Mémoire : Consultations sur le PL 14 sur la police, des reculs graves et le statu quo

La LDL dénonce des reculs graves du système de déontologie policière et du Bureau des enquêtes indépendantes, et l’absence de réforme du point de vue des citoyen-ne-s. La LDL porte aussi des revendications concernant la lutte aux profilages racial et social, l’interdiction des interpellations policières et les violations de droits dans les prisons du Québec.

Consultations particulières et auditions publiques au sujet du projet de loi 14, Loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la loi visant à aider à retrouver des personnes disparues

Mémoire présenté par la
Ligue des droits et libertés

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Devant la Commission des institutions
Assemblée nationale du Québec

4 avril 2023



Table des matières

Présentation de la Ligue des droits et libertés

Introduction

1. LUTTE AUX PROFILAGES RACIAL ET SOCIAL

1.1. Un problème systémique

1.2. Campagne pour l’interdiction des interpellations policières au Québec

1.3. Mettre fin au pouvoir d’interception routière sans motif

1.4. Pouvoir du ministre d’émettre des lignes directrices

2. SYSTÈME DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

2.1. Nécessité de réformer le système de déontologie policière

2.2. Commentaires sur les dispositions du PL 14 concernant la déontologie policière

A) Retrait du droit de porter plainte : un grave recul

B) Processus de conciliation

C) Délai de prescription pour porter plainte

3. BUREAU DES ENQUÊTES INDÉPENDANTES

3.1. La nécessité d’une réforme en profondeur du BEI

3.2. Commentaires sur les dispositions du PL 14 concernant le BEI

A) Ajout des principes d’impartialité et de transparence

B) Pouvoir du directeur de mettre fin à une enquête

4. SYSTÈME CORRECTIONNEL

4.1. Les prisons au Québec : un lieu de violations de droits

4.2. Commentaires sur les dispositions du PL 14 concernant le système correctionnel

A) Comité de discipline

B) Commission des libérations conditionnelles du Québec

5. RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

ANNEXE 1



Présentation de la Ligue des droits et libertés

La Ligue des droits et libertés (LDL) est une organisation indépendante, non partisane et sans but lucratif, qui vise à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droit humains. Depuis sa création 1963, la LDL a influencé plusieurs politiques gouvernementales et projets de loi en plus de contribuer à la création d’instruments voués à la défense et la promotion des droits humains, tel que la Charte des droits de la personne du Québec.

Elle intervient régulièrement dans l’espace public pour porter des revendications et dénoncer des violations de droits auprès des instances gouvernementales sur la scène locale, nationale ou internationale. Son travail d’analyse, de sensibilisation et de promotion est primordial pour que les droits humains deviennent la voie à suivre vers une société juste et inclusive, pour tous et toutes. En tant qu’organisation indépendante, non partisane et sans but lucratif, la LDL vise à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits.

Au cours de ses 60 années d’existence, la LDL n’a eu de cesse de dénoncer les violations de droits commises par les agents de l’État que sont les policiers. Ses analyses lui permettent également d’identifier des moyens législatifs susceptibles d’agir en faveur d’un meilleur respect des droits et libertés par les corps policiers et de mécanismes de surveillance de la police qui soient transparents et indépendants. C’est dans ce contexte qu’il apparait essentiel pour la LDL d’examiner le projet de loi 14 à la lumière des droits humains.

Nous remercions la Commission des institutions de cette invitation à participer aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi 14, Loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la Loi visant à aider à retrouver les personnes disparues.

Introduction

Forte de plusieurs décennies de défense des droits et libertés, la LDL a développé une connaissance significative et une longue expérience en ce qui concerne les pratiques policières et leurs impacts sur les droits humains. Elle poursuit encore aujourd’hui d’importants efforts visant à mettre fin aux violations de droits, à la brutalité policière et aux profilages racial et social. Elle travaille à exiger des mécanismes permettant une véritable surveillance indépendante et civile des pratiques et institutions policières, ainsi que des recours impartiaux et effectifs lorsque des violations de droits sont perpétrées par des policiers. Ainsi, la LDL a d’ores et déjà identifié et documenté plusieurs pratiques, lois et règlements qui perpétuent une impunité policière ainsi que des situations susceptibles d’entrainer des violations des droits humains.

Ces enjeux sont mis de l’avant et analysés depuis fort longtemps par la LDL et par de nombreux groupes de la société civile à même d’identifier des pistes d’action. Pourtant, les changements essentiels à apporter dans le cadre d’une société qui se veut démocratique et respectueuse des droits tardent encore à être mis en place. Il nous semble que les efforts en ce sens se buttent à des institutions policières opaques, résistantes au changement et difficilement imputables, de même qu’à des autorités politiques peu enclines à mettre en place les actions nécessaires pour faire cesser les violations de droits et les abus de pouvoir des forces policières.

La LDL constate que le projet de loi 14 (PL 14) dans sa mouture actuelle annonce des reculs invraisemblables en ce qui a trait au système de déontologie policière et au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), en plus de ne pas prévoir de réforme du point de vue des citoyen-ne-s. Plus largement, le PL 14 n’apporte pas les changements qui ont été identifiés et revendiqués de longue date dans le but d’agir sur les violations de droits commises par des policiers. Le législateur devrait intervenir à la fois sur les pratiques policières et améliorer véritablement les recours disponibles pour les citoyen-ne-s victimes d’abus policiers. Le PL 14 ne répond pas à cette exigence, proposant même un inacceptable statu quo sur certains enjeux, comme celui des interpellations policières.

La LDL travaille également depuis les années 1960 à la défense des droits des personnes incarcérées et à l’analyse des enjeux carcéraux dans une perspective de droits humains. Elle apporte à cet égard plusieurs propositions dans le cadre des présentes consultations sur le PL 14, à la lumière de la situation actuelle de l’incarcération au Québec, qui est celle d’un régime de violations de droits systémiques.

Nous tenons également à souligner que le délai très court proposé à la société civile pour contribuer au débat sur le PL 14 est inacceptable. Nous déplorons cette façon de procéder qui limite la participation démocratique. Le fait de tenir des consultations particulières et des auditions publiques trois semaines après le dépôt du projet de loi a pour effet de précipiter les organismes aux ressources limitées dans un sprint d’analyse et de rédaction tout à fait déraisonnable.

Par ailleurs les courts délais imposés ne peuvent qu’entrainer des questionnements sur la volonté réelle du gouvernement d’entendre les parties prenantes et de tenir véritablement compte des consultations qu’il met en place. Cet empressement a sans aucun doute pour effet de priver plusieurs groupes de la possibilité de participer au débat sur le PL 14. Certaines organisations relèvent néanmoins l’inacceptable défi, devant l’urgence d’examiner une proposition législative qui aura des impacts concrets sur la vie, la sécurité et les droits humains de nombreuses personnes.

 1) LUTTE AUX PROFILAGES RACIAL ET SOCIAL

1.1. Un problème systémique

La LDL contribue depuis de nombreuses années aux analyses visant à documenter le phénomène du profilage racial et social ainsi qu’aux efforts visant à mettre fin à ces discriminations systémiques. Il est indispensable de tenir compte de la nature systémique du phénomène du profilage pour pouvoir mettre en place de véritables actions qui généreront des changements concrets.

Le profilage racial et le profilage social représentent tous deux des dimensions de système d’oppressions plus larges reposant sur des facteurs structurels ; le premier est directement lié au racisme systémique[1] et le second, lié aux positions occupées par différents groupes de personnes dans la société en regard de leur condition sociale.

Reprenant certains éléments de la définition de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), il est possible de dire que les profilages racial et social s’exercent dans le contexte de « rapports sociaux inégalitaires, de subordination et d’exclusion », des systèmes d’oppression imposant à certains groupes et communautés « un cumul de désavantages dans différentes sphères de leur existence »[2].

En matière de pratiques policières et de pouvoirs policiers, il est essentiel d’aborder le phénomène du profilage dans sa nature systémique plutôt que comme une série d’incidents individuels de discrimination. Cette prémisse suggère que le système lui-même doit être modifié de sorte à freiner les rapports d’oppressions qu’il génère et reproduit.

C’est pour cette raison que la LDL souligne l’insuffisance des mesures de formation et de sensibilisation destinées aux policiers et exige que des changements soient apportés au niveau des lois et règlements encadrant les pratiques policières, de sorte à éliminer un bon nombre de situations susceptibles de générer du profilage racial et social par les policiers dans l’espace public.

 1.2 Campagne pour l’interdiction des interpellations policières au Québec

Le 15 février 2023, la Ligue des droits et libertés lançait une campagne exigeant l’interdiction des interpellations policières, une pratique arbitraire que l’on appelle aussi street check. Une déclaration demandant au gouvernement du Québec d’interdire cette pratique a été appuyée à ce jour par 85 organisations de défense des droits, communautaires et syndicales — voir la liste des signataires en annexe[3]. La LDL a également réalisé une brochure en 10 questions et réponses afin d’aider à mieux comprendre la problématique des interpellations et contribuer à dissiper la confusion entourant cette pratique au Québec[4].

