sur les lieux.

☐Faire état des ressources policières disponibles et/ou présentes, ainsi que le soutien au niveau de la supervision.

☐Indiquer l’heure sur les lieux, les conditions climatiques et physiques, ainsi que vos ressources présentes.

☐Préciser les ressources ayant été requises telles que : policiers, pompiers, ambulances, remorquage, détention, etc.

☐Décrire sommairement de façon chronologique votre intervention, les dispositions prises à l’égard du prévenu, de la victime ou des témoins et dire comment s’est finalisée l’intervention.

☐Ajouter les informations relatives aux blessures subies ou autres démarches en parallèle pour sécuriser les personnes.

☐Indiquer si vous, ou des collègues, avez été blessé et le nom de l’établissement de santé et du médecin consulté.

☐Précisez les vérifications que vous avez effectuées avec le CRPQ et les divers rapports rédigés aux fins de l’évènement, en précisant à quel niveau le dossier est soumis pour la suite des procédures.


2- RAPPORT COMPLÉMENTAIRE (NARRATION EXPLICATIVE DE L’INTERVENTION)

☐Décrire votre perception de la situation vécue (notion de danger) en vous rendant sur les lieux selon les informations reçues et votre nouvelle évaluation de la situation une fois rendu à l’évènement.

☐Préciser comment vous vous êtes identifié comme policier et combien de personnes vous êtes, disposition des lieux.

☐Décrivez les particularités physiques et autres de la personne, les autres personnes et leurs comportements.

☐Relater vos paroles et ce que fait et dit la personne en réponse aux informations que vous avez transmises.

☐Exprimer, au moment d’agir, ce que vous appréhendez comme résistance en vous basant sur les faits observés.

☐Décrire votre action verbale et physique pour initier le premier contact visant à contrôler la personne.

☐Dans votre énumération, préciser le type de résistance du prévenu et le niveau de difficulté pour la maîtriser.

☐Dans la mesure où il y a escalade du continuum de force pour arriver à contrôler l’individu, veillez motiver votre analyse du moment pour arriver à prendre une décision sur le niveau de force utilisé pour maîtriser l’individu.

☐Confirmer, s’il y a lieu, la présence d’un « danger imminent » selon une observation objective des faits en votre présence, par rapport à la volonté d’agir de l’individu (intention de faire), sa force et/ou ses armes (capacité de faire) et la possibilité de passer à l’action maintenant (occasion d’agir), afin de confirmer votre perception objective du danger.

☐Suivant l’usage de la force et le contrôle de la situation, circonscrire les actions prises pour préserver l’intégrité physique du prévenu, notamment (PLS, RCR, fouille sommaire) et autres démarches (transport, détention) pour finaliser l’intervention policière.

Janvier 2015, Jacques Painchaud, vice-président à la Discipline et à la Déontologie, APPQ


RÉVISION DU RAPPORT

IL EST IMPORTANT DE RELIRE SON RAPPORT AVANT DE LE SOUMETTRE, AFIN DE S’ASSURER QUE TOUTES LES INFORMATIONS PERTINENTES SOIENT COLLIGÉES. LORS DE SA LECTURE, IL EST IMPORTANT POUR UN TIERS DE COMPRENDRE LA SITUATION ET SON CONTEXTE CHRONOLOGIQUEMENT; AINSI QUE VOTRE ANALYSE DE PRISE DE DÉCISION POUR ACCOMPLIR VOTRE MISSION.

Questions auxquelles votre rapport devrait répondre :

☐Avez-vous justifié la légalité de votre Intervention policière?

☐ Avez-vous respecté l’obligation de s’identifier comme policier?

☐ Avez-vous utilisé l’intervention verbale (ordres répétés et écoulement du temps)?

☐ Avez-vous utilisé des techniques appliquées conformément aux enseignements de I’ENPQ?

