Chronique métropolitaine : lors d’une panne de métro, certains ont les pieds plus mouillés que d’autres

Lucie Lamarche partage ses réflexions in situ ; une étude de cas convaincante pour le principe de l’interdépendance des droits humains.

Un carnet rédigé par
Me Lucie Lamarche, professeure en sciences juridiques à l’UQÀM et militante à la LDL

Cette tribune permet d’aborder des sujets d’actualité qui sont en lien avec les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde. Les carnets sont rédigés par des militant-e-s des droits humains et n’engagent que leurs auteurs et autrices.


Je voyageais le mardi 13 septembre vers 17 h sur la ligne orange de la Société de transport de Montréal (STM). Je devais compléter un petit saut de quelques stations vers le nord. Grand ralentissement à partir de la station Berri-UQÀM et apprit-on, entassés comme de pauvres sardines manquant d’eau fraîche, panne totale à partir de la station Crémazie. On connait maintenant les causes de cet arrêt prolongé : orages soudains et inondations.

N’étant pas de celle qui manipule frénétiquement son téléphone en toutes circonstances, j’observais, je l’avoue, mes ami-e-s. d’infortune. Le temps filait. On pensait à ses enfants à la garderie ou à l’école ou encore au cours de judo pour lequel le plus jeune de la famille attendait papa ou maman à la maison. Il y avait de la panique dans l’air. De précieuses minutes filaient dans une atmosphère d’impuissance. Il restait… le téléphone.

Fait encore plus intéressant, et cette observation n’est pas du tout scientifique, plus on allait péniblement vers le nord, plus la composition du wagon se racisait. On commençait à comprendre qui aurait les pieds plus mouillés que d’autres, au sens propre et figuré. L’arrivée dans le quartier Saint-Michel, par exemple, était un lointain mirage.

Voici, me suis-je dit en pédagogue égoïste, une étude de cas convaincante pour le principe de l’interdépendance des droits humains : je travaille loin; je vis loin; je dépends du transport en commun et, ce qui n’est pas un hasard, j’appartiens à un groupe vulnérable de la population montréalaise … ou lavalloise. J’ai les pieds dans l’eau…

Voici aussi, me suis-je encore dit, une triste représentation des enjeux de racisme systémique. Qui sera en retard à la garderie ? Qui ajoute à sa peine quotidienne ?

J’entendais ce matin à la radio un météorologue expliquer les insuffisances et la vétusté des systèmes d’égouttement des eaux de pluie à Montréal de même les effets du ruissellement des eaux usées lors d’orages intenses et soudains. Nous ne sommes pas à niveau. Mais selon le gouvernement, les contribuables n’ont pas à mettre la main à la poche pour de telles raisons. C’est un problème local !

J’ai appris, faisant la sardine dans le métro, que les changements climatiques et leurs manifestations ont une relation intime avec les violations de droits humains. De toute évidence, j’avais les pieds moins mouillés que bien d’autres.

J’en conclus qu’il n’est pas nécessaire d’aller au bout du monde pour se convaincre de l’intime relation entre la crise des changements climatiques et les violations des droits humains. Et qu’on ne réglera pas l’affaire en s’achetant des bottes de pluie…