Les résidences privées ont le devoir de ne pas provoquer la mort sociale des aîné-e-s

L’enfermement des vieux dans les résidences de personnes âgées, les droits humains et les obligations des opérateurs de résidences.

Un carnet rédigé par Me Lucie Lamarche, trésorière du conseil d’administration de la LDL et professeure en sciences juridiques à l’UQAM

Hélas, il semble qu’à l’heure de la rentrée de l’automne, la seconde vague d’infections à la COVID-19 se concrétise. Certes, il s’en trouve pour conclure que les brimades imposées à la liberté d’expression, de mouvement … et de consommation dépassent les bornes.  Mais la majorité de la population, quoique parfois confuse, souhaite combattre ce virus. Dans la tourmente des injonctions gouvernementales, certains acteurs privés attirent l’attention : les bars, les restaurants, les salles de sport, etc ….

L’enfermement des vieux dans les résidences

Mais il est un acteur privé important qui, bien que se faisant discret, doit faire son examen de conscience : il s’agit des résidences privées pour aîné-e-s. Dans la foulée de la première vague, les aîné.e.s, au nom de leur vulnérabilité,  ont été littéralement enfermés dans leur appartement par les opérateurs et propriétaires de résidences privées autonomes.

Avec un peu de recul, il convient de se demander pourquoi des mesures aussi attentatoires à la liberté et à la dignité des aîné-e-s ont été tolérées.

S’agissait-il de la protection de ce groupe de personnes, locataires ordinaires d’unités de logement, ou de la protection des propriétaires de résidences privées contre le risque de poursuites en responsabilité ? Les décrets ont le dos large et ces résidences se sont empressées de clamer qu’elles n’avaient pas le choix. Des nuances s’imposent à cet égard.

Le profit : la corde sensible des opérateurs de résidences privées de personnes âgées

Les locataires aîné-e-s habitant des résidences privées dédiées accusent encore aujourd’hui le coût d’un tel enfermement : pertes cognitives; perte de motricité; dépression, etc …. On le sait aujourd’hui. Et pourtant, ici et là, on constate de nouveau la résurgence de mesures dites préventives, mais toujours axées sur le comportement des résidents. Sans doute faudrait-il aussi considérer le comportement mercantile des opérateurs. A-t-on investi pour limiter la mobilité de la main-d’œuvre affectée à ces résidences et susceptible de transmettre le virus ? A-t-on tout fait pour stabiliser celle-ci et l’intéresser aux emplois offerts en résidence privée ? Voici que nous touchons à la corde sensible du profit. C’est plus économique, bien que pas gratuit, d’enfermer les vieux et de les traiter non pas comme des locataires ayant droit au logement, mais bien comme des êtres vulnérables et sans ressource. De ce point de vue, la deuxième vague, qui hélas semble se concrétiser, ne prendra personne par surprise.

Au-delà de la vulnérabilité, il y a les droits humains

Le gouvernement a le devoir de veiller au respect des droits de la personne, dont la personnalité ne se limite pas à la vulnérabilité. Et l’un de ces devoirs est celui de rappeler aux opérateurs des résidences privées le fait que, comme dans le cas de tous les acteurs privés de la société, ils ont au moins le devoir de ne pas porter atteinte aux droits et libertés des titulaires de droits humains. Ce qui vaut pour une compagnie canadienne minière dans un autre pays vaut pour un propriétaire de résidences privées au Québec. Le gouvernement devra donc garantir le contrôle et la raisonnabilité des frappes préventives assénées aux locataires de résidences privées pour aîné-e-s. Cette fois-ci, nul ne saurait tolérer à titre de réponse à la crise sanitaire l’enfermement des vieux.

Les obligations des résidences de personnes âgées

Comme tous les acteurs privés de la société, ces résidences doivent savoir qu’elles sont surveillées et non pas absoutes du seul fait d’héberger des personnes âgées. Du point de vue de leur responsabilité et de leur obligation de tenir compte des droits humains des locataires dans la tourmente covidienne, il n’y a pas de différence entre un bar, un salon de coiffure et … une résidence de personnes âgées. Et le devoir de respecter les droits de ces personnes ne doit souffrir aucune dérive autoritaire, ou pis encore, les affres de vils calculs économiques.


Cette tribune permet d’aborder des sujets d’actualité qui sont en lien avec les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde. Les carnets sont rédigés par des militant-e-s des droits humains et n’engagent que leurs auteurs et autrices.