COVID-19 : Des mesures urgentes pour aider les locataires à affronter le 1er avril

Des mesures doivent être prises rapidement selon la situation des locataires à faibles revenus.

Un carnet rédigé par
Marjolaine Deneault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) et
Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

Des mesures concrètes maintenant

À une semaine du 1er avril, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) réclament, de manière urgente, des mesures concrètes du gouvernement Legault pour venir en aide aux ménages locataires qui ne seront pas en mesure de payer leur prochain mois de loyer.

Les ménages locataires, et particulièrement ceux à faible et modeste revenus, sont plus durement touchés par la pandémie. Pour les 457 275 ménages locataires consacrant déjà plus de la norme de 30 % de leurs revenus au loyer – et particulièrement pour les 195 645 qui y consacrent plus de 50 % – une perte d’emploi pourrait les mener à la rue. Il y a fort à parier que ces personnes ont peu ou pas d’économie de côté et qu’il leur sera difficile, voire impossible, de payer leur loyer à temps. Les programmes actuels ne remplacent pas la totalité des revenus et la plupart des prestations promises n’arriveront pas, au mieux, avant quelques semaines. Il faut donc trouver des solutions autres que l’endettement pour que les droits au logement et à un revenu suffisant de ces personnes soient respectés.

Dans son point de presse du 24 mars, le premier ministre Legault s’est dit ouvert à réfléchir rapidement à des solutions pour les ménages qui peinent à payer leur épicerie et qui s’inquiètent de l’arrivée de l’échéance du prochain paiement de loyer. Prenant le premier ministre au pied de la lettre, nous pressons les ministres de l’Habitation et de la Santé de prendre en considération avec tout le sérieux qu’elles méritent les solutions concrètes que nous proposons.

Un pardon pour les loyers d’avril

Samedi dernier, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec a confirmé un moratoire sur l’exécution des jugements menant à l’éviction des locataires et la suspension de la majorité des audiences à la Régie du logement, tant et aussi longtemps que l’état d’urgence sanitaire sera décrété. Depuis le début de la pandémie, notre première priorité était d’empêcher que des gens se retrouvent à la rue en pleine crise de santé publique. Maintenant que nous en avons l’assurance, nous voulons éviter une vague massive d’évictions peu de temps après la sortie de l’urgence sanitaire.

Pour faire tomber le stress chez les locataires vulnérables, il est primordial de faire savoir dès maintenant que toute tentative d’éviction imputable au non-paiement du loyer d’avril 2020 sera interdite. Reporter une vague d’évictions aurait des conséquences catastrophiques sur le Québec alors qu’il sera en train de se remettre de la plus grave crise de santé publique de son histoire et qu’il traversait déjà une crise du logement.

Pour venir rapidement en aide aux ménages locataires, nos deux regroupements demandent un programme spécial de supplément au loyer d’urgence pour ceux à faibles revenus. Pour ceux qui n’y ont pas droit en raison de revenus antérieurs trop élevés, nous proposons comme mesure complémentaire la création d’un fonds de dépannage dédié au paiement du loyer.  Ce fonds devrait logiquement être mis en place par le gouvernement fédéral et pourrait être administré par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

À défaut de le mettre en place lui-même, nous demandons au gouvernement Legault de mettre de la pression sur le gouvernement Trudeau pour la création d’un tel fonds d’aide dans les plus brefs délais. Nous ne sommes pas les seuls à revendiquer cela, plusieurs autres associations canadiennes de défense des droits des locataires portent aussi cette demande.

Une période de recherche de logement déjà difficile retardée

Alors que la pénurie de logements abordables rendait déjà difficile la recherche de logement durant la période de renouvellement des baux, un grand nombre de ménages locataires sont actuellement inquiets quant aux difficultés supplémentaires de trouver un logement durant la période d’urgence sanitaire.

Outre les craintes quant à l’incapacité de payer le prochain loyer, la majorité des appels dans les comités logement portent actuellement sur les sujets relatifs aux visites de logements. Afin de faciliter la recherche d’un appartement et empêcher les visites de se poursuivre à l’heure où le confinement est de rigueur, nous sommes d’avis que la période d’un mois dont disposent les locataires pour répondre à l’avis de renouvellement du bail soit allongée d’un autre mois.

Afin de rassurer les centaines de milliers de ménages locataires qui devraient déménager au 1er juillet, ou avant, nous demandons au gouvernement Legault d’envisager que tous les baux en vigueur soient prolongés pour une période correspondant minimalement à la durée de l’urgence sanitaire.

Penser rapidement à l’après-crise

De nombreux ménages vont se retrouver en difficulté sur le moyen, voire le long terme, par exemple dans le cas de ceux qui auront dû s’endetter, et il est évident que les besoins en logements sociaux vont exploser, d’autant plus que la situation de pandémie actuelle se superpose à la crise du logement généralisée qui préexistait.

Dans l’éventuelle mise à jour économique ou le plan de relance annoncés, ça prend des investissements immédiats, pour de nouveaux logements sociaux, ce que ne prévoyait pas le budget Girard du 10 mars, pour relancer sans tarder la production de nouvelles unités de logement social, sous forme de HLM, de coopératives et d’organisme sans but lucratifs d’habitation. Le gouvernement fédéral devra faire de même et enfin dédier des investissements aux seuls logements sur lesquels personne ne fait de profit, réclamés d’un bout à l’autre du pays.

 


Cette tribune permet d’aborder des sujets d’actualité qui sont en lien avec les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde. Les carnets sont rédigés par des militant-e-s des droits humains et n’engagent que leurs auteurs et autrices.