De très longs délais

Texte complémentaire du rapport Regards critiques sur les trois premières années d’activité du Bureau des enquêtes indépendantes 

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Sous le signe du retard

Alors qu’en 1990 l’Ontario créait l’Unité des enquêtes spéciales (UES), il a fallu attendre 23 ans avant que l’Assemblée nationale n’emboîte le pas, le 9 mai 2013, en adoptant le projet de loi 12 prévoyant la mise sur pied du BEI. La mise en opération du BEI a par la suite accumulée d’importants retards. Il a en effet fallu attendre trois autres années avant que le BEI ne soit en mesure de mener sa première enquête indépendante, le 27 juin 2016.

La création du BEI ne s’est pas seulement faite dans la lenteur; l’ensemble de ses activités semblent marquées sous le signe du retard, trois ans après qu’il soit devenu opérationnel. Qu’il s’agisse du délai pour que le BEI soit avisé d’un incident relevant de sa juridiction d’enquête, du délai pour que le BEI dépêche ses enquêteurs sur la scène d’incident ou encore du délai pour compléter ses enquêtes indépendantes, l’ampleur du temps écoulé soulève de sérieuses questions sur le niveau de performance de cet organisme public.

Notons que les quatre rapports annuels produits par le BEI jusqu’à présent ne contiennent pas de données sur les délais associés aux différentes activités de ce corps de police spécialisé. Ce qui, en soi, constitue une anomalie. Il suffit de jeter un œil sur les rapports annuels d’autres organismes provinciaux dotés de pouvoirs d’enquête pour le constater.

Ainsi, les rapports annuels du Commissaire à la déontologie policière contiennent des données sur le délai moyen des enquêtes, le délai moyen de conciliation et le délai moyen de traitement des plaintes. On retrouve également ce type d’informations dans les rapports annuels de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et de la Commission d’accès à l’information.

Si nous sommes en mesure d’accompagner le présent texte de tableaux illustrant les divers degrés de performance – ou de sous-performance – du BEI, c’est parce que nous avons-nous-mêmes compilé des données à partir des brides d’informations que le BEI a bien voulu inclure dans ses communiqués.

Ces différents tableaux démontrent l’existence de retards importants dans la notification de l’incident au BEI et l’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène d’incident. La durée des enquêtes indépendantes, mais aussi celle du processus décisionnel du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), soulève également des questions sur la performance du BEI.

Prendre du retard

Peu après son entrée en fonction, la directrice du BEI, Mme Madeleine Giauque, a voulu se montrer rassurante quant aux délais que nécessiteront les enquêtes indépendantes menées par son organisme.

« Si, dans une année, il y a 10 enquêtes indépendantes de déclenchées – moi, il est prévu que j’aie 18 enquêteurs –, ça ne leur prendra pas un an pour enquêter sur 10 événements », a-t-elle affirmé à une journaliste de La Presse, en février 2015.[1]

Comme l’a expliqué Mme Giauque durant son témoignage à la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (CERP), le 19 octobre 2018, les choses ne se sont pas tout à fait déroulées comme prévu :

La première année, on a… on a envoyé zéro dossier au DPCP. C’est… on a eu à se bâtir une forme de rapport, on a eu à se bâtir une procédure de rédaction de rapport, d’analyse d’enquête, on a eu… Alors, même si on a travaillé sur les rapports pendant cette année-là, je suis assez intransigeante sur la qualité des rapports. Disons ça comme ça. Pour avoir été Procureure de la Couronne pendant trente ans, j’en ai vu des rapports policiers, je peux vous dire que je sais très bien ce que j’aime, mais je sais surtout ce que je n’aime pas. Il était hors de question que les rapports du BEI soient envoyés au DPCP d’une façon qui ne me convenait pas.

Alors la première année là, ç’a été… puis je dois vous dire aussi qu’on n’avait pas beaucoup de personnel et qu’on était… les enquêtes, c’était une après l’autre. Alors, ç’a été… on a pris beaucoup de retard la première année.[2]

Il semble toutefois que la directrice du BEI ne raconte pas tout. Les retards dans la rédaction des rapports des enquêteurs s’expliqueraient aussi par une exigence plutôt insolite formulée par Mme Giauque elle-même, selon ce qu’a appris Tracy Wing, la mère de Riley Fairholm, abattu par la Sûreté du Québec (SQ) à Lac-Brome, le 25 juillet 2018 :

[Traduction] Un des enquêteurs de BEI m’a dit chaque fois que j’envoyais… nous envoyons un rapport à notre chef, la directrice, maître Giauque, qu’elle nous le renvoie sans cesse et nous demande de trouver des synonymes pour des mots vulgaires. Alors… je suppose qu’elle n’aime pas quand ils disent la vérité.[3]

Un an après la mise en opération du BEI, Radio-Canada rapportait que quarante-deux des quarante-neuf enquêtes indépendantes déclenchées durant les douze derniers mois étaient toujours en cours. Ainsi, seulement sept enquêtes indépendantes avaient été complétées[4].

Bien que le « Plan stratégique 2018-2020 » du BEI, déposé en mars 2018, nomme « l’efficacité » à titre d’enjeux organisationnel, le document reste totalement muet sur la question des délais avec lesquelles l’organisme s’acquitte de ses fonctions.

Le rapport BEI sur ses trois premières années d’opération esquive également la problématique des délais. « Il est impossible de dire qu’après trois ans d’activités, le BEI a atteint sa vitesse de croisière[5] », s’est contenté d’écrire l’auteure du rapport, Mme Giauque.

