Mobilité des personnes et droits humains dans le contexte de la pandémie de COVID-19

14 principes pour la protection des droits migrant-e-s, des réfugié-e-s et des autres personnes déplacées

Développés sous les auspices de la Mailman School of Public Health de Columbia University, du Migration and Human Rights Program de Cornell University, et du Zolberg Institute on Migration and Mobility de la New School.

Note : ce document est reproduit en français avec la permission de ses auteur-e-s : T. Alexander Aleinikoff, Chaloka Beyani, François Crépeau, Joanne Csete, Guy Goodwin-Gill, Walter Kaelin, Ian Kysel, Jane McAdam, Chidi Anselm Odinkalu, Anna Shea, Leah Zamore et Monette Zard.

Pour prendre connaissance du document original et, en particulier, du justificatif à l’appui de chacun des Principes, on peut consulter : https://zolberginstitute.org/covid-19/

Près de 800 expert-e-s internationaux ont approuvé le document.

En réponse à la pandémie de COVID-19, de nombreux États ont pris des mesures sévères et sans précédent contre les migrant-e-s, les réfugié-e-s et les autres personnes déplacées.  Ces mesures sont destinées au contrôle et à la prévention de la propagation du virus. Elles incluent notamment la fermeture des frontières, les quarantaines forcées, les expulsions, le confinement des travailleurs et travailleuses migrant-e-s et la fermeture des camps de réfugié-e-s. Souvent, ces mesures ont pour effet de priver de l’accès aux soins de santé les personnes concernées qui sont toujours sur le territoire d’un État. Toutefois, de telles mesures doivent être conformes aux normes internationales établies en matière de droits humains.

Ces normes – y compris celles relatives au principe de non-discrimination, au droit à la santé et à l’information, au droit à une procédure équitable et au principe de non-refoulement lorsqu’il y a risque de préjudice grave – s’appliquent à toutes les personnes, quel que soit leur statut d’immigration.

Les principes suivants découlent des traités et instruments internationaux, du droit international coutumier, des décisions des organes conventionnels des Nations unies et des directives largement acceptées par la communauté internationale. Ils s’inspirent également des décisions des organes des droits de l’homme au niveau régional et des accords interétatiques régionaux.  Ces principes se destinent à informer et à guider l’action étatique en contexte de pandémie, à accompagner les interventions des  organisations internationales et à fournir une base argumentaire aux actions de plaidoyer et de défense des droits humains.

  1. Égalité de traitement et non-discrimination
    Les politiques publiques mises en œuvre en réponse à la pandémie de COVID-19 doivent garantir le traitement égal et non discriminatoire de toutes les personnes, quel que soit leur statut d’immigration et de citoyenneté ou le fait qu’elles aient été déplacées.
  2. Droit à la santé
    Les États doivent respecter le droit à la santé des migrant-e-s, des réfugié-e-s et des autres personnes déplacées, notamment en veillant à ce que la fourniture de médicaments essentiels, les mesures de prévention et les traitements médicaux soient assurés de manière non discriminatoire.
  3. Obligations des États en matière de lutte contre la stigmatisation, le racisme et la xénophobie
    Les États doivent veiller à ce que ni leurs actions ni celles d’autres personnes ne stigmatisent ou n’incitent à la violence contre des personnes en raison de leur état de santé réel ou perçu, en particulier lorsque cette stigmatisation est liée à la nationalité ou au statut d’immigration des personnes ciblées.
  4. Restrictions à la circulation entre les États
    Les États sont tenus de veiller à ce que les restrictions à la mobilité adoptées en réponse à la pandémie de COVID-19 respectent les droits de toutes les personnes à quitter tout territoire étatique et à retourner dans leur État d’origine.
  5. Restrictions à la mobilité à l’intérieur d’un État
    Dans leur réponse à la pandémie de COVID-19, les États doivent respecter le droit à la liberté de circulation de toutes les personnes sur leur territoire.
  6. Non-retour et accès au territoire
    La poursuite par un État d’objectifs légitimes en matière de santé doit respecter le principe fondamental de non-refoulement, y compris le non-renvoi vers un risque réel de persécution, de privation arbitraire de la vie, de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
  7. Application de la législation nationale relative à l’immigration, y compris en matière de détention
    Les États ne peuvent pas appliquer les lois sur l’immigration d’une manière qui augmente le risque de transmission de la COVID-19. Toute décision doit par ailleurs respecter le droit à une procédure équitable. La détention de migrant-e-s, de réfugié-e-s et d’autres personnes déplacées est inadmissible lorsqu’elle les expose à des risques graves pour leur santé et leur vie en raison de la pandémie de COVID-19.
  8. Droit à la protection de la vie et de la santé des personnes se trouvant dans des camps, des campements et des lieux de relocalisation
    Les États doivent prendre des mesures efficaces pour atténuer la transmission de la COVID-19 parmi les migrant-e-s, les réfugié-e-s et les autres personnes déplacées vivant dans des camps, des campements et des lieux de relocalisation.
  9. Droit à l’information
    Les migrant-e-s, les réfugié-e-s et les autres personnes déplacées ont le droit d’être informé-e-s au sujet de la pandémie de COVID-19, notamment sur les symptômes, la prévention, le contrôle de la propagation, le traitement et l’accès aux mesures d’assistance. Internet est une source d’information indispensable et il n’est pas justifié de bloquer ou d’interférer avec l’accès à internet pendant une pandémie.
  10. Protection de la vie privée
    En déployant des stratégies destinées à combattre la pandémie de COVID-19, les États doivent protéger le droit à la vie privée des migrant-e-s, des réfugié-e-s et des autres personnes déplacées, y compris leur droit de contrôler la divulgation d’informations médicales personnelles.
  11. Considérations de genre
    Les États doivent assurer la protection des droits des femmes et des filles déplacées ainsi que ceux des personnes au genre non conforme et doivent identifier et atténuer les menaces particulières à leur santé, leur sécurité et leur bien-être dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
  12. Groupes marginalisés
    Certains groupes parmi les migrants, les réfugiés et autres populations déplacées nécessitent une attention particulière dans le contexte de la pandémie de COVID-19, notamment en ce qui concerne la protection du droit à la santé, l’accès à l’information et l’interdiction de la discrimination. Il s’agit notamment des personnes âgées, des personnes handicapées et des enfants.
  13. Droits des travailleurs et travailleuses
    Les États doivent respecter les droits au travail des migrant-e-s, des réfugié-e-s et des autres personnes déplacées œuvrant dans les secteurs des services essentiels et prendre des mesures pour protéger leur santé. Les États doivent fournir une assistance aux migrant-e-s, aux réfugié-e-s et aux autres personnes déplacées qui perdent leur emploi et leur revenu en raison de la pandémie de COVID-19, et ce sans discrimination avec les nationaux.
  14. Les droits et leurs limites
    Toute restriction aux droits humains doit être prévue par la loi et être raisonnable, nécessaire et proportionnée. Les droits ne peuvent être suspendus qu’en contexte d’urgence menaçant la sécurité de la nation et dans la stricte mesure requise par les circonstances. Une telle suspension doit être compatible avec les autres obligations juridiques internationales de l’État.