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Roxane Leboeuf, M.s.s.,
Coordonnatrice adjointe, Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées et étudiante au doctorat en gérontologie, Université de Sherbrooke
Marie Beaulieu, PhD.
Titulaire Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, Université de Sherbrooke
En 2002, dans le cadre du Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement l’Organisation des Nations Unies, à l’ONU formulait l’objectif d’éliminer toutes les formes d’abandon, de sévices et de violence à l’encontre des personnes aînées[1]. En d’autres termes, tous types ou formes de maltraitance. Mais ce Plan de Madrid, aussi riche soit-il, est un document non contraignant pour les pays membres de l’ONU.
Une personne aînée sur six est maltraitée
Une récente méta-analyse des cinquante-deux études de prévalence de la maltraitance les plus probantes à travers le monde rapporte qu’annuellement environ une personne aînée sur six résidant à domicile, soit 15,7 % des aîné-e-s, est maltraitée[2]. Force est de constater qu’il y a encore beaucoup à faire pour prétendre à l’éradication de la maltraitance!
Un autre objectif auquel se sont engagés les pays signataires du Plan de Madrid, dont le Canada fait partie, est de veiller à la mise en place de divers dispositifs qui permettent de faire face aux situations de maltraitance envers les personnes aînées. À cet égard, le Québec fait bonne figure depuis 2010 avec l’adoption et l’implantation du premier puis du deuxième Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées; ce dernier, adopté en juin 2017, sera en vigueur jusqu’en juin 2022.
Selon le gouvernement du Québec, « [il] y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, intentionnelle ou non, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée[3] ».
Il est de plus reconnu qu’il y a des enjeux de violation de droits dans toute situation de maltraitance, qu’elle soit de nature psychologique, physique, sexuelle, organisationnelle, âgiste, matérielle ou financière. Dans les faits, les droits de toute personne, peu importe son âge, sont protégés par la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Les droits bafoués
Cependant, l’ampleur de la maltraitance envers les personnes aînées montre qu’un grand nombre d’entre elles voient leurs droits bafoués. À cet égard, en 2002, l’ONU énonçait que la maltraitance envers les personnes aînées constitue un enjeu de violation de droits de la personne[4].
La maltraitance est un problème complexe aux conséquences nombreuses qui appelle à des interventions basées sur la concertation d’actrices et d’acteurs provenant de divers secteurs (santé et services sociaux, organismes communautaires, police, institutions bancaires, etc.) Ce faisant, il existe de nombreuses perspectives pour comprendre la maltraitance et y apporter des pistes de solutions[5].
Des droits plutôt que des déficits et des besoins
Appréhender la maltraitance selon une perspective de violation des droits oblige les acteurs concernés à concevoir les personnes aînées non plus comme des personnes ayant des déficits et des besoins, mais plutôt comme des personnes de valeur à part entière qui bénéficient des mêmes droits que l’ensemble de la population[6].
Les effets de la reconnaissance de la maltraitance
Du même coup, cette perspective permet de lutter contre l’âgisme qui persiste envers les personnes aînées et qui est reconnu comme un terreau fertile à la maltraitance. Ce faisant, le problème de la maltraitance s’analyse dans un contexte organisationnel et social plus global que la simple interaction entre deux individus.
En reconnaissant la maltraitance comme un enjeu de violation de droits, la société et les organisations deviennent dès lors imputables des services qu’ils offrent à la population âgée, ce qui les incite à s’engager à les soutenir pour maximiser leur potentiel, leur autonomie et leur participation sociale[7].
Cela se manifeste par exemple par la mise en place de pratiques visant la sensibilisation des personnes aînées à l’égard de leurs droits, par l’adoption de mesures facilitant la dénonciation des situations de maltraitance, etc[8].
Certains acteurs considèrent que le manque de reconnaissance des droits des personnes aînées résulte de lacunes dans la mise en œuvre des droits inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’autres soutiennent que la formulation actuelle de ces droits complique leur application aux personnes aînées[9]. En 2010, l’ONU a créé un groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement.
Conclusion
Il a notamment pour but de renforcer la protection des droits humains des personnes aînées en examinant le cadre international actuel des droits pour les personnes aînées, afin d’identifier les enjeux et la meilleure façon de les aborder[10]. L’une des grandes questions qui anime ce groupe porte sur le besoin ou non d’adopter une convention internationale des droits des personnes aînées. Sachant que toute convention de cette nature constitue un puissant outil contraignant pour les pays qui la ratifient, cette interrogation est l’objet de nombreux débats.
[1] Nations Unies. Rapport de la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement. Madrid, 8-12 avril 2002, New York : Nations Unies, 2002.
[2] Y., YON et al.,The Prevalence of Self-Reported Elder Abuse Among Older Women in Community Settings: A Systematic Review and Meta-Analysis, Trauma, Violence & Abuse, 2017, p. 1-15.
[3] Ministère de la Famille, Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, Québec : Gouvernement du Québec, 2017.
[4] Nations Unies, Abuse of older persons: recognizing and responding to abuse of older persons in a global context Report of the Secretary-General, New York, 2002.
[5] G.L., ANETZBERGER, « Intersection of public health and non-traditional partners and approaches to address elder abuse.» dans Teaster P.B. & Hall, J.E. Elder Abuse and the Public’s Health, Springer, New York, 2018, p. 125-151.
[6] N. GEORGANTZI,. A Look at the European Context. Dans OHCHR – Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, International Conference. Humans Rights of Older Persons and Non-Discrimination, Santiago, 2017, p. 78-82.
[7] Ibid., note 6.
[8] Ibid., note 4.
[9] K., SCHULMANN, et al., Rights-based approach to care and support for older persons. Vienne : European Center for Social Welfare Policy and Research, 2019.
[10] Nations Unies, Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 19 décembre 2011, 2011, http://undocs.org/fr/A/RES/66/127