 



QU’EST-CE QU’UNE INTERPELLATION POLICIÈRE ?

Une interpellation est une situation où un policier tente d’obtenir l’identité d’une personne et de recueillir des informations auprès d’elle, alors que la personne n’a aucune obligation légale de s’identifier, ni de répondre aux questions.

Les informations peuvent ensuite être enregistrées par le policier dans une base de données à des fins de renseignements policiers, notamment le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ). Il s’agit d’une collective d’information abusive.

L’interpellation se déroule à l’extérieur du contexte d’une arrestation, d’une détention ou d’une enquête policière. Elle a lieu dans l’espace public et vise généralement les personnes piétonnes ou passagères de véhicule.

Une interpellation n’est pas une interception routière d’un-e automobiliste en vertu du Code de la sécurité routière (CSR). Les expressions street check ou contrôle de routine sont aussi utilisées pour désigner une interpellation.


 

En 2020, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et le ministère de la Sécurité publique ont tous deux adopté des politiques visant à encadrer les interpellations policières[5]. Toutefois, la LDL considère que l’encadrement d’une pratique en soi attentatoire aux droits et discriminatoire ne saurait être une solution.

L’interpellation policière doit être interdite, pour trois raisons : (1) cette pratique porte atteinte aux droits et libertés de toute personne interpellée ; (2) elle mène à du profilage racial et social ; (3) et les policiers n’ont pas le pouvoir de faire des interpellations au Québec.

1- Violations des droits et libertés

Les interpellations violent les droits et libertés de toute personne interpellée. Il est question du droit à la liberté, du droit à la vie privée et à l’anonymat dans l’espace public, du droit à la protection contre les détentions arbitraires, et du droit à l’égalité protégés par les chartes québécoise et canadienne.

Rappelons qu’une personne interpellée n’a aucune obligation légale de s’identifier et de répondre aux questions des policiers et qu’elle peut quitter les lieux. Cependant, les personnes interpellées l’ignorent bien souvent.

Une relation d’autorité et de pouvoir existe entre les policiers et les citoyen-ne-s. Ainsi, même les personnes interpellées qui connaissent leurs droits et qui savent qu’elles n’ont pas l’obligation de s’identifier dans un contexte d’interpellation ne sont bien souvent pas en mesure de faire valoir leurs droits. Elles ont une crainte légitime que le policier ne réagisse pas bien si elles refusent de répondre et tentent de poursuivre leur chemin.

À cet égard, le Commissaire à la déontologie policière a publié sur son site Web différents exemples de scénarios où le refus de s’identifier par une personne interpellée qui tente de faire valoir ses droits mène à différentes conséquences négatives : insistance policière, fausse affirmation selon laquelle la personne est obligée de s’identifier, agressivité, remise d’un constat d’infraction, arrestation, etc.[6]

Soulignons que selon l’encadrement actuel des interpellations prévu aux politiques du ministère et du SPVM, les policiers n’ont pas l’obligation d’informer une personne interpellée qu’elle n’est pas légalement obligée de s’identifier et de répondre aux questions, et qu’elle est libre de quitter les lieux si elle le souhaite.

2- Profilages racial et social

L’interpellation est une dimension du phénomène du profilage racial et social. Les interpellations visent particulièrement les personnes autochtones, noires et racisées, ainsi que les personnes en situation d’itinérance et de marginalité dans l’espace public, les personnes aux prises avec des enjeux de santé mentale, les travailleuses du sexe et les personnes utilisatrices de drogues. Cette pratique génère de l’insécurité au sein des communautés ciblées. Pour les personnes interpellées et surinterpellées, l’interpellation est souvent vécue comme du harcèlement.

En 2019, un rapport de chercheurs indépendants sur les interpellations policières à Montréal a démontré que les personnes autochtones, noires et arabes sont surinterpellées par rapport aux personnes blanches[7].

  • Les personnes autochtones et les personnes noires sont 4 et 5 fois plus à risque d’être interpellées que les personnes blanches ;
  • Les femmes autochtones sont 11 fois plus à risque d’être interpellées que les femmes blanches ;
  • Les personnes arabes sont 2 fois plus à risque d’être interpellées que les personnes blanches ;
  • Les personnes arabes de 15 à 24 ans sont 4 fois plus à risque d’être interpellés que les jeunes personnes blanches du même âge.

Puis en 2021, un rapport réalisé par les mêmes chercheurs concernant les interpellations policières et interceptions routières à Repentigny a démontré que les personnes noires sont 2,5 à 3 fois plus à risque d’être interpellées que les personnes blanches[8].

Un deuxième rapport de la même équipe de recherche concernant les interpellations à Montréal est attendu pour l’été 2023 et devrait être rendu public.

3- Absence de fondement juridique

Les policiers n’ont pas le pouvoir de faire des interpellations au Québec en vertu de la loi ou de la common law.

En 2019, un avis juridique indépendant sur les interpellations (street checks) en Nouvelle-Écosse réalisé par un ancien juge en chef de la Cour d’appel de cette province a conclu que l’interpellation est une pratique illégale. Les policiers n’ont pas le pouvoir en vertu de la common law de faire des interpellations, car cette pratique entraîne des violations des droits et libertés avérées et que sa nécessité pour assurer la sécurité publique n’est pas démontrée[9].

À la suite de cet avis juridique, le ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse a adopté en 2019 une directive interdisant les interpellations policières. Cette directive a été renforcée en 2021 afin d’établir que les policiers doivent respecter la norme juridique du soupçon raisonnable[10].

Au Québec, l’encadrement proposé par les politiques du SPVM et du ministère de la Sécurité publique indique qu’une interpellation doit être fondée sur des « faits observables ». Or, ce critère n’est pas une norme juridique.

Les interpellations policières doivent être interdites. Exiger que les policiers agissent dans les limites de leurs pouvoirs et respectent les droits et libertés devrait être la base d’une société démocratique.

Recommandation 1

Que la pratique de l’interpellation policière soit formellement interdite sur tout le territoire du Québec.

Que l’élaboration de cette interdiction fasse l’objet d’une consultation publique de la société civile.

Que le moyen adopté pour interdire la pratique de l’interpellation policière assure la pérennité de celle-ci et prévoit des sanctions dissuasives et publiques en cas de non-respect.

Que des mécanismes visant à assurer que la pratique de l’interpellation a véritablement cessé sur le terrain soient mis en place.

1.3 Mettre fin au pouvoir d’interception routière sans motif

Dans la décision historique Luamba c. Procureur général du Québec[11] rendue à l’automne 2022, le juge Yergeau de la Cour supérieure invalidait l’article 636 du Code de la sécurité routière (CSR) et le pouvoir de common law établi en 1990 dans la décision R. c. Ladouceur[12], mettant ainsi fin au pouvoir d’interception routière sans motif réel. Ce pouvoir d’interception est à la source du profilage racial de nombreux automobilistes noir-e-s et racisé-e-s. Devant l’inaction des autorités politiques devant une problématique qui était pourtant bien connue, il a fallu qu’un citoyen, Jean-Christophe Luamba, conteste la constitutionnalité de ce pouvoir.

Comme le soulignait le juge, « les droits garantis par la Charte ne peuvent être laissés plus longtemps à la remorque d’un improbable moment d’épiphanie des forces policières[13] », appelant les autorités politiques à agir sur la source d’un problème qui, nous le rappelons, est systémique. Dans sa décision, le juge soulignait également qu’il n’était pas possible de conclure à la nécessité des interceptions routières sans motif réel pour assurer la sécurité routière, alors qu’il est « amplement démontré que cette pratique policière peut être fréquemment détournée de son objectif par des considérations raciales[14] ».

La LDL a vivement dénoncé la décision du gouvernement du Québec de porter en appel cette importante décision, retardant les efforts de lutte contre le racisme au Québec et permettant ainsi que les droits des citoyen-ne-s noir-e-s et racisé-e-s continuent d’être bafoués. La LDL déplore également que le PL 14 ne prévoie pas de retirer ce pouvoir d’interception routière sans motif.

 1.4 Pouvoir du ministre d’émettre des lignes directrices

L’article 96 du PL 14 prévoit de modifier l’article 307 de la Loi sur la police afin d’étendre le pouvoir du ministre de la Sécurité publique d’établir des lignes directrices « à tout sujet relatif à l’activité policière », et de les rendre publiques.

L’article 97 du PL 14 prévoit également l’insertion dans la Loi sur la police d’un nouvel article 307.1 en vertu duquel le ministre doit établir une « ligne directrice concernant les interpellations policières, y compris les interceptions routières effectuées en vertu de l’article 636 du Code de la sécurité routière » et la rendre publique. L’article 137 du PL 14 prévoit que cela doit être fait dans un délai de deux mois suivant la sanction de la loi.

