PL 31 – Un coup bas pour le droit au logement

Les impacts du projet de loi 31 sont multiples et vastes, puisque des reculs dans le droit au logement se traduisent également par des reculs ou dénis d’autres droits humains.

Le contexte

Le 9 juin 2023, dernier jour de la session parlementaire à l’Assemblée nationale, la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau a déposé le projet de loi no 31 Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation, changeant notamment des dispositions en lien avec les évictions et les cessions de baux.

Cette proposition législative survient dans le contexte de la crise du logement, crise qui s’aggrave depuis de nombreuses années et révèle sans relâche que les dispositions législatives font défaut pour assurer aux personnes locataires le respect du droit au logement. La cession de bail semble être l’un des derniers leviers permettant de protéger l’accessibilité des logements. Avec le PL31, les propriétaires auraient la possibilité de refuser la cession de bail même en l’absence d’un motif sérieux, ainsi que la possibilité de résilier un bail à la suite d’une proposition de cession de bail formulée par le locataire. Ces changements annoncent des effets dévastateurs pour l’accès des locataires à des logements.

Le droit au logement

Pourtant, le droit au logement est consacré dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) auquel le Québec a adhéré. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à l’article 45, consacre implicitement le droit au logement: « Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d’assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent ».

Le Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels affirme que « le coût financier du logement pour les individus ou les ménages devrait se situer à un niveau qui ne menace ni ne compromet la satisfaction d’autres besoins fondamentaux », ce qui implique de mettre en place des dispositions législatives permettant de maintenir des coûts abordables pour les logements. À cet égard, soulignons que les mesures fiscales telles que les crédits d’impôt pour les locataires à faible revenu envisagés par la ministre Duranceau, ne suffisent pas à assurer le droit au logement. Elles participent au contraire à la fiscalisation de la protection sociale, liant la protection sociale aux revenus des individus plutôt que d’intervenir sur les causes des inégalités sociales et de la précarité sur le plan collectif.

Les responsabilités de l’État québécois

Est-ce que le gouvernement du Québec a mesuré les impacts de ce projet de loi sur les titulaires de droits, en plein crise du logement qui plus est? Les impacts du PL 31 sont multiples et vastes, puisque des reculs dans le droit au logement se traduisent également par des reculs ou dénis d’autres droits humains.

À quelques jours de la date charnière du 1er juillet pour de nombreux ménages, la Ligue des droits et libertés rappelle à l’État québécois ses responsabilités en matière de droits humains. En effet, il lui incombe de respecter les droits (s’abstenir de les bafouer) mais également de les protéger, en empêchant que d’autres les bafouent, et de les mettre en œuvre, en établissant de nouvelles politiques et législations allant dans le sens de la pleine réalisation du droit au logement.

Le PL31 ne semble pas tenir compte de la dimension des droits humains et du droit au logement en particulier, et alarme à juste titre les groupes œuvrant à la défense des droits des locataires. La LDL suivra avec attention les mobilisations et débats entourant le PL31 au cours des prochains mois.