Jeune adolescent tué par la police à Longueuil – Bureau des enquêtes indépendantes : le Québec dans une impasse

Le jeune Nooran Rezayi, 15 ans, a été abattu par un policier le 21 septembre à Longueuil. Cet événement tragique nous rappelle l’urgence d’un débat de société sur l’usage de la force par la police ainsi que sur les enquêtes du Bureau des enquêtes dites « indépendantes » (BEI).

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Jeune adolescent tué par la police à Longueuil
Bureau des enquêtes indépendantes : le Québec dans une impasse

Montréal, le 24 septembre 2025 — La Ligue des droits et libertés (LDL) est troublée par le décès du jeune Nooran Rezayi, 15 ans, tué par les tirs d’un policier lors d’une intervention d’à peine quelques minutes auprès d’un groupe de jeunes racisés le 21 septembre à Longueuil. Cet événement tragique nous rappelle l’urgence d’un débat de société sur l’usage de la force par la police ainsi que sur les enquêtes du Bureau des enquêtes dites « indépendantes » (BEI).

Le BEI est un organisme qui porte un nom trompeur : contrairement à ce qu’il prétend, il n’est pas indépendant de la police, impartial et transparent. Les problèmes sont nombreux. D’anciens policiers sont encore aujourd’hui enquêteurs au BEI. Pour mener ses enquêtes, le BEI a encore recours à des services de soutien, issus des corps de police (techniciens en identité judiciaire et reconstitutionnistes en collision). La Cour du Québec (2021 QCCQ 4921) et la Cour supérieure du Québec (2023 QCCA 1590) ont déjà reproché au BEI d’avoir publié un communiqué qui ne faisait pas preuve d’indépendance et d’impartialité, en l’occurrence au sujet de l’enquête sur le décès de Koray Kevin Celik en 2017. Le BEI avait relaté uniquement la version policière et éclipsé la version des parents, témoins directs de l’intervention qui contredisait celle des policiers.

À la fin d’une enquête, dans les cas où le DPCP décide de ne pas porter d’accusation contre le ou les policiers, le BEI ne publie pas de rapport détaillé, exhaustif et anonymisé de ses enquêtes dites « indépendantes ». Le BEI tient les familles et la population dans l’ignorance : il refuse de communiquer tous les faits relatifs à l’intervention policière, ses démarches d’enquête, les éléments de preuves colligés et les déclarations détaillées des témoins et personnes impliquées. D’autres organismes similaires au Canada le font pourtant. Cette opacité a conduit l’observatrice civile indépendante, Me Fannie Lafontaine, à qualifier le BEI de « cancre en matière de transparence » en 2020 (rapport 2020, p.20).

À ce portrait déjà accablant s’ajoute un effort constant des syndicats policiers pour miner encore plus le BEI devant les tribunaux depuis 2019. Désormais, les policiers n’ont plus l’obligation de transmettre au BEI un compte-rendu de l’intervention contenant leurs versions des faits (2024 QCCA 537), une aberration.

Dans ce contexte, comment s’étonner que des personnes tentent présentement de faire par elles-mêmes la lumière sur l’intervention policière lors de laquelle Nooran Rezavi a été abattu ? Comment s’étonner que les familles des victimes et une partie grandissante de la population n’aient pas confiance dans les enquêtes menées par le BEI ?

La LDL rappelle que les précédents ministres de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault et François Bonnardel, ont tous deux refusé, au cours de leur mandat, de procéder à une réforme en profondeur du BEI pour doter le Québec d’un véritable mécanisme d’enquête indépendant de la police, impartial et transparent qui suscite la confiance des familles et de la population.

Le Québec est aujourd’hui dans une impasse : sous l’égide du BEI, les enquêtes de la police sur la police continuent, tandis que les autorités politiques refusent de réformer cette institution, si bien que près de 10 ans après son entrée en fonction, ce bureau d’enquête n’apparait plus du tout réformable.

La Ligue des droits et libertés offre ses sincères condoléances à la famille et aux ami-es de Nooran Rezavi. Une vigile est organisée par l’Association de la Sépulture Musulmane au Québec pour honorer la mémoire du jeune Nooran et demander justice, le samedi 27 septembre à 14 h, au Parc des Mille Fleurs, à l’intersection des rues de Monaco et Joseph-Daigneault, à Longueuil.

Citations

« Le BEI porte un nom trompeur. Il n’est pas indépendant de la police, impartial et transparent. Le Québec est aujourd’hui dans une impasse : les enquêtes de la police sur la police continuent sous l’égide du BEI et le gouvernement refuse de réformer le BEI », déclare Lynda Khelil, porte-parole de la LDL.

« 17 ans après la mort de Fredy Villanueva à Montréal-Nord, le jeune Nooran Rezavi est abattu par la police au Québec lors d’une intervention très rapide. Cette tragédie nous rappelle l’urgente nécessité d’un débat de société sur l’usage de la force par la police » déclare Lynda Khelil, porte-parole de la LDL.

Faits saillants

Depuis le 27 juin 2016, le BEI a mené 467 enquêtes dites « indépendantes ». De ce nombre, 65 enquêtes ont porté sur une intervention où une personne citoyenne a perdu la vie à la suite d’un usage de la force policière à son endroit. À ce jour, le DPCP n’a porté aucune accusation criminelle contre le ou les policiers impliqués.

Procureur général du Québec c. Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, 2024 QCCA 537

Procureur général du Québec c. Celik, 2023 QCCA 1590
Celik c. Bureau des enquêtes indépendantes, 2021 QCCQ 4921

Rapport Regards critiques sur les trois premières années du BEI, Ligue des droits et libertés et Coalition contre la répression et les abus policiers (2020)

Mémoire de la Ligue des droits et libertés, consultations sur le projet de loi 14 du ministre François Bonnardel (2023)

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À propos de la Ligue des droits et libertés

Depuis 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) a influencé plusieurs politiques gouvernementales et projets de loi en plus de contribuer à la création d’institutions vouées à la défense et la promotion des droits humains. Elle intervient régulièrement dans l’espace public pour porter des revendications et dénoncer des violations de droits auprès des instances gouvernementales sur la scène locale, nationale ou internationale. Son travail d’analyse, de sensibilisation et de promotion est primordial pour que les droits humains deviennent la voie à suivre vers une société juste et inclusive, pour tous et toutes. Comme organisme sans but lucratif, indépendant et non partisan, la LDL vise à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’homme.

Pour information et entrevues
Laurence Guénette, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés
Cellulaire : (514) 715-7727

Crédit photo : André Querry