Durant son témoignage à la CERP, Mme Giauque a tenté de défendre la performance de son organisme. « On a pris beaucoup de retard la première année, retard qu’on a beaucoup beaucoup beaucoup rattrapés au cours de la deuxième année », affirme-t-elle, ajoutant :

Et là, je vous dirais que, on est… c’est très bien là. Actuellement, il y a des dossiers de 2018 qui ont déjà… dont les rapports ont déjà été envoyés au DPCP. Le DPCP me semble avoir fait un effort majeur aussi parce que, dans plusieurs dossiers, deux ou trois mois après qu’on leur ait envoyé le dossier, ils ont rendu leur décision. Alors les délais… diminuent beaucoup.

Et, oui, nous on est préoccupés par les délais, on s’est même fait récemment ce qu’on a appelé un test-case au bureau, à savoir, bon, le dossier arrive tel jour, ça va nous prendre combien de temps pour nous rendre… pour nous rendre au bout de l’enquête, être capable de donner le dossier au DPCP. Puis on s’est donné un délai maximal de six mois.[6]

Mme Giauque a de plus plaidé que le BEI dépend d’autres organismes :

Ça peut sembler long, mais vous devez comprendre qu’au niveau des expertises, on n’a pas nécessairement l’expertise dans la semaine qui suit.

Souvent, c’est beaucoup plus long, les expertises balistiques, le laboratoire nous envoie les rapports plus tard et tout ça, alors nous, il faut qu’on attende d’avoir l’ensemble du dossier pour pouvoir l’envoyer au DPCP; parce que c’est des éléments qui sont importants.

Alors, les rapports d’autopsie, les rapports… il y a plein de choses là, qu’on attend à ce niveau-là.[7]

Chose certaine, le rôle du DPCP apparaît négligeable au chapitre des délais. En effet, dans son rapport sur ses trois premières années d’opération, le BEI révélait qu’en date du 8 juillet 2019, le DPCP avait demandé seulement trois compléments d’enquêtes[8]. Lorsque le BEI doit fournir un complément d’enquête au DPCP, cela a naturellement pour effet de rendre le processus plus long. Un nombre élevé de compléments d’enquête aurait pu expliquer, du moins en partie, la longueur des délais pour clore les dossiers d’enquête indépendante. Ce n’est pas le cas ici.

Si Mme Giauque s’est dites d’avis « qu’un délai de six mois est correct[9] » lors de son témoignage à la CERP, le BEI semblait toutefois avoir changé son fusil d’épaule six mois plus tard. En effet, la « Déclaration de services aux citoyens du BEI », publiée le 11 mars 2019, ne parle plus d’un délai de six mois :

Le BEI s’engage à transmettre au moins 70% de ses rapports au DPCP dans un délai de neuf mois suivant le déclenchement d’une enquête indépendante. Compte tenu de leurs particularités et de leur complexité, certaines enquêtes exigent des délais plus importants.

La Presse rapportait cependant en juin 2019 que les délais de traitement des dossiers font grincer des dents dans certains corps policiers. « Des enquêtes indépendantes dans des dossiers simples, ça peut prendre jusqu’à deux ans[10] », se plaint un policier sous le couvert de l’anonymat.

Puis, en août 2019, le même quotidien rapportait que la Fraternité des policiers et policières de Montréal (FPPM), l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ) et la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ) dénonçaient à l’unisson la longueur « inacceptable » des enquêtes du BEI[11].

« C’est inadmissible de laisser aussi longtemps pendre une épée de Damoclès au-dessus de la tête d’un policier », s’insurge Yves Francoeur de la FPPM, en soulignant que de nombreuses enquêtes présentement effectuées par le BEI portent, selon lui, sur « des cas flagrants et faciles ».

« Le BEI existe seulement depuis trois ans. Il faut lui donner du temps afin qu’il atteigne sa vitesse de croisière », a réagi Jean-François Del Torchio, directeur des communications de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.

Une réponse loin de satisfaire les trois groupes de pression policiers, lesquels réclament que le gouvernement du Québec impose une limite de temps à la durée des enquêtes du BEI. L’APPQ se disait prête à accepter un délai maximal de six mois, tandis que la FPPM a exigé que les enquêtes ne dépassent pas 120 jours, en s’inspirant de l’Ontario.

En effet, l’article 35 de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales prévoit que l’UES doit s’efforcer de terminer son enquête au plus tard 120 jours après son déclenchement. « Si les Ontariens sont capables de le faire, pourquoi ne le serions-nous pas aussi ? », de commenter François Lemay, le nouveau président de la FPMQ.

Ce que le dit le lobby policier ne dit toutefois pas, c’est que la loi ontarienne – qui n’avait pas encore été promulguée au moment de la parution de l’article de La Presse – mentionne aussi que le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES), l’équivalent du BEI en Ontario, doit faire une déclaration publique à tous les 30 jours lorsque le délai de 120 jours est expiré, sauf dans les cas où « cela risquerait de compromettre l’intégrité de l’enquête ».

Autrement dit, le non-respect du délai de 120 jours entrainerait pour seule conséquence que le directeur de l’UES fournisse des explications au public.

Ce qui, selon nous, est un plus en terme de transparence. Le public, et surtout, les proches des victimes, sont en effet en droit de connaître pourquoi elles doivent attendre pendant plus d’un an, souvent même plus, avant de savoir si les policiers impliqués dans un événement ayant entrainé la mort ou des blessures graves devront répondre de leurs actes devant les tribunaux.

Comparer l’avant et l’après

Cela dit, les délais pour compléter tant l’enquête indépendante que le processus décisionnel du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) se sont-ils améliorés ou ont-ils plutôt empirés depuis la mise en opération du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) ?

Afin de répondre à cette question, nous avons d’abord colligé des données statistiques sur la durée des enquêtes indépendantes du BEI et le temps que prend le DPCP pour rendre une décision relativement à la conduite de policiers impliqués dans un événement faisant l’objet d’une enquête indépendante.

