Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate
Établissements de détention au Québec (prisons)
À l’approche des fêtes, des organisations communautaires préoccupées par les bris de services et les atteintes aux droits
Montréal, le 20 décembre 2023 – Alter Justice, la Ligue des droits et libertés et Relais Famille sont préoccupées par les conditions difficiles dans lesquelles se retrouvent les personnes incarcérées et leurs proches à la veille du temps des fêtes. L’accès réduit aux visites, le confinement prolongé en cellule et les risques suicidaires accrus sont des problématiques persistantes dont les effets sont d’autant plus manifestes durant cette période.
La justification inacceptable du manque de personnel
Pour justifier ces conditions difficiles et ces atteintes aux droits des personnes incarcérées et de leurs proches, le gouvernement du Québec et les autorités correctionnelles invoquent surtout le manque de personnel dans les établissements de détention. Bien qu’il existe un problème de pénurie de main d’œuvre dans les services publics au Québec, amplifié depuis la pandémie de COVID-19, il demeure que les autorités politiques et correctionnelles ont des obligations et des responsabilités à respecter en tout temps à l’égard des personnes incarcérées. Le Protecteur du citoyen rappelle d’ailleurs dans son rapport annuel 2022-2023 que « le manque de personnel ne peut devenir l’excuse toute trouvée pour légitimer des lacunes et des atteintes aux droits ».
Visites annulées pour les familles
En dehors de la période des fêtes, le processus requis pour visiter un proche incarcéré est déjà laborieux, l’attente pour une confirmation étant longue (pouvant aller jusqu’à 6 semaines) et les annulations de dernière minute, voire de dernière seconde, sont monnaie courante. Pour ces mères, ces pères, ces conjoint-e-s ou même ces enfants de personnes incarcérées, il n’est pas rare de se voir refuser l’accès à leur visite à la porte de l’établissement de détention après plus d’une heure de route, voire plusieurs heures.
« Ce n’est pas normal qu’une mère de famille ait à se battre avec la prison où son conjoint est incarcéré pour lui apporter des vêtements et lui rendre visite. Durant ce temps, ce dernier n’a accès à aucun vêtement de rechange, et cela peut durer jusqu’à plus de trois semaines, une fois la visite acceptée. C’est encore moins normal qu’elle se fasse retourner chez elle après 1 h 50 de route, en ayant dû payer une gardienne pour s’occuper de ses enfants. Tout ça, selon la prison, en raison d’un manque de personnel. Les coûts pour les familles sont immenses, mais qui se préoccupe de ce qu’elles vivent? » affirme Sophie Maury, directrice de Relais Famille.
Confinement cellulaire prolongé et coupures de services
Les personnes incarcérées dans les prisons du Québec sont fréquemment confinées en cellule pour de très longues périodes pouvant aller de 18 h à 24 h par jour, pendant plusieurs jours consécutifs. Ces pratiques normalisées et injustifiées de confinement prolongé entraînent des conséquences négatives sur la santé mentale et physique des personnes. À cela s’ajoutent des coupures à des services (accès aux douches, aux téléphones, aux formations, aux activités sportives, etc.) qui sont pourtant nécessaires pour répondre aux besoins des personnes incarcérées. Le manque de personnel invoqué ne peut aucunement justifier que les droits des personnes incarcérées soient bafoués.
« Nous craignons que ces problématiques soient exacerbées durant la période des fêtes, au cours de laquelle les établissements invoquent un manque de personnel pour se dédouaner. L’État détient ces personnes et est responsable de s’assurer que leurs droits soient respectés » ajoute Daniel Poulin-Gallant, directeur d’Alter Justice.
Période à risque
Il est établi que les prisons sont des milieux à risque suicidaire élevé. Les personnes incarcérées sont sept fois plus à risque de passer à l’acte que la population générale. En raison d’un recours accru au confinement en cellule, d’un manque de contacts significatifs avec leurs proches et le peu, voire l’inexistence, d’activités proposées pendant le temps des fêtes, il est raisonnable de craindre une exacerbation de la détresse vécue par les personnes incarcérées pendant cette période.
« Les autorités carcérales ont l’obligation de respecter les droits des personnes incarcérées. Puisque les autorités ne le font pas, en prétextant un manque de personnel, pourquoi le gouvernement ne considère-t-il pas d’établir un plan de réduction du recours à l’incarcération au Québec? » conclut Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés.
Faits saillants
Rapport annuel 2022-2023 du Protecteur du citoyen : https://protecteurducitoyen.qc.ca/fr/enquetes/rapports-annuels/2022-2023
Les familles de personnes incarcérées ont la charge de fournir des vêtements et de l’argent pour la cantine, si une personne n’a pas d’argent à son entrée en centre de détention ou n’a pas accès à l’un des rares petits boulots disponibles dans sa prison.
Le confinement cellulaire prolongé de 18 h à 24 h par jour est en rupture avec les régimes de vie réguliers des établissements de détention du Québec. Par exemple, le document intitulé « régime de vie » de l’établissement Rivière-des-Prairies prévoit normalement qu’une personne incarcérée peut sortir de sa cellule entre 8 h et 22 h 30 pour des repas, des activités, des visites, des appels téléphoniques, et du temps dans la cour extérieure. La période normale durant laquelle les portes de sa cellule sont verrouillées pendant la nuit est d’une durée d’environ 9 h 30.
Selon les données publiées par le ministère de la Sécurité publique du Québec colligées dans un rapport préliminaire, à paraître en 2024, de chercheuses de l’UQAM sur les décès en détention, les tentatives ou passages à l’acte suicidaires sont en forte hausse depuis 2018-2019. On en recense 76 pour l’année 2021-2022 uniquement dans l’ensemble des établissements de détention du Québec.
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À propos d’Alter Justice
Alter Justice est un organisme à but non lucratif qui offre divers programmes d’intervention, d’information et de soutien à l’intention des personnes touchées par la judiciarisation et la détention dans un établissement correctionnel du Québec. L’organisme intervient principalement auprès des personnes judiciarisées et leurs proches afin de leur offrir de l’information vulgarisée sur le fonctionnement du système correctionnel québécois, sur les droits et obligations en milieu carcéral, le casier judiciaire et la suspension du casier judiciaire (demande de pardon).
À propos de la Ligue des droits et libertés
Depuis 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) a influencé plusieurs politiques gouvernementales et projets de loi en plus de contribuer à la création d’institutions vouées à la défense et la promotion des droits humains. Elle intervient régulièrement dans l’espace public pour porter des revendications et dénoncer des violations de droits auprès des instances gouvernementales sur la scène locale, nationale ou internationale. Son travail d’analyse, de sensibilisation et de promotion est primordial pour que les droits humains deviennent la voie à suivre vers une société juste et inclusive, pour tous et toutes. Comme organisme sans but lucratif, indépendant et non partisan, la LDL vise à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’homme.
À propos Relais Famille
Fondé en 1998, Relais Famille est un organisme à but non lucratif qui a pour mission d’accompagner et soutenir les familles et les proches des personnes incarcérées, en instance d’incarcération ou en libération à la suite d’un emprisonnement. Nous sensibilisons la communauté et les instances gouvernementales à l’impact de l’incarcération sur les familles.
Pour informations et entrevues :
Elisabeth Dupuis, Responsable des communications de la Ligue des droits et libertés
Cellulaire : (514) 715-7727