Le PL 14 ne précise pas l’orientation que le ministre devra donner à ladite ligne directrice. Les intentions du ministre sont toutefois énoncées dans le mémoire qu’il a déposé le 21 février 2023 au Conseil des ministres relativement au PL 14 :

Elle interdirait explicitement l’interpellation policière, incluant l’interception routière, basée sur un motif discriminatoire. Elle viendrait également prévoir les modalités relatives à la collecte de données sur les interpellations policières, incluant les interceptions routières. Elle pourrait aussi préciser que les corps de police doivent rendre ces données publiques.[15]

La proposition actuelle est donc d’encadrer la pratique de l’interpellation policière (en rappelant aux policiers que les chartes interdissent la discrimination). On comprend également que ladite ligne directrice serait basée sur la Pratique policière 2.1.7 — Interpellation policière adoptée par le ministère de la Sécurité publique le 20 août 2020 et qui contient des balises visant à encadrer cette pratique[16].

Nous rappelons que les chartes québécoise et canadienne interdisent déjà la discrimination depuis plusieurs décennies. Ainsi, interdire les « interpellations aléatoires basées des motifs discriminatoires » tels que l’ont déclaré le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, et le ministre responsable de la Lutte contre le racisme, Christopher Skeete, en conférence de presse le 15 mars 2023 lors du dépôt du PL 14, n’apporte rien de nouveau et ne fait que donner l’illusion d’agir.

En effet, toute tentative d’ajouter un adjectif (discriminatoire, aléatoire, etc.) pour qualifier l’interpellation n’est qu’un moyen de diversion visant à donner l’impression d’agir sur le problème, alors que le gouvernement propose dans les faits de maintenir un statu quo depuis longtemps insoutenable.

Interdire l’interpellation policière et non l’encadrer

Tel que nous l’avons exposé dans la section 3.2, la pratique de l’interpellation policière doit être interdite. Nous insistons sur le fait que l’interpellation est en soi une pratique attentatoire aux droits et libertés, est source de profilages racial et social, et que les policiers n’ont pas le pouvoir de faire des interpellations.

L’adoption d’une ligne directrice interdisant l’interpellation policière pourrait être un des moyens envisageables pour réaliser notre recommandation 1.

Si ce moyen était préconisé par les parlementaires, le PL 14 devrait être modifié afin que le nouvel article 307.1 stipule explicitement que la ligne directrice qui sera adoptée ultérieurement par le ministre interdira la pratique des interpellations policières.

Une consultation publique portant sur l’élaboration de cette ligne directrice devrait avoir lieu afin que la société civile soit entendue sur son contenu. Le délai d’adoption de la ligne directrice prévu à l’article 137 du PL 14 devrait être révisé en conséquence, afin de tenir compte de cette étape essentielle.

Recommandation 2

Suivant notre recommandation 1 et dans l’éventualité où le moyen préconisé pour interdire la pratique de l’interpellation policière soit celui d’une ligne directrice :

Que l’article 97 du PL 14 soit modifié afin de prévoir explicitement que la ligne directrice concernant les interpellations policières vise à interdire cette pratique.

Qu’une consultation publique portant sur l’élaboration de cette ligne directrice soit tenue.

Que le délai d’adoption de la ligne directrice prévu à l’article 137 du PL 14 soit révisé en conséquence.

Sanctions en cas de non-respect d’une ligne directrice

L’article 83 du PL 14 prévoit que le gouvernement doit déterminer par voie règlementaire le contenu minimal d’un règlement de discipline applicable à tous les policiers du Québec. Il doit prévoir « les devoirs et les normes de conduite dont le manquement constitue une faute disciplinaire, les sanctions minimales afférentes, les éléments essentiels de la procédure disciplinaire et les pouvoirs des autorités en matière de discipline. » Cette proposition vise à pallier le fait que chaque corps de police a son propre règlement de discipline interne.

Selon le mémoire déposé par le ministre au Conseil des ministres, ledit règlement pourrait établir que « le non-respect d’une ligne directrice […] constituerait une faute disciplinaire et déterminer une sanction minimale afférente pour le policier jugé fautif »[17]. Précisons que le processus disciplinaire des corps de police n’a pas de caractère public actuellement.

La LDL est d’avis que le non-respect d’une ligne directrice devrait également constituer une conduite dérogatoire au Code de déontologie des policiers du Québec. Cela permettrait d’assurer un caractère public à l’examen de toute situation de non-respect d’une ligne directrice ainsi que des sanctions dissuasives connues du public en cas de conduite dérogatoire. Le PL 14 devrait être modifié en ce sens.

Recommandation 3

Que le projet de loi 14 soit modifié afin de prévoir que le non-respect d’une ligne directrice adopté par le ministre de la Sécurité publique en vertu de la Loi sur la police constitue une conduite dérogatoire au Code de déontologie des policiers du Québec.

 2) SYSTÈME DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

2.1. Nécessité de réformer le système de déontologie policière

La Ligue des droits et libertés exige depuis plusieurs décennies un système de déontologie policière qui permette une véritable imputabilité des forces policières. Elle était déjà active dans ce dossier lors de l’instauration d’un Code de déontologie des policiers en 1988. La LDL constate que des problèmes existant de longue date persistent encore aujourd’hui, n’ayant pas fait l’objet des changements nécessaires. Ainsi, une fois de plus, la LDL insiste sur la nécessité d’opérer une réforme du système de déontologie policière. C’est avec une certaine stupéfaction que nous avons entendu dans les médias le ministre de la Sécurité publique se féliciter de mesures visant à rendre le régime de la déontologie policière plus accessible, alors que selon nous, le PL 14 annonce plutôt un recul important à cet égard dont il sera question dans la section suivante.

Il est primordial que le système de déontologie policière suscite la confiance des citoyen-ne-s. Allant bien au-delà d’une simple perception, cette confiance implique que les personnes dont les droits humains ont été bafoués par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions puissent avoir accès à des recours effectifs et que des sanctions efficaces et dissuasives puissent être imposées, ce qui fait défaut actuellement.

À ce sujet, la LDL croit que le gouvernement pourrait bénéficier d’un exercice de consultation publique indépendante à la grandeur du Québec, afin de connaitre l’opinion et l’expérience citoyenne du système de déontologie policière. Une telle consultation permettrait d’avoir une meilleure idée des enjeux liés au système existant et d’alimenter ses réflexions en ce qui concerne la réforme qui est nécessaire. La manière actuelle de procéder « à la pièce » ignore l’opinion des personnes concernées, soit les utilisateurs-trices du système. La LDL tient à rappeler que la consultation du Comité consultatif sur la réalité policière (CCRP) n’a pas été une large consultation des citoyen-ne-s sur le système de déontologie policière.

2.2. Commentaires sur les dispositions du PL 14 concernant la déontologie policière

A) Retrait du droit de porter plainte : un grave recul

Pour la LDL, il est inadmissible que le PL 14 prévoit de limiter le droit de porter plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière (ci-après Commissaire) en créant un système à deux vitesses, l’un de plainte, l’autre de « signalement ». Cela équivaut concrètement à retirer à de nombreuses personnes le droit de porter plainte et à amoindrir encore davantage les capacités de surveillance et de contrôle des citoyen-ne-s sur les interventions policières et le système de déontologie policière.

Actuellement, toute personne a le droit de porter plainte auprès du Commissaire, tel que l’énonce l’article 143 de la Loi sur la police. L’article 25 du PL 14 prévoit de remplacer cette disposition par la suivante :

Toute personne présente lors d’un événement ayant fait l’objet d’une intervention policière peut formuler au Commissaire une plainte relative à la conduite d’un policier dans l’exercice de ses fonctions lors de cet événement qui est susceptible de constituer un acte dérogatoire au Code de déontologie. Il en est de même d’une personne à l’égard de qui la conduite d’un policier dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de constituer un acte dérogatoire à ce code.

Toute autre personne peut formuler au Commissaire un signalement relatif à la conduite d’un policier dans l’exercice de ses fonctions qui est susceptible de constituer un acte dérogatoire au Code de déontologie.

La plainte ou le signalement est formulé par écrit, sauf lorsque le Commissaire estime, eu égard aux circonstances, qu’il peut l’être oralement ou, lorsque le Commissaire le permet eu égard aux circonstances, oralement. Le signalement peut s’effectuer sous le couvert de l’anonymat.

Ainsi, le PL 14 prévoit que seules les personnes suivantes pourront dorénavant porter plainte :

    • Une personne présente lors d’un événement ayant fait l’objet d’une intervention policière ;
    • Une personne à l’égard de qui la conduite d’un policier est susceptible de constituer un acte dérogatoire.

Toute personne n’étant pas dans l’une ou l’autre de ces deux situations se verrait ainsi dans l’impossibilité de porter plainte, ce qui constitue un recul important en matière d’accessibilité au mécanisme de plaintes en matière déontologique.