Puis, nous avons obtenu via l’accès à l’information des données sur ces deux processus pour les années 2014, 2015 et les six premiers mois de 2016 couvrant la période précédant la mise en opération du BEI, soit l’époque où les enquêtes indépendantes étaient menées par la Sûreté du Québec (SQ), le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).

On ignore cependant, au moment d’écrire ces lignes, si dans certains cas, le DPCP a exigé un complément d’enquête aux organismes ayant effectué l’enquête, ce qui aurait eu pour effet d’accroître les délais. Le DPCP a en effet refusé de fournir cette information en réponse à des demandes d’accès portant tant sur les enquêtes du BEI que celles menées avant que celui-ci n’entre en opération.

Cela étant, cette collecte de données nous a permis d’établir que :

  • La durée moyenne de la totalité des enquêtes indépendantes menées entre le 1er janvier 2014 et le 26 juin 2016 était de 179 jours, soit 144 jours pour la SQ (54 dossiers), 140 jours pour le SPVM (19 dossiers) et 345 jours pour le SPVQ (16 dossiers) ;
  • La durée moyenne du processus décisionnel effectué au DPCP pour les enquêtes indépendantes menées durant cette même période était de 182 jours;
  • En cumulant la durée moyenne de la totalité des enquêtes indépendantes à celles du processus décisionnel du DPCP, on en arrive à un délai moyen total de 321 jours durant les deux années et demi précédent la mise en opération du BEI;
  • La durée moyenne de la totalité des 102 enquêtes indépendantes du BEI dans lesquels le DPCP avait rendu une décision s’établit à 370 jours;
  • La durée moyenne du processus décisionnel effectué au DPCP pour les enquêtes indépendantes du BEI qui étaient complétées en pareille date était de 182 jours;
  • En cumulant la durée moyenne de la totalité des enquêtes indépendantes du BEI qui étaient complétées en pareille date à celles du processus décisionnel du DPCP, on en arrive à une moyenne de 552 jours.

***

(voir les tableaux détaillant les données en annexe)

Cet exercice nous permet de confirmer que les délais sont en effet plus longs depuis la mise en opération du BEI. Encore une fois, des explications de la part du BEI et du DPCP seraient plus que les bienvenues.

Il convient toutefois de noter que la différence entre la durée moyenne des enquêtes indépendantes du BEI et du SPVQ n’est pas particulièrement grande : on parle de seulement une vingtaine de journées.

24h sur 24, 7 jours sur 7

Plus de trois ans après la première enquête indépendante du BEI, force est de constater que la performance de l’organisme dirigé par Mme Giauque continue grandement à laisser à désirer en matière de délais en tous genres.

L’importance de la célérité est pourtant un élément est reconnu depuis longtemps en matière d’enquêtes indépendantes.

Ainsi, à l’époque où la police enquêtait sur la police en vertu d’une politique ministérielle, le Guide de pratiques policières émanant du ministère de la Sécurité publique énonçait ce qui suit à la section « 2.3.12 Décès à l’occasion d’une intervention policière ou durant la détention », en 1995 :

C.4 Le directeur du service de police impliqué ou son représentant :

a) avise immédiatement le service de police désigné afin que l’enquête soit entreprise sans délai ;

b) avise le ministère de la Sécurité publique en informant, dans l’heure qui suit l’événement, et ce, par téléphone et aussi par écrit via les télécopieurs, une des personnes suivantes :

  • Bureau du sous-ministre associé […]
  • Sous-ministre associé à la Direction générale des affaires policières, de la prévention et des services de sécurité […] [nous soulignons]

Puis, lorsque le projet de loi 12 a été adopté, la Loi sur la police a été amendée pour y inclure l’article suivant :

289.2. Le directeur du corps de police responsable de l’intervention ou de la détention doit, sans délai, informer le ministre de tout événement visé à l’article 289.1. Il informe également les affaires internes de ce corps de police.

Dès qu’il est informé d’un tel événement, le ministre charge le Bureau des enquêtes indépendantes institué en vertu de l’article 289.5 de mener l’enquête afin d’en assurer l’impartialité [nous soulignons].

Lorsque le BEI est devenu opérationnel, le 27 juin 2016, le Centre des opérations gouvernementales du ministère de la Sécurité publique a mis une ligne téléphonique permettant « en tout temps » aux corps policiers québécois de signaler un événement relevant de la juridiction du nouvel organisme[12]. Le gouvernement a ainsi voulu donner les moyens aux corps policiers québécois de remplir leur obligation légale d’aviser le ministère « sans délai ».

Le Service de police de la Ville de Sherbrooke semble toutefois avoir une interprétation plutôt élastique de l’expression « sans délai ».

« Il incombe à tout directeur d’un corps de police ou son représentant d’aviser le ministère de la Sécurité publique d’un événement comme ceux cité en objet, en informant, dans l’heure qui suit[13] », lit-on en effet dans la politique interne de ce corps policier.[14]

Aviser le ministère dans « l’heure qui suit » n’est évidemment pas la même chose que de le faire « sans délai » comme le prévoit la loi.

Le 14 février 2018, l’article 289.2 de la Loi sur la police a été modifié pour se lire ainsi :

289.2. Le directeur du corps de police responsable de l’intervention ou de la détention doit, sans délai, informer le Bureau de tout événement visé à l’article 289.1. Il informe également les affaires internes de ce corps de police [nous soulignons].

L’intention du législateur se résumait à réduire les délais opérationnels. « La notification va se faire directement au Bureau des enquêtes indépendantes pour qu’il n’y ait aucun délai dans le déclenchement des opérations », expliquait le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Martin Coiteux, en commission parlementaire[15].

