Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate
Montréal, le 7 mars 2016 – Trois organismes de défense et de promotion des droits demandent au Canada et au Québec d’accueillir positivement les observations et les recommandations émises aujourd’hui, à Genève, par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, suite à leur comparution devant cette instance, les 24 et 25 février. Amnistie internationale, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et la Ligue des droits et libertés réclament un véritable changement de cap des gouvernements en matière de mise en oeuvre, de respect et de protection des droits contenus dans le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels auquel le Canada et le Québec ont adhéré en 1976.
« Il est anormal qu’un pays riche comme le Canada doive se faire donner des leçons par une instance de l’ONU pour sa piètre performance en matière de droits comme ceux à la sécurité sociale, à un niveau de vie suffisant, au logement, à l’alimentation, à la santé et à l’éducation. Il est temps que ça change et que le Canada et les provinces se conforment réellement aux engagements qu’ils ont pris », s’exclame François Saillant, coordonnateur du FRAPRU.
Nicole Filion, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés, souligne que le Comité onusien remarque avec raison que les droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas justiciables au Canada, ce qui a, aux dires mêmes du Comité, « des conséquences disproportionnées sur les groupes et individus les plus désavantagés et les marginalisés, incluant les personnes itinérantes, les peuples autochtones et les personnes en situation de handicap ». Mme Filion précise : « Non seulement les droits économiques, sociaux et culturels ne sont-ils pas inscrits dans la Charte canadienne des droits et libertés, mais le gouvernement fédéral s’oppose continuellement à ce qu’ils soient invoqués devant les Tribunaux. Celui-ci doit changer d’attitude, comme le recommande le Comité de l’ONU, en élargissant son interprétation de la Charte pour y inclure ces droits et ainsi les rendre justiciables ».
Quant au Québec, la coordonnatrice de la LDL précise que sa Charte des droits et libertés de la personne reconnaît explicitement plusieurs de ces droits, mais que son article 52 fait en sorte qu’ils ne sont pas exécutoires, invocables devant les Tribunaux. Elle réclame donc que la Charte soit modifiée pour leur donner la même portée juridique qu’aux droits civils et politiques.
Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone met, pour sa part, en lumière les observations du Comité onusien sur les conséquences des mesures d’austérité adoptées par plusieurs provinces, dont le Québec, qui non seulement affectent de manière disproportionnée les groupes et individus les plus désavantagés et les plus marginalisés, mais peuvent conduire à une régression de l’accès aux droits économiques et sociaux.. Elle ajoute que le Comité recommande des études d’impact sur les mesures d’austérité, en s’assurant que celles-ci « ne soient pas discriminatoires et qu’elles soient temporaires, nécessaires et proportionnées ».« À ce stade-ci de l’ampleur des coupes touchant les services sociaux au Québec, il est urgent et obligatoire que le gouvernement du Québec fasse une évaluation de ces mesures sur la population »
Par ailleurs, Mme Vaugrante trouve fondamental que le Canada et le Québec écoutent l’ensemble des recommandations qui touchent les conditions de vie des peuples autochtones, qu’ils vivent en réserve ou hors réserve : eau, logement, éducation, services sociaux sont en-deçà des normes. « Nous savons que le non-respect des droits économiques et sociaux des femmes autochtones est lié à la violence qu’elles subissent ; l’enquête nationale doit couvrir cet aspect important et les provinces doivent se sentir concernées » ajoute-t-elle.
En cette veille de la Journée internationale des femmes, Mme Vaugrante note enfin avec satisfaction que le Comité, constatant aucune amélioration en la matière, invite le Canada à se pencher sur les inégalités structurelles entre les hommes et les femmes et qu’il recommande l’élaboration et la mise en place d’une politique d’égalité entre les sexes, de même que des mesures concrètes en ce sens.
Aide sociale, logement et itinérance
Le comité onusien s’alarme aussi sur l’insuffisance des prestations d’aide sociale partout au Canada. « Les observations de l’ONU montrent jusqu’à quel point le Québec fait fausse route avec son actuel projet de loi 70 qui propose une réduction drastique des prestations d’aide sociale des personnes faisant une première demande d’aide sociale si elles ne participent pas au nouveau programme Objectif emploi », s’offusque François Saillant. Il ajoute : « C’est en sens inverse que le gouvernement de Philippe Couillard devrait aller, en assurant à l’ensemble des personnes assistées sociales des prestations qui respectent leur droit à un niveau de vie suffisant. Ce n’est pas en affamant des personnes qu’on va les mettre dans des conditions qui vont leur permettre de tenter d’améliorer leur sort ».
M. Saillant se dit satisfait des recommandations faites par l’ONU en matière de logement et d’itinérance : « Le Comité parle d’une « crise du logement » au Canada, de l’accroissement du nombre de sans-abri. De plus, il propose des pistes concrètes pour s’attaquer à ces problèmes, dont l’accroissement des budgets que le Canada et les provinces consacrent à l’habitation, l’augmentation du nombre de logements sociaux, la pleine accessibilité du logement aux personnes en situation de handicap et le renforcement des protections légales des locataires, entre autres contre les évictions. Il recommande aussi des mesures permettant d’examiner les causes profondes de l’itinérance, d’accroître la disponibilité des hébergements d’urgence et d’éviter la criminalisation des personnes itinérantes ».
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