Concrètement, cela aurait pour effet que certaines interventions policières ne puissent plus faire l’objet d’une plainte. Le cas des personnes décédées lors d’une intervention policière ou d’une détention par un corps de police est particulièrement grave. La nouvelle mouture de la loi leur retirerait aux membres de la famille de la personne décédée la possibilité de porter plainte parce qu’ils n’étaient pas directement impliqués ou présents lors de l’intervention policière. Les témoins de ce type d’événement étant rares, aucune plainte ne pourrait être déposée dans bien des cas.

La possibilité de porter plainte disparaitrait également dans le cas où un-e ami-e ou proche d’une personne victime de brutalité policière voudrait porter plainte à sa place, la victime n’étant pas en mesure de le faire. Finalement, les citoyen-ne-s et les organisations préoccupés par les enjeux de brutalité policière et d’abus policiers ne pourront plus porter plainte.

La LDL rappelle que d’assurer l’imputabilité des interventions policières est une responsabilité collective qui concerne l’ensemble de la société et qui est essentielle dans un État de droit. Et cela passe indéniablement par l’accessibilité des mécanismes de plaintes existants à toute personne, sans exception.

Un régime de « signalement »

Tout en réduisant le droit de porter plainte, le PL 14 propose de rediriger vers un nouveau régime de « signalement » toutes les personnes à qui le droit de porter plainte est retiré.

Mentionnons que le PL 14 ne prévoit aucune procédure de traitement des « signalements », laissant son élaboration à l’entière discrétion du Commissaire. L’article 27 du PL 14 prévoit à cet égard l’insertion dans la Loi sur la police d’un nouvel article 143.2 :

143.2. Un signalement relatif à la conduite d’un policier dans l’exercice de ses fonctions est formulé et traité conformément à la procédure établie par le Commissaire.

Cette procédure doit notamment :

1° préciser les modalités applicables pour formuler un signalement ;

2° préciser les mesures de soutien disponibles pour aider une personne à formuler un signalement ;

3° prévoir le processus de traitement d’un signalement par le Commissaire et les mesures visant à assurer, le cas échéant, l’anonymat de la personne qui a formulé le signalement ;

4° déterminer le suivi qui doit être donné à un signalement ainsi que le délai dans lequel il doit être réalisé ;

5° préciser le délai de traitement d’un signalement.

Le Commissaire s’assure de la diffusion de cette procédure.

Le PL 14 prévoit par ailleurs que le Commissaire doit envoyer un avis de réception à la personne qui formule le signalement, si son identité est connue, (art. 33) et doit aviser cette personne de sa décision (de tenir une enquête ou non) à la suite du signalement et, s’il le juge approprié, des motifs de ladite décision (art. 40).

Droits de révision des décisions du Commissaire

Actuellement, une personne ayant le statut de plaignante dispose de droits de révision des décisions du Commissaire. Le Commissaire a aussi plusieurs obligations à son égard. Mentionnons qu’une personne plaignante a le droit de formuler une demande de révision des décisions du Commissaire auprès de celui-ci, dans les cas où la plainte est refusée ou rejetée à la suite de l’analyse préliminaire, en cours de conciliation, à la suite d’un échec en conciliation, ou en cours d’enquête, tel que le prévoit les articles 147, 169 et 193.7 de la Loi sur la police.

Par ailleurs, dans le cas où le Commissaire décide de rejeter la plainte et de fermer le dossier après avoir complété une enquête, la personne plaignante a le droit de formuler une demande de révision auprès du Comité de déontologie policière (que le PL 14 propose de renommer Tribunal administratif de déontologie policière), conformément aux articles 179 et 181 de la Loi sur la police. Le Commissaire doit également transmettre à la personne plaignante les motifs de sa décision et un résumé du rapport d’enquête. Finalement, dans le cas où le Commissaire décide, après enquête, de citer le ou les policiers impliqués devant le Comité de déontologie policière, il doit transmettre au plaignant une copie de la citation.

En créant un nouveau régime de « signalant », le PL 14 vise à retirer aux personnes dites « plaignants tiers » ou « témoins indirects » d’un événement tout droit de révision conférée à la personne plaignante et à réduire les obligations du Commissaire à leur égard, telles qu’elles sont décrites aux paragraphes précédents. C’est d’ailleurs l’intention clairement exprimée par le Commissaire dans son mémoire devant le Comité consultatif sur la réalité policière (CCRP) en 2020[18].

Il est primordial que les citoyen-ne-s ait accès à un mécanisme de révision des décisions des organismes censés surveiller l’action policière. Le PL 14 retire ce droit à de nombreuses personnes en les reléguant à un processus de « signalement » et donne le pouvoir discrétionnaire au Commissaire de disposer des signalements sans permettre un contrôle citoyen de sa propre action ou inaction.

Pourtant, cela est essentiel, tel que le démontre bien l’exemple suivant. En 2017, un militant de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), en tant que plaignant tiers, a déposé une plainte auprès du Commissaire relativement à une intervention policière au cours de laquelle un citoyen est décédé la même année. La plainte déposée par le militant de la CRAP a cheminé jusqu’à une citation devant le Comité de déontologie policière. Or, elle avait d’abord été rejetée par le Commissaire après enquête. C’est grâce à l’exercice par le plaignant de son droit de révision du rejet de la plainte – devant le Comité de déontologie policière – que celle-ci a pu aller de l’avant. En effet, le Comité, après analyse de la demande de révision, a renversé la décision du Commissaire et lui a ordonné de citer les policiers impliqués à comparaitre devant lui.

Des critiques infondées du milieu policier

Dans son mémoire au CCRP, le Commissaire est explicite dans sa proposition de retirer aux plaignants tiers le droit de porter plainte. D’entrée de jeu, le Commissaire écrit que le milieu policier est mécontent du fait que des personnes qui ne sont pas directement impliquées dans un événement puissent porter plainte :

Cette situation suscite énormément de controverse auprès des services de police et des associations représentant les intérêts de policiers. Plusieurs sont d’avis que la situation actuelle discrédite le système de déontologie policière. Le Commissaire a régulièrement des échanges passionnés à ce sujet avec plusieurs parties prenantes[19].

Le Commissaire poursuit en affirmant que les plaintes déposées par des plaignants tiers concernent des faits sérieux, mais il décide néanmoins de proposer de revoir le modèle pour répondre aux critiques du milieu policier :

Ainsi, règle générale, les plaintes déposées par les plaignants tiers sont loin d’être frivoles ou dénuées de pertinence. Au contraire, il s’agit souvent de reproches sérieux qui permettent de faire la lumière sur des situations qui n’auraient pas pu faire autrement l’objet d’un examen par le Commissaire. Dans un système qui vise à assurer la protection du public et qui repose en grande partie sur la confiance que celui-ci entretient envers les policiers, il semble primordial de maintenir cette possibilité pour un citoyen non impliqué de dénoncer une situation qu’il considère comme étant problématique.

Cependant, il faut prendre acte des critiques légitimes engendrées par la situation actuelle. À cette fin, le Commissaire souhaite proposer un nouveau modèle qui permettrait de répondre aux préoccupations exprimées.[20]

Il est consternant que le Commissaire puisse proposer de retirer le droit de porter plainte aux témoins indirects d’un événement en raison de critiques du milieu policier qui s’avèrent infondées, tel que le démontre l’étude suivante.

Dans une récente étude conclue en 2022, le professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal, Massimiliano Mulone, en collaboration avec l’étudiante Mélie Blais-Cyr, a analysé le traitement des plaintes en déontologie policière déposées par des plaignants tiers, c’est-à-dire par des personnes qui n’étaient pas présentes lors des interventions policières visées[21]. Il souligne d’abord que les acteurs policiers dénoncent la possibilité pour les plaignants tiers de porter plainte et considèrent cela comme étant une porte ouverte aux plaintes frivoles qui a l’effet d’embourber le système.

Pourtant, entre 2015 et 2020, seulement 3,2 % des plaintes reçues par le Commissaire avaient été déposées par des plaignants tiers, ce qui ne constitue qu’une infime proportion. Constat encore plus intéressant : les plaintes de ces plaignants tiers « se rendent plus loin que les autres types de plaintes. Elles sont largement surreprésentées dans les plaintes qui donnent lieu à une enquête du Commissaire et à une citation devant le Comité[22] ».

C’est dire que les plaintes formulées par les plaignants tiers se rendent beaucoup plus souvent en enquête et mènent beaucoup plus souvent à des citations devant le Comité de déontologie policière. En effet, alors que ces plaintes représentent 3,2 % des dossiers en déontologie policière, elles forment 22,6 % des dossiers amenés devant le Comité de déontologie policière et constituent 27,9 % de ceux qui donnent lieu à une sanction par ce Comité. Non seulement les plaignants tiers ne submergent pas le système, mais leurs plaintes sont très pertinentes et révèlent très souvent des abus ou inconduites policières.