« Quand un événement se produit, le directeur du corps de police appelle une ligne prévue au BEI spécialement pour ça – qui est ouverte, évidemment, vingt-quatre (24) heures par jour, sept (7) jours par semaine, trois cent soixante-cinq (365) jours par année », d’expliquer Mme Giauque durant son témoignage à la CERP[16].

La procédure de notification a donc été réduite à sa simple expression : le directeur du corps de police impliqué, ou l’un de ses représentants, n’a qu’à faire un seul coup de téléphone pour que la mécanique de l’enquête indépendante du BEI se mette en branle.

Du sabotage pur et simple

Ces exigences en matière de promptitude vont de pair avec l’efficacité des enquêtes indépendantes.

Comme l’observait la Protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, dans son rapport d’enquête spécial sur la politique ministérielle :

De plus, les enquêtes menées sur des incidents graves impliquant des policiers exigent une intervention rapide des enquêteurs responsables. L’efficacité de leur intervention sur le terrain et le délai dans lequel ils amorcent l’enquête sont des éléments importants à considérer pour garantir la crédibilité d’une enquête. La capacité de dépêcher des enquêteurs rapidement sur la scène d’un incident peut être déterminante pour le résultat de l’enquête. Les preuves peuvent disparaître ou se corrompre dans l’heure suivant l’incident. L’organisme chargé de faire ces enquêtes doit donc pouvoir intervenir rapidement.[17]

« Ce sont les premières 24 heures qui déterminent vraiment comment va se dérouler le reste de l’enquête[18]», de noter Jacques Duchesneau, ex-directeur du SPVM et à l’époque député de St-Jérôme pour la CAQ.

Malheureusement, comme l’illustre le tableau en annexe sur les délais de signalement d’incidents au BEI, il n’est pas rare que plusieurs heures s’écoulent entre le moment de l’incident et celui où le BEI est avisé.

Toutefois, le manque de transparence du BEI nous empêche de brosser un portrait complet de la situation relativement aux délais de signalement d’incidents.

En effet, en date du 6 février 2020, nous avons pu compilé l’heure de signalement pour 87 dossiers, ce qui représente 56% des 156 enquêtes indépendantes déclenchées depuis le 27 juin 2016. Pourtant, le BEI connait cette information depuis le tout début, puisque c’est le signalement lui-même qui déclenche l’enquête.

Or, le BEI s’est donné pour pratique d’attendre que le DPCP rende sa décision avant de divulguer l’heure de signalement de l’incident dans un communiqué dressant le bilan du déroulement de l’enquête. Comme on l’a vu, le délai moyen est d’environ 18 mois avant de savoir si des accusations seront portées ou non. Il faut donc attendre plus d’une année que le BEI ne daigne dire à quelle heure précise il a été informé d’un incident relevant de sa juridiction d’enquête.

Mais ce n’est pas tout : il y a même des cas où le BEI s’abstient de publier le communiqué sur le bilan du déroulement de l’enquête malgré le fait que le DPCP ait décidé de ne retenir accusation contre le policier impliqué. En effet, le BEI retient l’information sur l’heure de signalement lorsque l’enquête parallèle débouche sur une accusation contre le civil impliqué dans l’incident, et ce, jusqu’à ces procédures judiciaires soient terminées, ce qui peut prendre on ne sait trop combien de temps.

En date du 27 novembre 2019, cette situation prévalait dans vingt-huit dossiers du BEI, dont trois ont été ouverts en 2016 et sont donc vieux de plus de trois ans[19].

À cela s’ajoute le fait que l’heure de signalement a été omise dans le communiqué sur le bilan du déroulement de l’enquête dans deux dossiers remontant à 2016, et ce, sans que le BEI ne fournisse d’explication[20].

Cela dit, nous avons calculé les moyennes des délais de signalement à partir des heures de signalement que le BEI a bien voulu rendre publiques, en excluant toutefois huit dossiers dont les délais ne sont sans commune mesure, soit :

  • 76 457 minutes, ou 53 jours, pour signaler une collision automobile avec un véhicule du Service de police de la Ville de Gatineau survenue le 25 août 2016, à 15h, ayant entrainé l’hospitalisation d’un homme décédé le 17 octobre suivant. Fait à noter, le communiqué du BEI révèle que « cette enquête a été déclenchée à la demande du Bureau du coroner afin de déterminer si les blessures subies par le sujet le 25 août 2016 et qui impliquaient des policiers du SPVG avaient un lien avec son décès »[21];
  • 25 849 minutes, ou 19 jours, pour signaler un événement au terme duquel une dame recherchée par le SPVM a été retrouvée gravement blessée dans une chambre de motel, le 13 mai 2018 ;
  • 3 189 minutes, soit plus de deux jours, pour signaler un décès durant une opération de sauvetage menée entre autres par la SQ à Vaudreuil-Dorion, le 7 mai 2017. Le BEI n’a fourni aucune explication au sujet du délai inhabituel de notification, se contentant d’écrire dans un communiqué que « les obligations des policiers impliqués et du directeur du corps de police impliqué prévues au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes ont été respectées »[22];
  • 2 340 minutes, soit plus de 39 heures, pour signaler un événement lors duquel une femme en crise a été grièvement blessée lors d’une intervention policière à Saint-Marc-sur-Richelieu ;
  • 1 150 minutes, soit près de 19 heures, pour signaler un événement lors duquel un homme que le Corps de police régional Kativik souhaitait appréhender a été trouvé sans vie à Inukjuak, le 16 mars 2018 ;
  • 865 minutes, soit plus de 14 heures, pour signaler une intervention de la SQ lors de laquelle une personne a subi un malaise à Grand-Remous, le 5 mai 2017. Encore une fois, le BEI n’a offert aucune explication concernant le délai de notification[23];
  • 840 minutes, également plus de 14 heures, pour signaler une blessure grave auto-infligée durant une intervention du SPVM, le 1er mars 2018 ;
  • 682 minutes, soit plus de 11 heures, pour signaler un décès survenu lors d’une intervention de la SQ et du Service de police de Lac-Simon à Val-d’Or, le 4 décembre 2016 ;

Excluant ces huit dossiers, la moyenne du délai de signalement au BEI s’établit à 97 minutes, ou près de 1 h 37 (87 événements), pour la période couvrant le 27 juin 2016 au 6 février 2019, soit trois ans et huit mois.

