Femmes autochtones disparues et assassinées

Cet article s’inspire de l’étude menée par Femmes Autochtones du Québec qui vise à tracer un portrait de la situation entourant les femmes autochtones disparues ou assassinées dans la province. L’organisme continue d’exiger que le gouvernement fédéral instaure une commission d’enquête publique sur cet enjeu.

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Alana Boileau, coordonnatrice justice
Femmes Autochtones du Québec

La question des femmes autochtones disparues ou assassinées est peu documentée dans la province de Québec. Femmes Autochtones du Québec Inc. a entrepris, en avril 2014, une étude afin de tracer un portrait de la situation dans la province. Bien qu’il soit trop tôt pour en révéler les résultats finaux, plusieurs observations se dégagent de la trentaine d’entretiens réalisés à ce jour pour ce projet de recherche. C’est dans le cadre de la Table ronde nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui s’est tenue le 27 février 2015 à Ottawa, que nous en avons fait le résumé, dont s’inspire le présent article. Ainsi, nous commençons à comprendre la situation du Québec dans sa spécificité.

Les données officielles qui existent pour décrire la situation des femmes autochtones disparues ou assassinées au Québec sont loin de représenter la réalité et sont peu fiables. Plutôt que de privilégier une approche quantitative, nous avons rencontré des policiers, des intervenantes et des membres actifs des communautés autochtones et des milieux urbains au Québec.

La question des femmes autochtones disparues ou assassinées au Québec est peu médiatisée et reste méconnue tant par la population autochtone que non autochtone. L’engouement médiatique récent est encourageant, mais lorsqu’on aborde cette question, il faut éviter le sensationnalisme et tenir compte de sa complexité et de l’ampleur du phénomène. En effet, la question des femmes autochtones disparues et assassinées est large et met en lumière un éventail de récits tels que ceux de la disparition de jeunes à l’époque des pensionnats, de l’adoption de jeunes autochtones par des familles non autochtones, du haut taux d’incarcération des femmes autochtones, de meurtres conjugaux, etc. Cet enjeu s’inscrit dans l’histoire coloniale de l’Amérique du Nord et est directement lié aux politiques génocidaires et d’assimilation mises en œuvre par l’État au Canada et au Québec.

Bien que la violence soit difficile à quantifier, nous savons que les femmes autochtones sont surreprésentées comme victimes de violence conjugale et non conjugale. Dans les communautés, comme en milieu urbain, les efforts d’éducation à la non-violence doivent donc persister afin de sensibiliser jeunes et moins jeunes aux multiples formes (émotionnelle, verbale, financière, sexuelle, physique) de violence et aux manières d’éviter de la reproduire. Aussi, les services disponibles, malgré leur nombre insuffisant, permettent aux femmes qui vivent avec la violence d’échapper à leur milieu et de recevoir de l’aide. Notons que les hommes victimes ou agresseurs disposent quant à eux de bien peu de ressources.

Au niveau des services sociaux, les intervenantes, qui ont un rôle historiquement chargé, réalisent un important travail auprès de leurs proches dans les communautés, et ce, malgré un grand manque de ressources et de soutien. En effet, à quelques exceptions près, les intervenant-e-s en services sociaux gagneraient à collaborer et à développer des ententes formelles afin de mieux desservir les populations en matière de violence. En milieu urbain, les services spécifiquement dédiés aux Autochtones et offerts par des Autochtones ou par des personnes qui connaissent bien leur réalité semblent être ceux qui, bien que peu nombreux, connaissent le plus de succès. Finalement, la possibilité de se voir enlever leurs enfants par les services de protection de la jeunesse demeure un obstacle important à la dénonciation de la violence par les femmes autochtones.

La relation avec la police est au centre de la question des femmes autochtones disparues ou assassinées. Le travail des forces de l’ordre, tant auprès des victimes que de leur famille, a été fortement critiqué au cours des dernières années. En communauté, il est notamment pertinent de reconnaître que les personnes membres d’un corps de police autochtone ont très souvent à intervenir auprès d’un membre de leur famille, ou de quelqu’un qui leur est bien connu. Cette proximité, qui d’ordinaire est souhaitable et souhaitée, peut agir comme frein dans un contexte où il faut dénoncer ou intervenir face à la violence. Bien que nous voulions favoriser le travail par et pour les personnes autochtones, des mesures de soutien doivent être envisagées afin d’encadrer le travail des policiers auprès de leurs pairs. En milieu urbain, on semble observer une amélioration lente des relations, mais les manifestations de racisme persistent toujours.

Finalement, une gamme de facteurs qui portent atteinte à la sécurité des femmes sera analysée en profondeur dans le rapport final. Ici, soulignons particulièrement le manque important de logements (abordables) en communauté et en milieu urbain qui a un impact indéniable sur le bien-être et l’autonomie des femmes autochtones au Québec.

Du 23 au 26 avril 2015, nous avons accueilli 19 personnes membres de la famille d’une femme autochtone disparue ou assassinée. Lors du rassemblement Naniawig Mamawe Ninawind – Stand with us – Debout et solidaires, nous avons eu le privilège d’entendre le récit de ces familles ainsi que leurs besoins face à la société, aux médias, aux policiers et aux gouvernements. Leur voix sera à l’avant-plan dans notre rapport final dont la publication est prévue pour le mois de septembre 2015.

Femmes Autochtones du Québec continue d’exiger que le gouvernement fédéral instaure une commission d’enquête publique et qu’il travaille de concert avec les différentes nations et organisations autochtones afin de mettre sur pied un plan d’action national, basé sur une véritable collaboration.

 

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