Ainsi, rien ne justifie de créer un régime à deux vitesses en matière de déontologie policière. Toute personne doit avoir le droit de déposer une plainte auprès du Commissaire.

Le LDL dénonce toute tentative de retirer le droit de porter plainte à des citoyen-ne-s en raison de pressions du milieu policier, d’autant plus que celui-ci entretient un mythe qui a été déconstruit par une récente étude.

Recommandation 4

Que l’article 25 du PL 14 soit retiré, afin que toute personne ait le droit de déposer une plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière en vertu de la Loi sur la police.

En conséquence, il n’y a pas lieu de créer un régime de « signalement », dans la mesure où celui-ci est proposé afin de limiter le droit de porter plainte.

Que toute disposition créatrice d’un régime de « signalement » soit retirée du PL 14.

B) Processus de conciliation

Le PL 14 propose que le processus de conciliation, qui est présentement un processus obligatoire, sauf exception[23], soit dorénavant à la discrétion du plaignant dans les cas de plaintes alléguant une conduite discriminatoire par un policier.

À cet effet, l’article 31 du PL 14 prévoit l’insertion de l’article 147.1 dans la Loi sur la police :

147.1. Une plainte alléguant la conduite discriminatoire d’un policier peut être soumise à la conciliation, à la discrétion du plaignant. Ce dernier doit aviser par écrit le Commissaire de son choix dans les 30 jours du dépôt de la plainte. À défaut, il est présumé avoir refusé la conciliation.

Le Commissaire doit tenir une enquête lorsque le plaignant refuse la conciliation.

La LDL considère que cette disposition du PL 14 est un pas dans la bonne direction et que le législateur devrait aller au bout de la logique qui la sous-tend en donnant le choix à toutes les personnes plaignantes de participer ou non à un exercice de conciliation. L’article 147 de la Loi sur la police devrait être modifié afin que le processus de conciliation soit volontaire et optionnel, et ce, pour tout type de plainte en matière de déontologie policière.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) recommande depuis 2011 de rendre la conciliation facultative et de garantir une enquête par le Commissaire dès lors que celui-ci a des raisons de croire que le Code de déontologie des policiers du Québec a été enfreint[24]. Cette recommandation a été réitérée en 2022 dans son mémoire sur le projet de loi 18 :

La Commission recommande que l’article 147 de la Loi sur la police soit révisé de manière à ce que le processus de conciliation prévu lorsqu’une plainte est déposée au Commissaire à la déontologie policière soit volontaire. La Commission recommande en outre que cette disposition précise que l’une des parties puisse, en tout temps, selon sa seule appréciation et sans être tenue de dévoiler ses motifs, y mettre fin, sans nuire à la suite du processus[25].

Lorsqu’une personne porte plainte à la CDPDJ, une médiation est offerte. Toutefois, celle-ci est optionnelle et volontaire. La personne ayant porté plainte peut refuser qu’une médiation soit tenue, ce qui n’affecte pas le traitement de son dossier. Comme le rappelle la CDPDJ, le recours à des modes de prévention et de règlement des différends et des litiges, qui sont particulièrement mis en valeur dans les dernières années, doit être volontaire[26].

Si la conciliation peut être souhaitée par certain-e-s plaignant-e-s, ce n’est pas le cas pour tous et toutes. De nombreuses personnes peuvent craindre de se retrouver face au policier qui a commis une inconduite ou un abus à leur égard, même en présence d’une personne conciliatrice. Ces personnes aspirent plutôt à ce la lumière soit faite sur la situation qu’elles ont vécue par le biais d’une enquête indépendante et rigoureuse. Or, en l’état actuel, le refus de participer à la conciliation ou de signer le règlement à la fin de la conciliation mène très souvent à la fermeture du dossier, sans qu’une enquête ait lieu. Selon les témoignages recueillis par des organismes en soutien aux personnes en situation d’itinérance, nombreuses sont les personnes qui décident de ne pas porter plainte en déontologie policière parce qu’elles savent que leur plainte sera dirigée vers une conciliation obligatoire, sauf exception, ce qui ne répond pas à leur besoin de justice.

Combien de citoyen-ne-s ne portent pas plainte auprès du Commissaire en raison du fait que la conciliation est une étape obligatoire ? Il est évidemment impossible de chiffrer cette réalité connue. Toutefois, les statistiques actuelles sont révélatrices quant au traitement des plaintes actuellement.

Selon le rapport annuel 2021-2022 du Commissaire, 2 493 plaintes ont été reçues[27]. Durant cette même période[28], 624 conciliations ont eu lieu et seulement 177 enquêtes ont été décrétées. C’est donc dire que lors de l’analyse préliminaire, 65,5 % des plaintes ont été refusées, 27,9 % ont été référées en conciliation et seulement 6,6 % ont été référées en enquête.

Des 327 séances de conciliation tenues en 2021-2022, 63,3 % se sont conclues par une entente entre les parties et 33,3 % par un échec, c’est-à-dire par l’absence d’entente[29]. Ainsi, à la suite de l’échec de 109 conciliations, seulement 14 d’entre elles ont été référées en enquête, les autres dossiers ayant été fermés.

Le Commissaire a réalisé un sondage en 2018-2019 afin de mesurer la satisfaction des personnes qui ont participé au processus de conciliation. Si les résultats sont assez élevés quant à la clarté des documents, de la courtoisie des employés et de l’accueil, seulement 68 % des personnes ayant participé à une conciliation « se sont déclarées globalement satisfaites que leur plainte ait fait l’objet d’une analyse et d’un examen sérieux »[30].

Recommandation 5

Que l’article 147 de la Loi sur la police soit révisé afin que le processus de conciliation soit volontaire et optionnel pour toute personne qui dépose une plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière, et qu’un refus de participer à une rencontre de conciliation ou la volonté d’y mettre fin n’affecte pas la suite du processus de traitement de la plainte.

C) Délai de prescription pour porter plainte

La LDL déplore que le PL 14 ne modifie pas les délais de prescription en matière de déontologie policière et civile de façon à faciliter l’exercice des recours existants aux personnes victimes de violations de droits et d’inconduites policières.

Le PL 14 ne prévoit ni de modifier le délai de prescription pour porter plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière, actuellement d’un an selon l’article 150 de la Loi sur la police, ni de modifier le délai de prescription pour initier un recours civil à l’encontre d’un corps de police ou un policier, actuellement de six mois selon la Loi sur les cités et villes.

Délai en matière de déontologie policière

La LDL demande que le délai de prescription en matière de déontologie policière soit modifié pour qu’il soit d’une durée de trois ans. Il s’agit d’une demande de longue date d’organisations communautaires et de défense des droits visant à favoriser l’accès à la justice, et il est plus que temps que le législateur y donne suite.

Dans le rapport de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (Commission Viens), le Commissaire Viens recommande également que le délai de prescription soit de trois ans (appel à l’action n38)[31]. Dans son rapport, le Commissaire Viens souligne le fait que le délai d’un an pour porter plainte est bien souvent expiré au moment où une personne souhaite entreprendre un recours en matière de déontologie policière. Cette situation se produit par exemple lorsque des personnes souhaitent porter plainte à l’issue d’accusations criminelles déposées à l’égard d’un policier. Les délais en cette matière excédant bien souvent un an, le Commissaire Viens déplore que « cette contrainte temporelle laisse bon nombre de gens sans recours » en matière de déontologie policière[32].

Le court délai pour porter plainte affecte aussi bien souvent les citoyen-ne-s qui, lors d’une intervention policière abusive, se voit remettre un constat d’infraction ou une accusation criminelle. Les situations où des policiers tentent de camoufler une intervention abusive et discriminatoire en portant des accusations contre un-e citoyen-ne sont des réalités bien connues. Le Commissaire à la déontologie policière relate à cet égard plusieurs exemples de ce genre sur son site Web[33].

On peut comprendre aisément que lorsqu’elle est confrontée à des accusations dans un tel contexte, la personne ayant vécu des abus policiers peut avoir la crainte que le dépôt d’une plainte en déontologie policière affecte négativement le processus pénal ou criminel qui l’attend. Elle souhaitera souvent attendre l’issue des procédures avant d’entreprendre une démarche en déontologie policière. Puisque le délai en matière pénale et criminelle excède bien souvent le délai d’un an, cette personne ne pourra donc pas porter plainte à l’issue des procédures en raison du délai de prescription actuel.

Une intervenante d’un organisme communautaire nous a récemment informé, à titre d’exemple, que les personnes en situation d’itinérance priorisent d’abord de se défendre face à l’infraction qui leur est reprochée et que ce n’est qu’une fois qu’elles y sont arrivées avec succès qu’elles peuvent parfois trouver le courage de porter plainte en déontologie policière. Or, avec le délai actuel d’un an, cela est impossible et elles se retrouvent donc sans recours.