En examinant les délais de signalement pour chacune des trois première années d’opération du BEI, on en arrive à des moyennes de :

  • 1 h 33 pour la seconde moitié de 2016 (13 événements);
  • 1 h 33 minutes pour l’année 2017 (43 événements);
  • 1 h 48 minutes pour l’année 2018 (23 événements).[24]

Bref, rien ne permet de penser que les délais de signalement se raccourcissent avec le temps, bien au contraire.

Nous avons aussi calculé, en date du 27 novembre 2019, les moyennes des trois corps policiers dont les noms reviennent le plus souvent dans les enquêtes indépendantes du BEI, soit la SQ, le SPVM et le Corps de police régional Kativik, ce qui donne :

  • 150 minutes pour la SQ, soit 2h30 (23 dossiers, en excluant l’événement du 7 mai 2017);
  • 112 minutes pour le SPVM, soit près de 2h (11 dossiers, en excluant les événements du 1er mars 2018 et du 13 mai 2018);
  • 85 minutes pour le Corps de police régional Kativik (5 dossiers, en excluant l’événement du 16 mars 2018).

Force est de constater que nous sommes loin du signalement « sans délai » prévu à l’article 289.2 de la Loi sur la police. Malheureusement, les communiqués du BEI dressant le bilan du déroulement de son enquête ne font que se prononcer sur le respect des obligations énoncées au Règlement sur le déroulement des enquêtes indépendantes, en passant systématiquement sous silence la question de savoir si l’obligation stipulée à l’article 289.2 a été rencontrée ou non.

***

Il n’est pas rare non plus que plusieurs heures s’écoulent entre le moment de l’incident et celui où le BEI déploie son équipe d’enquêteurs, comme l’illustre un autre tableau en annexe sur les délais d’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène d’incident.

Encore une fois, le BEI se montre avare dans les données qu’il divulgue à ce sujet : en date du 6 février 2020, l’heure d’arrivée réelle sur la scène d’incident avait été rendue publique pour seulement 85 (54 %) des 146 enquêtes indépendantes déclenchées depuis le 27 juin 2016.

Certes, le BEI fait mention de l’heure d’arrivée prévue des enquêteurs (HAP) dans ses communiqués annonçant la prise d’une enquête. Cependant, ces données sont malheureusement loin d’être fiables puisqu’il n’est pas rare que le communiqué sur le bilan du déroulement de l’enquête révèle un décalage entre l’HAP et l’heure d’arrivée réelle. C’est pourquoi nous avons choisi d’exclure les HAP dans le calcul des moyennes des délais d’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène d’incident

Le délai moyen entre l’heure du signalement de l’incident et l’heure d’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène d’incident sont :

  • pour 2016 : 7 h 36 (14 événements)
  • Moyenne pour 2017 : 5 h 15 (44 événements)
  • Moyenne pour 2018 : 4 h 12 (24 événements)[25]

Il est vrai que le BEI doit couvrir la grandeur du Québec, qui est très vaste. Cela n’explique toutefois pas pourquoi la moyenne du délai d’arrivée des enquêteurs du BEI s’établit à plus de deux heures[26] lorsque la scène d’incident se trouve à Montréal, alors que les bureaux de l’organisme se trouvent à Longueuil.

Voilà qui vient à tout le moins contredire ce que prétend le BEI lorsqu’il affirme dans sa « Déclaration de services aux citoyens » qu’il déploie son équipe d’enquêteurs « sur les lieux de l’événement dans les meilleurs délais, selon l’endroit où s’est produit l’événement ».

Profiter des délais

Dans une lettre adressée au directeur du SPVM, le 6 septembre 2018, la directrice du BEI, Madeleine Giauque, écrit ce qui suit :

Comme vous le savez, l’article 289.2 de la Loi sur la police stipule que le directeur d’un corps de police avise le BEI sans délai lorsque survient un événement sous sa juridiction. Or, au SPVM, il arrive fréquemment que plusieurs heures s’écoulent avant que nous soyons effectivement informés de la situation, même dans les cas où on parle de décès ou de blessures par arme à feu.

D’autres lettres permettent d’apprendre que le SPVM a profité des délais dans l’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène d’incident pour poser des gestes qui constituent, dans plusieurs cas, des actes dérogatoires au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes, et dans d’autres, un empiétement sur la juridiction du BEI :

  • L’omission d’isoler les policiers des uns et des autres – Règl. art. 1(2o) (4o) ;
  • Des policiers qui rédigent ensemble les rapports demandés – Règl. art. 1(2o) ;
  • Des policiers ayant eu accès à la carte d’appel au moment de la rédaction de leur rapport – Règl. art. 1(2o) (4o) ;
  • Des témoins civils qui se voient soutirer une déclaration ;
  • La soumission de déclarations à des enquêteurs du SPVM pour vérification et approbation avant de libérer les témoins ;
  • La remise des compte-rendu écrits par des policiers impliqués aux enquêteurs du SPVM pour vérification.

Les retards dans la notification de l’événement au BEI ont donc permis au SPVM de se livrer à autant de gestes qui devraient être assimilés à des tentatives de sabotage des enquêtes indépendantes.

