Comité consultatif sur la réalité policière – Il faut réformer le Bureau des enquêtes indépendantes

Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate

Montréal, le 1er décembre 2020 – Ce matin, la Ligue des droits et libertés (LDL) a présenté aux membres du Comité consultatif sur la réalité policière ses constats et recommandations permettant une réforme en profondeur du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). La LDL demande au Comité de faire sienne ses recommandations dans son rapport final, qui sera présenté à la ministre de la Sécurité publique le printemps prochain.

« En septembre dernier, nous présentions notre bilan critique des trois premières années d’activité du BEI, réalisé en collaboration avec la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP). Nous avons fait ce travail pour faire contrepoids au bilan partial et partiel présenté en septembre 2019 par la direction du BEI, qui avait passé sous silence plusieurs problèmes importants. Au terme de notre exercice, nous arrivons à la conclusion que le BEI n’est ni indépendant du milieu policier, ni transparent et ni véritablement impartial. Pour corriger le tir, nous formulons 46 recommandations afin de le réformer en profondeur et nous demandons au Comité de les intégrer à son rapport final. C’est par des modifications substantielles à la Loi sur la police qu’une véritable réforme en profondeur du BEI sera possible », déclare Eve-Marie Lacasse, de la LDL.

Le Bureau des enquêtes dépendantes?

« Les enquêtes de la police sur la police ont malheureusement encore cours. On ne peut pas dire que le BEI est indépendant des autres corps policiers quand 70% de ses enquêteurs sont d’anciens policiers ou d’anciens employés civils de corps de police et que près de 100% de ses enquêtes indépendantes requièrent les services de soutien de la SQ, du SPVM et du SPVQ. Et quand on sait qu’il arrive que des enquêteurs du BEI provenant d’un corps policier particulier sont affectés à des enquêtes indépendantes sur des policiers de ce même corps policier – donc peut-être des anciens collègues! – le principe d’impartialité de ses enquêtes est grandement mis à mal », continue Mme Lacasse.

Une impunité policière qui perdure

En novembre 2018, la LDL et la CRAP dévoilaient des lettres envoyées par la direction du BEI aux directeurs de certains corps policiers. Ces lettres révélaient qu’il était fréquent que des policiers et directeurs de corps de police ne respectent pas les obligations que leur impose le Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes.

« Ces obligations visent à assurer l’indépendance et la crédibilité des enquêtes du BEI. Or, toutes les violations au Règlement dévoilées sont des entraves sérieuses aux enquêtes du BEI. Pourtant, le Règlement ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect des obligations prévues, pas plus qu’il n’accorde au BEI le pouvoir de contraindre les individus visés par ces obligations. L’absence de sanction en cas de violation du Règlement n’est rien de moins qu’une invitation à la récidive! L’impunité policière doit cesser… et pour cela, un mécanisme de sanction doit être prévu », déclare Lynda Khelil, de la LDL.

Encore trop d’opacité

Mme Khelil rappelle que pour faire leur bilan, la LDL et la CRAP ont dû faire des dizaines de demandes d’accès à l’information afin d’obtenir des informations essentielles. « Cela démontre un manque de transparence important. Mais le plus grave déficit de transparence du BEI est le fait qu’il ne publie pas de résumé exhaustif et anonymisé de ses rapports d’enquête indépendante lorsque le DPCP ne porte pas d’accusation contre le ou les policiers impliqués. Les informations transmises lors de la communication de cette décision sont fragmentaires. Elles ne permettent pas de comprendre le déroulement de l’événement ni de juger de la rigueur et de l’impartialité de l’enquête. Quand on sait que les organismes similaires au BEI de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario rendent publics des résumés exhaustifs et anonymisés de leurs rapports d’enquête, le Québec n’a aucune excuse pour ne pas faire la même chose », continue Mme Khelil.

Conclusion

« Bon nombre des problèmes présents actuellement au sein du BEI n’existeraient pas si les parlementaires avaient vraiment pris en considération les préoccupations légitimes des proches des victimes et des organisations de la société civile au moment de l’adoption en 2013 de la loi créant le BEI. Sept ans plus tard et à l’heure où les institutions policières sont vivement critiquées, nous avons plus que jamais besoin d’un véritable mécanisme d’enquête indépendante sur les interventions policières ayant causé la mort d’une personne ou des blessures graves. Pour ce faire, une volonté politique claire doit être au rendez-vous », termine Mme Lacasse.

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À propos de la Ligue des droits et libertés

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