Les problèmes que pose l’actuel délai d’un an sont connus. D’ailleurs, le projet de loi 18 déposé le 8 décembre 2021 prévoyait d’allonger le délai de prescription à 3 ans. Rien ne justifie d’imposer un délai de prescription aussi court aux personnes souhaitant rapporter des inconduites ou des abus policiers, particulièrement en considération du rapport asymétrique de pouvoir existant entre les forces policières et ces personnes, bien souvent vulnérables.

L’argument souvent évoqué, notamment par le Commissaire devant le CCRP, voulant que la mémoire des témoins puisse être affectée par l’écoulement du temps n’est en aucun cas une justification acceptable pour nier aux citoyen-ne-s l’accès à un recours de plainte. Il est à noter que les actions en matière de violence subie dans l’enfance, de violence sexuelle ou de violence conjugale sont imprescriptibles. Ces dossiers sont basés la plupart du temps uniquement sur des versions contradictoires, faisant en sorte que la mémoire des témoins est l’élément central au débat. Malgré cela, le législateur a aboli le délai de prescription dans ces matières. De plus, cet argument est difficilement convaincant considérant que le délai de prescription le plus fréquemment applicable en matière civile est de trois ans, et que l’impact de l’écoulement de ce délai sur la mémoire des témoins ne représente pas un enjeu en regard du délai de prescription.

Recommandation 6

Que l’article 150 de la Loi sur la police soit modifié afin que le délai de prescription pour porter plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière soit de trois (3) ans.

Délai en matière civile

La LDL déplore que le PL 14 ne modifie pas le délai de prescription excessivement court de six mois prévus aux articles 585 (5) et 586 de la Loi sur les cités et villes concernant tout recours extracontractuel porté contre une municipalité ou l’un de ses préposés. À moins d’un préjudice corporel, le délai de prescription pour déposer un recours civil à l’encontre d’un service de police est limité à un délai de six mois.

De nombreux acteurs ont demandé que ce délai soit prolongé à trois ans. Rappelons que le délai de prescription qui s’applique le plus fréquemment en matière civile au Québec est de trois ans[34] à partir du moment où une personne a connaissance de tous les éléments essentiels de sa poursuite.

Rien ne justifie de continuer à imposer un délai de prescription en matière civile aussi court aux personnes qui estiment avoir vécu un ou des préjudices et des violations de leurs droits par un ou des policiers.

Ce délai est d’autant plus problématique en l’espèce considérant que l’article 9 du PL 14 prévoit d’octroyer aux corps de police municipaux une compétence sur tout le territoire du Québec, alors qu’ils avaient initialement seulement compétence sur le territoire de la municipalité à laquelle ils étaient rattachés. Considérant que le délai de prescription concernant tout recours extracontractuel porté contre la Sûreté du Québec est actuellement de trois ans, il existerait donc désormais deux délais de prescription concurrents pour deux corps de police ayant les mêmes pouvoirs sur le même territoire.

Ainsi, dans la situation où une personne subit un dommage à la suite d’une faute d’un policier d’un corps de police municipal commise à l’extérieur de territoire de la municipalité, par exemple sur une autoroute, quel serait le délai de prescription applicable ? Les personnes interceptées par la Sûreté du Québec auraient-elles un délai plus long si elles désirent entreprendre un recours civil contrairement à celles interceptées par un corps de police municipal ?

Recommandation 7

Que les articles 585 (5) et 586 de la Loi sur les cités et villes soient modifiés afin que le délai de prescription pour intenter un recours civil contre un corps de police municipal ou l’un de ses préposés soit de trois (3) ans.

 3) BUREAU DES ENQUÊTES INDÉPENDANTES

3.1.  La nécessité d’une réforme en profondeur du BEI

La LDL déplore que le PL 14 ne contienne aucune réforme du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Elle enjoint les parlementaires à entreprendre une telle réforme rapidement. En 2020, la LDL et la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) ont publié le rapport Regards critiques sur les trois premières années d’activités du BEI[35]. Il s’agit de la première fois au Québec où un bilan complet du BEI est réalisé par des organisations de la société civile.

À partir de sources documentaires et de témoignages de proches de citoyens décédés lors d’interventions policières, la LDL et la CRAP concluent que le BEI n’est pas un bureau d’enquête indépendant du milieu policier, impartial et transparent. À titre de jalons d’une réforme en profondeur, nous avons formulé 46 recommandations à l’intention des autorités politiques et de la direction du BEI. Des modifications substantielles à la Loi sur la police et à la réglementation applicable s’imposent.

Voici 9 de nos recommandations issues de ce rapport en regard des principes d’indépendance, d’impartialité et de transparence :

1) Que la prérogative d’aviser le BEI en cas de blessure grave ou de décès aux mains de la police ne soit pas l’unique responsabilité du directeur du corps de police impliqué. Que toute personne témoin puisse aussi alerter directement le BEI. Que la Loi sur la police soit modifiée en conséquence ;

2) Que la Loi sur la police et le Règlement sur la procédure de sélection et sur la formation des enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes soient modifiés afin que l’équipe du BEI ne soit composée que de civils n’ayant jamais travaillé pour un corps de police en tenant compte de la fin des mandats des personnes actuellement en poste ;

3) Que l’enquêteur du BEI qui avise la direction d’une situation le plaçant en conflit d’intérêts soit tenu à l’écart de l’enquête à mener. Que la direction du BEI veille à ce qu’aucun enquêteur ne soit affecté à une enquête qui concerne un corps de police où il a déjà travaillé à titre de policier ou d’employé civil ;

4) Que le gouvernement attribue au BEI les ressources financières nécessaires à la mise en place de sa propre unité d’enquêteurs spécialisés en identité judiciaire et en reconstitution de collision ;

5) Que des sanctions pénales soient explicitement prévues au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes en cas de non-respect des obligations qui y sont énoncées ;

6) Que le BEI soit tenu, en cours d’enquête, de publier des communiqués informant immédiatement le public de tout manquement du corps de police impliqué à ses obligations prévues au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes ou à la Loi sur la police, ainsi que toute action prise à cet égard. Que cette obligation de communication soit inscrite au Règlement ;

7) Que des modifications soient apportées au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes afin d’obliger le BEI à rendre public un résumé exhaustif et anonymisé de ses rapports d’enquêtes indépendantes dans tous les cas où le DPCP décide de ne pas porter d’accusation. Cette publication devrait être faite au même moment où le DPCP fait connaître cette décision ;

8) Clarifier et élargir la définition de blessure grave actuellement prévue dans le Règlement sur le dé roulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes de manière à restreindre le pouvoir discrétionnaire d’interprétation du directeur du corps de police impliqué et de la direction du BEI ;

9) Que la Loi sur la police soit modifiée de manière à rendre obligatoire la tenue d’une enquête du BEI dans tous les cas d’allégation relative à une infraction à caractère sexuel commise par un policier, qu’il soit dans l’exercice de ses fonctions ou non.

Le 7 juin 2021, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision renforçant nos constats. Le tribunal a établi que le BEI n’a pas été indépendant et impartial dans ses communications avec le public relativement à l’enquête sur le décès de Koray Kevin Celik survenu le 6 mars 2017 à L’Île-Bizard, lors d’une intervention du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Dans son communiqué sommaire sur le bilan de l’enquête, le BEI n’avait relaté que la version policière et avait complètement occulté la version divergente des parents de la victime, qui étaient pourtant des témoins directs de l’intervention policière qui s’est déroulée au domicile familial. Voici les constats auxquels le juge est parvenu, dans la décision Celik c. Bureau des enquêtes indépendantes[36] :

 [121] Ce n’est pas un texte neutre. Il n’en ressort aucune indépendance, ni même impartialité. La cour d’appel [34] a statué que la police a l’obligation de préserver la présomption d’innocence lorsqu’elle procède à la publication d’une arrestation. Un tel devoir s’impose d’emblée au BEI qui doit exercer sa discrétion de façon impartiale et neutre. En ne publiant qu’une version, celle des policiers impliqués, ne court-on pas le risque de publier des demi-vérités, de déformer la réalité et de miner la confiance du public ?

[122]   L’usage des mots « L’enquête démontre » avant le début de la narration laisse croire que le BEI prend position et cette position est uniquement basée sur la version policière. Or, c’est le DPCP qui tire les conclusions puisque c’est lui qui détermine si des accusations criminelles sont portées ou non.

[123]   Le communiqué tire une conclusion en excluant totalement la version des parents. Ce faisant, le BEI prend position. Que la version policière soit réelle et prenne assise dans le rapport ne change rien dans l’affaire [35]. Il existe une autre version tout aussi crédible par des témoins oculaires, laquelle est oblitérée.

