10 QUESTIONS & RÉPONSES

Les interpellations
policières au Québec

Une pratique à interdire

Violations des droits et profilages

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Quelles sont les violations aux droits et libertés lors d'une interpellation policière?

Les interpellations policières et la collecte de renseignements qui en découle portent atteinte à plusieurs droits et libertés protégés par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés.

Plusieurs droits bafoués

Selon un avis juridique en Nouvelle-Écosse réalisé en 2019 par un ancien juge en chef de la Cour d'appel de cette province, les interpellations (street checks) interfèrent avec le droit à la liberté – c’est-à-dire être laissé-e seul-e, libre de toute ingérence indue de l’État – et à la liberté de circulation[1].

Les interpellations mettent aussi à mal le droit à la vie privée et le droit à l’anonymat. En 2014, la Cour suprême a déclaré que même dans les lieux publics, toute personne conserve un droit à l’anonymat, une composante essentielle du droit à la vie privée[2].

Les interpellations compromettent aussi le droit à la protection contre les détentions arbitraires – qui vise à protéger la liberté individuelle contre l’ingérence injustifiée de l’État.

Les droits de toute personne interpellée par la police sont bafoués.

Personne à risque de se faire interpellée

Le droit à l’égalité également bafoué

Le droit à l’égalité - et à la protection contre la discrimination - des personnes racisées, autochtones et marginalisées est également bafoué, parce qu’elles sont particulièrement visées par les interpellations policières. Il s’agit là de profilages racial et social (voir Question 5).

Le profilage racial et social entraîne de nombreuses conséquences tant individuelles que collectives et familiales sur les populations visées :

Plusieurs jeunes racisé-e-s visé-e-s par les interpellations « se sont résigné-e-s à la réalité de l’intrusion policière, se sont retiré-e-s des espaces publics ou n’ont plus accepté de coopérer avec la police[3]»;

Des personnes en situation d’itinérance et des travailleuses du sexe évitent certains lieux par crainte des forces policières, ce qui met leur sécurité à risque;

Certain-e-s déménagent et changent de ville dans l’espoir d’être moins harcelé-e-s par les policiers;

Plusieurs parents anticipent que leurs enfants racisé-e-s feront l’objet de profilage de la part des policiers et leur enseignent des règles de vigilance.

Des études ont démontré que les personnes racisées et autochtones sont sur-interpellées comparativement aux personnes blanches. Les conséquences des interpellations à répétitions sont multiples, comme l’affirme la Cour suprême :

L’effet des interventions policières excessives à l’égard des minorités raciales et du fichage des membres de ces collectivités, en l’absence de tout soupçon raisonnable de la tenue d’une activité criminelle, constitue plus qu’un simple désagrément. Le fichage a un effet néfaste sur la santé physique et mentale des personnes visées et a une incidence sur leurs possibilités d’emploi et d’éducation (rapport Tulloch, p. 45). Cette pratique contribue à l’exclusion sociale continue des minorités raciales, favorise une perte de confiance dans l’équité du système de justice pénale et perpétue la criminalisation […] [4]

Des violations de droits injustifiées

Certaines atteintes aux droits et libertés peuvent être justifiées, mais dans certaines circonstances seulement. C’est l’État qui a l’obligation de démontrer qu’une atteinte est justifiée, en vertu de la common law ou des chartes.

Pour la Ligue des droits et libertés, les atteintes aux droits et libertés des personnes interpellées ne peuvent être justifiées puisque, entre autres, les interpellations ne sont pas une pratique raisonnablement nécessaire pour assurer la sécurité publique (voir Question 7).

NOTRE POSITION

Pour l'interdiction des interpellations policières par le gouvernement du Québec.

Références

[1] Nova Scotia Human Rights Commission, Independant Legal Opinion on Street Checks, J. Michael MacDonald et Jennifer Taylor, 2019.

[2] R. c. Spencer, 2014 CSC 43.

[3] MTL Sans Profilage, Le profilage racial dans les pratiques policières, Points de vue et expériences de jeunes racisés à Montréal, Rapport de recherche, 2018.

[4] R. c. Le, 2019 CSC 34, par. 95. Voir aussi : Tulloch, Rapport de l’examen indépendant des contrôles de routine, Ontario, 2018.