Procrastination au BEI

Malheureusement, le BEI a lui-même montré peu d’empressement pour dénoncer par écrit ces problématiques au SPVM.

Ainsi, dans sa lettre du 6 septembre 2018, la directrice du BEI a énoncé diverses problématiques apparues dans le cadre d’une enquête indépendante pour un événement survenu 14 mois plus tôt, le 6 juillet 2017.

Dans une autre lettre également adressée au directeur du SPVM, celle-là datée du 19 février 2018, la directrice du BEI fait état de problématiques survenues 8 mois plus tôt, dans le cadre de l’enquête indépendante sur l’intervention ayant coûté la vie à Noam Cohen, le 15 juin 2017.

Des correspondances auprès de directeurs d’autres corps policiers démontrent des délais tout aussi questionnables. La directrice du BEI a attendu 16 mois après l’évènement pour écrire au directeur du Corps de police régional de Kativik et 14 mois après l’évènement pour écrire au directeur de la Sûreté du Québec.

Autre fait troublant, les lettres de la directrice du BEI passent sous silence les délais pour le moins questionnables de notification de l’incident.

Dans sa lettre du 16 janvier 2018 au directeur de la SQ, la directrice du BEI tait le fait que 105 minutes se soient écoulés entre le moment de l’incident du du 15 novembre 2016, lors duquel un citoyen est décédé durant sa détention à St-Joseph-de-Beauce, et celui où le BEI a été avisé.

Dans sa lettre du 23 janvier 2017 au directeur du SPVM, elle ne souffle mot du fait que 74 minutes se soient écoulés entre le moment de l’incident du 6 janvier 2017, lors duquel Jimmy Cloutier a été abattu dans le stationnement de la Mission Old Brewery, et celui où le BEI a été avisé.

Et dans sa lettre du 19 février 2018, également adressée au directeur du SPVM, elle ne fait aucunement mention du fait que 75 minutes se soient écoulés entre le moment de l’incident du 15 juin 2017, lors duquel Noam Cohen est tombé sous les balles du SPVM, et celui où le BEI a été avisé.

Les communiqués émis par le BEI relativement à ces trois événements se montrent tout aussi silencieux à l’égard de l’importance des délais de notification.

Ce silence combiné à la procrastination du BEI risque d’être interprété par les corps de police impliqués comme un manque de volonté de la part du BEI pour faire respecter les obligations en matière de notification prévus par la Loi sur la police.

La problématique des délais de notification n’existe pas qu’au SPVM.

Ainsi, dans un communiqué émis le 12 mars 2019, le BEI annonçait la prise en charge d’une enquête relativement à un incident impliquant la Régie intermunicipale de police Thérèse-De Blainville lors duquel un homme de 84 ans a subi un traumatisme crânien. Or, l’incident est survenu neuf jours plus tôt. Fidèle à lui-même, le BEI n’a fourni aucune explication dans son communiqué au sujet de ce délai de notification inhabituellement long[27].

L’indulgence du Commissaire à la déontologie policière

Une réponse du BEI à une demande d’accès à l’information révèle par ailleurs que le Bureau des enquêtes indépendantes ne semble pas faire de réels efforts pour documenter les motifs de retard dans la notification des incidents. En effet, dans sa réponse, datée du 10 mai 2019, le BEI reconnait qu’il ne détient aucun document en lien avec la demande d’accès. Dans cette même lettre, le BEI a en outre admis ne colliger de statistiques sur le délai pour rencontrer les témoins policiers et les témoins civils.

Or, le délai pour rencontrer des témoins civils peut aussi s’avérer problématique. Mentionnons le cas de l’enquête du BEI sur l’intervention de la Sûreté du Québec qui a coûté la vie au jeune Riley Fairholm, 17 ans, le 25 juillet 2018, au Lac-Brome.

« Certains témoins n’ont été interrogés que plusieurs mois plus tard », révélait Tracy Wing, la mère de l’adolescent, à La Voix de l’Est. Pire encore, le BEI s’est même montré incapable de donner l’heure juste à Mme Wing, en lui affirmant avoir parlé premier répondant sur les lieux, le 3 octobre 2018, ce qui représentait déjà de plus neuf semaines par rapport à la date de l’incident. Or, c’était faux. « Le [BEI] m’a rappelé et ils m’ont dit “vous aviez raison on n’y avait pas parlé‘‘ », rapporte Mme Wing. Dans les faits, le premier répondant a été joint le 9 octobre, soit deux mois et demi après le drame.[28]

Bref, le BEI ne semble pas faire grand cas des retards qui caractérisent tant le déclenchement de ses enquêtes indépendantes que le déroulement de celles-ci. Comme si le BEI répondait au laxisme policier par son propre laxisme.

Et la situation n’est pas partie pour s’améliorer à court terme puisque le Commissaire à la déontologie policière montre également une absence de volonté de sévir à l’endroit des corps policiers démontrant un retard significatif en matière de notification, comme en témoigne une décision rendue le 10 mai 2019 en réponse à une plainte logée contre le SPVM en lien avec l’incident du 6 janvier 2017.

Dans sa décision, le Commissaire écrit ce qui suit :

Le délai de 74 minutes entre l’événement et l’annonce au BEI est confirmé par les notes du lieutenant-détective du SPVM, chargé de l’événement. Selon les informations obtenues, à 14 h 36, il est mentionné sur les ondes radio qu’un homme a été atteint par balle. Le lieutenant-détective a noté le décès de l’homme à 15 h 49 tandis que le déclenchement de l’enquête indépendante s’est fait à 15 h 50. À ce sujet, Me Giauque considère ce délai comme étant très acceptable. Néanmoins, il serait opportun de rappeler au SPVM que le BEI agit en matière de blessures graves et qu’il est inutile d’attendre la confirmation d’un décès avant de contacter le BEI et ainsi prolonger le délai de signalement inutilement.