Dans combien d’autres situations cela s’est-il produit ? La question se pose. Il est impératif que le BEI soit soumis à de hauts standards en matière de transparence. Or, depuis le début de ses activités en 2016, le BEI ne publie que des communiqués très sommaires, comparativement à d’autres organismes similaires ailleurs au Canada[37].

L’une des premières mesures que les parlementaires doivent mettre en place en matière de transparence est d’exiger que le BEI publie un rapport détaillé, exhaustif et anonymisé de ses enquêtes lorsque le DPCP ne porte pas d’accusation. Le BEI devrait informer la population et les familles des victimes de tous les faits relatifs à l’intervention policière, des démarches d’enquête, des éléments de preuves colligés et des déclarations détaillées des témoins et personnes impliquées.

L’opacité entourant les enquêtes du BEI est également un constat auquel est parvenue l’observatrice civile indépendante, Me Fannie Lafontaine, qui qualifiait le BEI de « cancre au Canada en matière de transparence » dans un rapport rendu public en octobre 2020 :

[Le BEI] devrait avoir l’obligation de rendre un rapport détaillé de ses enquêtes, lorsque le DPCP décide de ne pas porter d’accusations criminelles. Un résumé détaillé des enquêtes menées par le BEI permettrait à la population de connaitre les faits entourant l’intervention policière, de comprendre les moyens déployés pour découvrir la vérité, d’apprécier la rigueur et la qualité de l’enquête réalisée et, finalement, de mieux saisir la décision de ne pas déposer d’accusation. […] La population serait alors plus à même de juger de l’impartialité et de l’indépendance des enquêtes menées par le BEI ce qui, je crois, aurait pour effet d’accroître significativement sa confiance envers ce mécanisme d’enquête qui œuvre dans un contexte où la méfiance du public en général et des Autochtones en particulier, est grande et bien documentée.[38]

La LDL enjoint les parlementaires à apporter des modifications au PL 14 afin d’amorcer dès à présent la réforme du BEI, en débutant par la publication d’un rapport détaillé, exhaustif et anonymisé de ses enquêtes « indépendantes » en vertu de l’article 289.1 lorsqu’aucune accusation n’est déposée.

Recommandation 8

Que le législateur entreprenne une réforme de la Loi sur la police du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes afin que le BEI soit un organisme d’enquête indépendant du milieu policier, impartial et transparent.

Que le PL 14 soit modifié afin d’inclure plusieurs premiers jalons de la réforme nécessaire du BEI.

Notamment, que la Loi sur la police soit modifiée afin que le BEI soit tenu de rendre public un rapport détaillé, exhaustif et anonymisé de ses enquêtes « indépendantes » menées en vertu de l’article 289.1, lorsque le DPCP décide de ne pas porter d’accusation.

Les enquêtes de la police sur la police continuent

N’étant pas indépendant et impartial, le BEI perpétue en son sein le phénomène des enquêtes de la police sur la police auquel il était pourtant censé mettre fin.

Les enquêtes de la police sur la police persistent également en matière d’allégations d’infraction criminelle commises par des policiers, car bon nombre d’entre elles sont encore menées par des corps de police. La LDL constate à cet effet que le PL 14 ne donne pas suite aux constats accablants rapportés en 2017 par Me Michel Bouchard dans son Rapport d’enquête administrative sur la Division des affaires internes du Service de police de la Ville de Montréal[39].

L’enquête de Me Bouchard révélait l’existence d’un système parallèle nommé « INFO » au sein du SPVM. Pendant plus de 10 ans, des dossiers d’allégations d’infractions criminelles commises par des policiers ont été mis en « veilleuse » et n’ont pas fait l’objet d’enquête ou d’accusation criminelle, en violation de la Loi sur la police. Ces révélations auraient dû sonner le glas des enquêtes de la police sur la police, mais il n’en fut rien.

La LDL réitère qu’il est essentiel de mettre fin aux enquêtes de la police sur la police au Québec et d’assurer l’existence d’un mécanisme d’enquête indépendant, impartial et transparent sur la police.

3.2. Commentaires sur les dispositions du PL 14 concernant le BEI

A) Ajout des principes d’impartialité et de transparence

L’article 90 du PL 14 prévoit de modifier l’article 289.1 de la Loi sur la police, par l’ajout à la fin du 1er alinéa, d’une phrase énonçant les principes d’impartialité et de transparence de l’enquête.

289.1. Une enquête indépendante doit être tenue lorsqu’une personne, autre qu’un policier en devoir, décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier, lors d’une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Cette enquête a pour objet de faire la lumière sur l’événement et les circonstances qui l’entourent avec impartialité et transparence.

Une enquête doit également être tenue lorsque le Bureau des enquêtes indépendantes est informé d’une allégation relative à une infraction à caractère sexuel commise par un policier dans l’exercice de ses fonctions, à moins que le directeur du Bureau ne considère que l’allégation est frivole ou sans fondement, après avoir consulté, s’il le juge nécessaire, le directeur des poursuites criminelles et pénales.

Un règlement du gouvernement définit ce que constitue une blessure grave au sens du premier alinéa.

La LDL est d’avis que l’article 90 devrait également inclure un 3e principe important : l’indépendance du BEI à l’égard des corps de police.

Il importe cependant de rappeler que la modification de l’article 289.1 n’est pas performative : il ne suffit pas de dire que les enquêtes du BEI sont menées avec indépendance, impartialité et transparence pour que cela soit le cas.

La LDL réitère qu’il est primordial que le législateur entreprenne une réforme en profondeur du BEI sans plus attendre.

Recommandation 9

Que l’article 90 du PL 14 soit modifié afin d’inclure le principe de l’« indépendance à l’égard des corps de police ».

B) Pouvoir du directeur de mettre fin à une enquête

Le PL 14 propose de donner au directeur du BEI un large pouvoir discrétionnaire lui permettant de mettre fin à une enquête sans avoir à la compléter. Les articles 91 et 94 du PL 14 prévoient à cet effet l’insertion dans la Loi sur la police de nouveaux articles 289.1.1. et 289.21.1. Bien que le libellé de l’article 289.1.1 ne le précise pas, on peut inférer que ce pouvoir discrétionnaire ne concerne que les enquêtes « indépendantes » en vertu de l’article 289.1 et non les enquêtes sur des allégations d’infractions criminelles commises par des policiers.

289.1.1. Le directeur du Bureau peut, sauf si la confiance du public envers les policiers pourrait être gravement compromise, mettre fin à une enquête s’il est convaincu, après avoir consulté, s’il le juge nécessaire, le directeur des poursuites criminelles et pénales, que l’intervention policière n’ait pas contribué au décès ou à la blessure grave.

Toutefois, le Bureau doit compléter l’enquête s’il est porté à sa connaissance un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait justifié que l’enquête soit complétée.

289.21.1. Le directeur du Bureau communique au public les motifs de sa décision de mettre fin à une enquête en vertu du premier alinéa de l’article 289.1.1.

La LDL considère que le BEI doit mener à terme toute enquête déclenchée en vertu de l’article 289.1 de la Loi sur la police et transmettre son rapport d’enquête au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin que celui-ci procède à son analyse.

Il serait inacceptable que certaines enquêtes puissent ne pas être complétées. La LDL considère que la proposition actuelle va dans la direction opposée de la réforme que le législateur doit entreprendre afin que le BEI devienne un organisme indépendant, impartial et transparent, et capable de susciter la confiance de la population et des proches des victimes.

Cette proposition est également en apparente contradiction avec l’article 90 du PL 14 qui énonce que l’enquête « a pour objet de faire la lumière sur l’événement et les circonstances qui l’entourent avec impartialité et transparence. » Comment faire véritablement la lumière avec transparence lorsque l’enquête n’est pas terminée et que le rapport complet de l’enquête n’a pas été soumis au DPCP ?

Mentionnons également qu’aucune balise ne pourrait rendre un tel pouvoir discrétionnaire acceptable. L’obligation pour le directeur du BEI de communiquer au public les motifs de sa décision n’est en aucun cas une garantie d’imputabilité. Tel que nous l’avons exposé dans la section 5.1, le BEI ne produit actuellement que des communiqués publics très sommaires relativement aux enquêtes qu’il mène. On peut entrevoir que les informations que le directeur du BEI communiquerait au public et aux proches de la victime après avoir décidé de fermer une enquête seraient tout aussi sommaires.

Ainsi, la LDL considère que les articles 289.1.1 et 289.21.1 du PL 14 doivent être retirés.

Recommandation 10

Que les articles 290.1.1 et 289.21.1 du PL 14 soient retirés, afin que le Bureau des enquêtes indépendantes soit tenu de compléter toutes les enquêtes en vertu de l’article 289.1 de la Loi sur la police.