☐ Avez-vous précisé la présence d’un « danger Imminent » en commentant sur l’intention de faire, la capacité de faire, ainsi que l’occasion d’agir du prévenu qui porte atteinte à la sécurité du policier?

☐ Avez-vous réservé l’utilisation de l’arme intermédiaire avec impact à la présence d’un danger imminent?

☐ Avez-vous fait état de votre évaluation évolutive de l’intervention?

☐ Avez-vous identifié le degré de force employé, ainsi que la zone ciblée?

☐ Avez ·vous utilisé la prise de l’encolure lorsque l’objectif consiste à amener au sol une personne pour la menotter? (Il y a lieu d’expliquer le choix priorisé de cette technique par rapport à une autre technique d’amener.)

☐ Si vous avez utilisé l’arme de service :

  • Expliquer votre appréhension d’un danger imminent (risque pour la vie);
  • Mentionner les connaissances particulières du suspect interpellé;
  • Préciser les normes de sécurité mises de l’avant dans la manipulation de l’arme.

Afin de faciliter la compréhension de la relation proportionnelle entre l’ensemble des moyens, le degré de force utilisé et l’objectif recherché,  assurez-vous d’avoir bien identifié (mots-clés) les éléments suivants dans votre rapport (Inspiré du Modèle d’intervention pour la gestion d’incidents MIGI utilisé par la GRC et l’ENPQ. N’hésitez pas à consulter ces sources d’information.) :

  • Situation : cadre de l’intervention (arrestation, transport, détention) – gravité de la situation – Impératif d’agir immédiatement – gagner du temps ou accroitre la distance avec le sujet pour réduire la menace – évaluer l’option d’un retrait pour attendre du renfort
  • Résistance du prévenu : coopératif – intimidation psychologique – refus d’obtempérer-résistance physique passive- résistance physique défensive – physique grave – armée- non armée
  • Prévenu : nombre de sujets- âge – sexe – taille – force – condition physique / techniques -intoxication (alcool, drogue) – état émotif (normal, maniaco-dépressif, délire, suicidaire, autres)
  • Niveau de force : présence policière – communication verbale et non verbale – invitation physique (technique d’amener) – intervention coercitive légère (contrôle articulaire, coup de diversion) – (oléorésine capsicum] – intervention coercitive puissante (frappe puissante à mains nues, bâton télescopique, prise de l’encolure – intervention avec l’arme à feu)
  • Policier : nombre de policiers – âge – sexe – taille – force – condition physique / techniques – formation – expérience policière – aptitude – capacité – expertise pertinente
  • Élément des dommages corporels : aucune blessure apparente – blessures mineures (irritation, raideur, élongation musculaire, etc. – blessures majeures (fracture, luxation, lésion d’un organe interne, etc.)
  • Circonstances particulières : les conditions reliées à l’environnement- danger imminent – connaissances particulières (armé, dangereux mention V. comportement connu – antécédents) – blessures présentes avant le recours à la force (biorisque) – présence de plusieurs suspects – proximité de l’arme de service (nécessité d’assurer la rétention de l’arme) – vision – fatigue – antécédent vécu par le policier (symptômes de stress, craintes, confiance)

[1] Pourvoi en contrôle judiciaire, FPMQ, FPPM, 11 juin 2019, p. 69,  https://fppm.qc.ca/medias/lettres/pourvoi-en-controle-judiciaire.pdf

[2] Pourvoi en contrôle judiciaire, FPMQ, FPPM, 11 juin 2019, p. 33,  https://fppm.qc.ca/medias/lettres/pourvoi-en-controle-judiciaire.pdf

[3] Voir annexe.

[4] https://www.bei.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/decisions-demandes-acces/ACC-17-07.pdf

[5] https://www.bei.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/decisions-demandes-acces/ACC-18-22.pdf

[6] Journal des débats de la Commission des institutions – 40e législature, 1re session, mardi 22 avril 2013 – Vol. 43 N° 38 (Version finale), CI page 27.