Ainsi, au lieu de constater que le SPVM n’a pas respecté son obligation en matière de notification, le Commissaire a plutôt choisi de solliciter l’opinion de la directrice du BEI. Or, comme on l’a vu, Mme Giauque juge « très acceptable » le délai de 74 minutes, et ce, alors que l’article 289.2 de la Loi sur la police dit clairement que l’obligation du directeur du corps policier impliqué est d’aviser le BEI « sans délai ».

Par leur aberrante indulgence envers le SPVM, tant le BEI que le Commissaire à la déontologie policière se font les complices lamentables d’une pratique qui n’est rien d’autre qu’une contravention à la Loi sur la police.

Des solutions aux problèmes

La notification d’incidents au BEI ne devrait pas reposer exclusivement sur les épaules du corps de police impliqué.

Le public devrait pouvoir lui-même communiquer avec le BEI pour l’informer de l’existence d’incidents relevant de sa juridiction d’enquête, comme l’ont d’ailleurs recommandé la Protectrice du citoyen,[29] le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale,[30] la Coalition contre la répression et les abus policiers[31] et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse lors des consultations particulières sur les projets de loi 12[32] ou 107.[33]

Ces mêmes organismes[34] ont également recommandé au législateur québécois de reconnaitre à la directrice du BEI le pouvoir d’initier une enquête de sa propre initiative. Les directeurs d’organismes équivalents au BEI en Ontario[35] et en Nouvelle-Écosse[36] jouissent d’ailleurs de cette prérogative.

L’emplacement géographique des bureaux du BEI contribue par ailleurs aux délais, souvent importants, dans l’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène d’incident.

« Le BEI mène des enquêtes sur l’ensemble du territoire québécois. Par contre, il n’a qu’un seul port d’attache, situé à Longueuil en Montérégie. Tous le personnel, y compris celui de l’unité d’enquête, se trouve donc dans la région métropolitaine de Montréal », écrit Mme Giauque dans une lettre déposée en preuve à la CERP.[37]

« Cette structure permet au bureau central de superviser et de gérer les enquêtes, tout en maintenant la souplesse nécessaire pour faire intervenir rapidement, n’importe où dans la province, des enquêteurs résidant plus près du lieu de l’incident », lit-on sur le site web de l’UES.

Recommandations :

  • Que dans le communiqué qui annonce la prise en charge d’une enquête indépendante, le BEI rende publiques systématiquement les informations suivantes : l’heure de l’événement, l’heure de signalement d’un incident et l’heure d’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène de l’incident ;
  • Que le BEI documente et publie des statistiques sur son site Web et dans ses rapports annuels sur les délais de ses enquêtes indépendantes, les signalements d’incidents par les corps de police impli­qués et l’arrivée de ses enquêteurs sur les scènes d’incidents ;
  • Que les directeurs des corps policiers impliqués soient sanctionnés chaque fois qu’ils ne se conforment pas à leur obligation de signaler sans délai un incident relevant de la juridiction du BEI, tel que prévu aux articles 289.2 et 311 de la Loi sur la police ;
  • Que le BEI soit tenu de publier un communiqué détaillant le déroulement de l’enquête indépen­dante dont il est chargé lorsque celle-ci n’est pas complétée dans un délai de six mois suivant l’événement. Qu’il soit tenu de fournir des explications détaillées quant aux raisons pour lesquelles l’enquête n’est pas terminée ;
  • Que le DPCP soit tenu de publier un communiqué lorsque l’analyse d’un rapport d’enquête indépendante du BEI n’est pas complétée dans un délai de trois mois suivant la réception dudit rapport. Qu’il soit tenu de fournir des explications détaillées quant aux raisons pour lesquelles l’analyse n’est pas terminée ;
  • Que le gouvernement du Québec octroie au BEI les ressources financières nécessaires afin que celui-ci ouvre au moins un bureau dans une autre région du Québec dans le but de réduire les délais d’arrivée de ses enquêteurs sur les scènes d’incidents ;
  • Que le BEI se donne des cibles à atteindre dans son plan stratégique pour réduire les délais d’arrivée de ses enquêteurs sur les scènes d’incidents.

 


 

[1] Caroline Touzin, « La lutte aux ripoux fera aussi partie du mandat du Bureau des enquêtes indépendantes », La Presse, 18 février 2015, https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/actualites-judiciaires/201502/18/01-4845135-la-lutte-aux-ripoux-fera-aussi-partie-du-mandat-du-bureau-des-enquetes-independantes.php

[2] CERP, témoignage de Mme Giauque, notes sténographiques, 19 octobre 2018, Volume 151, p. 163-164, https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Transcriptions/Notes_stenographiques_-_CERP_19_octobre_2018.pdf

[3] Tracy Wing, Part 3. 41 questions that I have for the BEI investigating my son’s death at the hands of the police, video, 11 mai 2019, https://www.youtube.com/watch?v=QIFFC_Xt5zQ

[4] La Presse canadienne, « 62 enquêtes par le Bureau des enquêtes indépendantes, aucune accusation », Radio-Canada, 27 juin 2017,

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1042214/bureau-enquetes-independantes-bei-62-enquetes-aucune-accusation-deposee

[5] BEI, Rapport du Bureau des enquêtes indépendantes, 8 juillet 2019, p. 32, https://www.bei.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/publications/2019-07-31_-_Rapport_VF.pdf

[6] CERP, témoignage de Mme Giauque, op. cit., p. 164.

[7] Ibid., p. 165.

[8] BEI, op. cit., p. 29.

[9] CERP, témoignage de Mme Giauque, op. cit., p. 165.

[10] Daniel Renaud,« UPAC: deux fois plus d’enquêteurs pour examiner les fuites », La Presse, 6 juin 2019, https://www.lapresse.ca/actualites/2019-06-06/upac-deux-fois-plus-d-enqueteurs-pour-examiner-les-fuites

[11] Daniel Renaud, « Enquêtes du BEI: les syndicats de policiers réclament une durée limitée », La Presse, 13 août 2019, https://www.lapresse.ca/actualites/2019-08-13/enquetes-du-bei-les-policiers-reclament-une-duree-limitee

[12] Ministère de la Sécurité publique, « Début des opérations du Bureau des enquêtes indépendantes », communiqué, 23 juin 2016, https://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/2020/02/regards_critiques_bei_note_102.pdf

[13] En gras dans le texte.

[14] Ville de Sherbrooke, Sujet : 72.05 Décès ou blessure par balle à l’occasion d’une intervention policière ou durant la détention, révisée le 26 mai 2017, ANNEXE B.

[15] Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission des institutions, 7 décembre 2017, vol. 44, no 234, p. 51.

[16] CERP, témoignage de Mme Giauque, notes sténographiques, 19 octobre 2018, vol. 151, p. 17, https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Transcriptions/Notes_stenographiques_-_CERP_19_octobre_2018.pdf

[17] Protecteur du citoyen, Procédure d’enquête appliquée au Québec lors d’incidents impliquant des policiers (politique ministérielle du ministère de la Sécurité publique). Pour un processus crédible, transparent et impartial qui inspire confiance et respect, Rapport spécial, 16 février 2010, p. 52, https://protecteurducitoyen.qc.ca/sites/default/files/pdf/rapports_speciaux/2010-02-16_Rapport_police_final_01.pdf

[18] Normand Grondin, « Québec veut créer son bureau d’enquête des polices », Radio-Canada, 29 novembre 2012, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/589811/bergeron-police-impartialite

[19] Les dossiers en question sont : BEI-2016-013, BEI-2016-016, BEI-2016-020, BEI-2017-009, BEI-2017-032, BEI-2017-035, BEI-2017-038, BEI-2017-040, BEI-2017-046, BEI-2018-011, BEI-2018-012, BEI-2018-018, BEI-2018-020,  BEI-2018-021, BEI-2018-022, BEI-2018-025, BEI-2018-026, BEI-2018-027, BEI-2018-028, BEI-2018-029, BEI-2018-030, BEI-2018-031, BEI-2018-032, BEI-2018-033, BEI-2018-034, BEI-2018-040, BEI-2018-041 et BEI-2018-043.

[20] Les dossiers en question sont : BEI-2016-001 et BEI-2016-004.

[21] BEI-2016-014, https://www.bei.gouv.qc.ca/actualites/detail/enquete-independante-sur-levenement-survenu-a-gatineau-le-25-aout-2016-bilan-sur-le-deroulement-d.html

[22] BEI-2017-018, https://www.bei.gouv.qc.ca/actualites/detail/enquete-independante-sur-levenement-survenu-a-vaudreuil-dorion-le-7-mai-2017-bilan-sur-le-deroule.html

[23] BEI-2017-017, https://www.bei.gouv.qc.ca/actualites/detail/enquete-independante-sur-levenement-survenu-a-grand-remous-le-5-mai-2017-bilan-sur-le-deroulement.html

[24] En date du 27 novembre 2019, le BEI n’avait encore divulgué aucune donnée sur les délais de signalement pour l’année en cours.

[25] Nous avons exclu du calcul trois dossiers dont les délais sont très importants : BEI-2017-044 (30 heures); BEI-2018-007 (plus de 22 heures); BEI-2018-014 (64 jours). La moyenne a été donc calculée pour 82 événements.

[26] Il s’agit de la moyenne du délai écoulé entre l’heure du signalement de l’incident et l’heure d’arrivée des enquêteurs du BEI sur la scène d’incident pour douze événements impliquant le SPVM.

[27] BEI-2019-006, « Le Bureau des enquêtes indépendantes prend en charge une enquête indépendante à Thérèse-De Blainville », 12 mars 2019.

[28] Roxanne Caron, « Les parents de Riley Fairholm déposent une plainte en déontologie », La Voix de l’Est, 6 décembre 2018, https://www.lavoixdelest.ca/actualites/les-parents-de-riley-fairholm-deposent-une-plainte-en-deontologie-85533e56b3dbc710a7ee6d7d280a2c3d

[29] Protecteur du citoyen, Mémoire du Protecteur du citoyen présenté à la Commission des institutions dans le cadre des consultations particulières sur le projet de Loi no 12 : Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes, Québec, le 12 mars 2013, p. 7.

[30] Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Pour protéger la vie des femmes, des enquêtes indépendantes s’imposent, Mémoire présenté à la Commission des institutions chargée d’étudier la Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes, mars 2013, p. 19.

[31] CRAP, Mémoire de la Coalition contre la répression et les abus policiers pour la Commission des institutions de l’Assemblée nationale du Québec, Consultations particulières sur le projet de loi n°107, Alexandre Popovic, 1er novembre 2017, p. 12.

[32] CDPDJ, Mémoire de la CDPDJ à la Commission des institutions de l’Assemblée nationale, Projet de loi no 12 – Loi modifiant la Loi sur la police concernant les enquêtes indépendantes, février 2013, p. 40.

[33] CDPDJ, Mémoire à la Commission des institutions de l’Assemblée nationale – Projet de loi n°107, septembre 2016, p. 29.

[34] À l’exception de la Protectrice du citoyen.

[35] Loi sur les services policiers, article 113(5).

[36] Police Act, article 261(3).

[37] CERP, lettre de Mme Giauque, 10 juillet 2018, pièce déposée P-871-43, p. 12, https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Documents_deposes_a_la_Commission/P-871-43.pdf