[7] Marin, André, Une surveillance imperceptible, Enquête sur l’efficacité et la crédibilité des opérations de l’Unité des enquêtes spéciales, 30 septembre 2008,

https://www.ombudsman.on.ca/ressources/rapports-et-resumes-des-cas/enquetes/2008/une-surveillance-imperceptible

[8] Cette convention collective, actuellement en vigueur, couvre la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2021.

[9] Dans cette affaire, la Cour suprême avait conclu qu’un policier visé par une enquête indépendante ne doit pas avoir la possibilité de consulter un avocat avant de rédiger son rapport sur l’événement ayant donné lieu au déclenchement du mécanisme d’enquête.

[10] L’intégralité de cette lettre se retrouve à l’adresse suivante : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/reponse-bei-lettres-aux-directeurs-de-police.pdf.

[11] Reproduit en annexe.

[12] https://www.dropbox.com/s/cc7id2eo2n283yt/Rapport%20SPVM%20-%20F.502-04%20-%20Emploi%20de%20la%20force%20%28copie%20en%20blanc%29.pdf?dl=0

[13] https://www.bei.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/decisions-demandes-acces/ACC-18-03.pdf

[14] https://www.bei.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/decisions-demandes-acces/ACC-18-08.pdf

[15] La Presse, « Umiujaq: pas d’enquête sur des blessures graves infligées par la police », Philippe Teisceira-Lessard, 5 juin 2018 à 05h00 | Mis à jour à 07h44.

[16] La Presse, « Umiujaq: troublé, Couillard demande des comptes à la police des polices », Tommy Chouinard, 5 juin 2018 à 11h37 | Mis à jour à 12h03.

[17] https://www.bei.gouv.qc.ca/actualites/detail/le-bureau-des-enquetes-independantes-prend-en-charge-une-enquete-a-umiujaq-1.html

[18] https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Transcriptions/Notes_stenographiques_-_CERP_19_octobre_2018.pdf

[19] Commentaires de la Protectrice du citoyen sur le Règlement sur le déroulement des enquêtes dont est chargé le Bureau des enquêtes indépendantes, 21 août 2015, p. 7, https://protecteurducitoyen.qc.ca/sites/default/files/pdf/reactions/2015-08-21_lettre-bureau-enquetes-independantes.pdf.

[20] Pour consulter un résumé exhaustif de chacun des rapports d’enquête terminées de l’UES en Ontario  (https://www.siu.on.ca/fr/directors_reports.php), du Independent Investigations Office (IIO) de la Colombie-Britannique (https://iiobc.ca/public-reports/), du Serious Incident Response Team (SiRT), de la Nouvelle-Écosse (https://sirt.novascotia.ca/publications) et du Independent Investigations Unit (IIU) du Manitoba (http://www.iiumanitoba.ca/publications.html).

[21] https://www.siu.on.ca/fr/directors_report_details.php?drid=166

[22] https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/actualites-judiciaires/201903/01/01-5216708-mort-de-pierre-coriolan-pas-daccusation-contre-les-policiers.php

[23] https://www.bei.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/decisions-demandes-acces/ACC-17-07.pdf

[25]Lettre de la directrice du BEI, Madeleine Giauque, envoyée au directeur du SPVM, Martin Prudhomme, 22 août 2018, en ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/reponse-bei-lettres-aux-directeurs-de-police.pdf.

[26] Plusieurs corps de police entravent le déroulement des enquêtes du BEI : Les autorités concernées doivent agir en urgence, Communiqué de la Ligue des droits et libertés, 5 novembre 2018, en ligne : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/communique_lettres_bei_20181105.pdf.

[27] Pour un résumé exhaustif du contenu de ces correspondances, veuillez vous référer à l’annexe.

[28] Vous trouverez l’intégralité de ces lettres à l’adresse suivante : https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/reponse-bei-lettres-aux-directeurs-de-police.pdf