 4) SYSTÈME CORRECTIONNEL

4.1. Les prisons au Québec : un lieu de violations de droits

L’état du système carcéral aujourd’hui au Québec est celui d’un régime de violations de droits systémiques et d’institutions carcérales opaques, jumelé à une inertie des autorités politiques. Les problématiques sont nombreuses : conditions de détention dégradantes et inhumaines, taux de tentatives de suicides et suicides plus élevés que dans la population, isolement et confinement fréquents équivalents à se retrouver « en prison dans une prison », usage abusif de la force, accès défaillant à des soins de santé physique et psychologique, surincarcération des Autochtones, pratiques discriminatoires à l’égard des personnes incarcérées trans et non binaires, incarcération des personnes ayant une déficience intellectuelle, phénomène des portes tournantes, etc.

Bon nombre de ces violations de droits se perpétuent en partie en raison du fait la Loi sur le système correctionnel du Québec (LSCQ) et les pratiques carcérales contreviennent aux Chartes et à l’état du droit. La LDL exhorte les parlementaires à entreprendre une réforme de la LSCQ en consultant les associations d’avocat-e-s carcéralistes et les organisations de défense des droits des personnes incarcérées.

Depuis sa création dans les années 1960, la LDL se porte à la défense des droits des personnes incarcérées. Elle poursuit son travail à cet égard, en appelant à une remise en question du recours à l’incarcération au Québec.  En plus de mettre à mal les droits humains, l’incarcération échoue à remplir les fonctions censées justifier son existence, notamment la réinsertion sociale, la dissuasion et la diminution de la violence. Dans bien des cas, l’incarcération est une réponse punitive et restrictive de liberté à des enjeux sociaux, résultat d’un désengagement de l’État quant à ses obligations en matière de droits économiques et sociaux.

Les personnes incarcérées dans les établissements de détention du Québec sont en grande partie condamnées à de courtes peines de moins de six mois. Or, il a été démontré que ces peines sont inefficaces. Elles n’ont pas d’impact sur le taux de récidive et nuisent à la réintégration sociale des personnes, provoquant notamment des pertes d’emplois, de logement et de prestations de solidarité sociale, en plus de briser les liens sociaux et familiaux et de porter atteinte à la santé mentale et physique. Ce type de peine d’incarcération devrait être aboli, ce qui réduirait aussi considérablement la population carcérale.

Il en va de même pour les courtes peines discontinues de « fins de semaine ». Dans un rapport d’enquête spéciale publié en 2018, le bureau du Protecteur du citoyen faisait état des conséquences de leur augmentation (conditions de détention difficiles, augmentation du risque de tensions et de violence, multiplication des fouilles à nu), laquelle est concomitante aux modifications au Code criminel imposant des peines minimales pour certaines infractions. Le Protecteur recommandait, entre autres, de privilégier d’autres voies que la détention. Durant la pandémie de COVID-19, les peines discontinues ont d’ailleurs été suspendues par décret gouvernemental pendant deux ans, ce qui montre bien qu’il est possible de mettre fin à ce type de peine.

Face à l’opacité du système carcéral et devant l’ampleur des violations de droits, force est de constater  la nécessité d’un débat de société sur le recours à l’incarcération. La LDL enjoint aussi le gouvernement à mettre en place une Commission d’enquête publique afin d’examiner l’ensemble du système carcéral.

Recommandation 11

Que le législateur entreprenne une réforme en profondeur de la Loi sur le système correctionnel du Québec et de la règlementation applicable.

Qu’une commission d’enquête publique sur l’ensemble du système carcéral québécois soit mise en place.

4.2. Commentaires sur les dispositions du PL 14 concernant le système correctionnel

A) Comité de discipline

« La Charte, ça s’applique pas dans les prisons »

— propos tenu en 2019 à l’égard d’une avocate en droit carcéral, par un agent correctionnel lors d’une rencontre du comité de discipline d’un établissement de détention du Québec

L’article 119 du PL 14 propose de modifier l’article 41 de la Loi sur le système correctionnel du Québec (LSCQ) afin que la révision d’une décision du comité de discipline d’un établissement de détention soit dorénavant effectuée par une personne désignée par le ministre.

La LDL prend acte de la modification proposée, mais considère qu’elle est nettement insuffisante. À notre avis, le processus actuel de discipline dans les prisons provinciales est illégal. En effet, le comité de discipline tel qu’instauré par la LSCQ rend des décisions qui vont à l’encontre des principes élémentaires d’équité et d’impartialité, ainsi qu’à l’encontre de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel prévoit :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

D’abord, le comité de discipline n’a pas de procédures permettant d’assurer l’impartialité des décideur-e-s. Cela a pour effet de créer des situations où des agent-e-s décideur-e-s connaissent très bien la personne détenue, par exemple parce qu’il s’agit d’un-e agent-e responsable de son secteur, de l’agent-e de probation ayant réalisé l’évaluation du risque en vue d’une audience devant la Commission des libérations conditionnelles du Québec (CLCQ), d’un-e agent-e ayant fait l’objet d’une plainte de sa part par le passé ou de l’agent-e titulaire qui a procédé à une recommandation à la CLCQ.

En matière d’équité procédurale, le comité de discipline fait aussi piètre figure. Les sanctions prévues à l’article 68 du Règlement d’application de la LSCQ[40] s’apparentent à des peines de nature criminelle, notamment parce qu’elles entraînent des conséquences de la même nature qu’une déclaration de culpabilité pour une infraction criminelle[41]. Ces sanctions impliquent une privation de liberté, par la réclusion, le confinement, l’isolement ou le transfert vers un secteur à sécurité plus élevée ; ceci revient à être placé-e « en prison au sein d’une prison ».

Lorsqu’un-e décideur-e rend une décision portant atteinte au droit à la liberté résiduelle, la norme à appliquer est celle de la preuve hors de tout doute raisonnable. Or, le comité de discipline procède plutôt selon le fardeau de la balance des probabilités. Également, le comité de discipline procède par renversement du fardeau de preuve, c’est-à-dire qu’il demande à la personne détenue de s’expliquer, après lui avoir simplement lu le rapport disciplinaire. Sauf exceptionnellement et sur demande — laquelle est rarement accordée — le comité de discipline ne fait entendre aucun témoin pour commenter le rapport disciplinaire. Enfin, selon son interprétation des règles, le comité a le pouvoir de refuser le droit à l’avocat-e, ce qu’il fait régulièrement même si la personne détenue a spécifiquement demandé l’assistance d’un-e avocat-e.

Enfin, certains comités de révision de la Commission des services juridiques refusent d’accorder un tarif pour « audience disciplinaire » devant le comité de discipline aux avocat-e-s qui en font la demande. La raison invoquée pour ce refus est que le comité de discipline n’est pas considéré comme un tribunal, car il n’est pas impartial et ne respecte pas les principes de justice naturelle[42]. En comparaison, au niveau fédéral, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition[43] prévoit un régime en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Une révision complète du processus disciplinaire au sein des établissements de détention est nécessaire afin d’assurer l’impartialité du processus et l’équité procédurale qui font défaut actuellement.

Recommandation 12

Que la Loi sur le système correctionnel du Québec soit révisée afin d’assurer l’impartialité du comité de discipline et l’équité procédurale du processus, en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

B) Commission des libérations conditionnelles du Québec

Plusieurs dispositions du PL 14 concernent la Commission des libérations conditionnelles du Québec. À cet égard, nous souhaitons mettre en lumière l’existence de problématiques importantes concernant le partage de l’information par les autorités correctionnelles avec les personnes incarcérées et leurs avocat-e-s.

La LSCQ et son règlement d’application n’imposent pas d’obligation pour les établissements de détention de partager les renseignements en leur possession concernant les personnes incarcérées, alors que la loi concernant les pénitenciers fédéraux le prévoit. Il s’agit à notre avis d’une atteinte sérieuse à l’équité procédurale protégée par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

De nombreux obstacles administratifs font en sorte que les requêtes des personnes incarcérées dans les prisons provinciales sont traitées dans des délais déraisonnables, voire pas du tout traitées, puisqu’elles sont tributaires du bon vouloir des agent-e-s correctionnel-le-s. Les documents demandés, lesquels sont nécessaires à la préparation des audiences sur la libération conditionnelle, ne sont souvent partagés par les prisons qu’à la toute dernière minute avant l’audience, voire pas du tout. Ceci entraine des reports d’audience et, nécessairement, une prolongation de l’incarcération.

De plus, pour obtenir une copie de son dossier, la personne incarcérée doit passer par son ou sa représentant-e légal-e. En effet, bien qu’une personne incarcérée non représentée puisse en principe formuler une demande d’accès à l’information auprès de son établissement de détention, elle n’est généralement pas informée de cette procédure si elle n’a pas de représentant-e légal-e. L’absence de règles relatives au partage des renseignements qui seront présentés en audience devant la CLCQ implique que l’avocat-e doit nécessairement obtenir une procuration signée de son ou sa client-e afin de faire des demandes d’accès à l’information aux Services correctionnels et à la CLCQ. Par ailleurs, les délais pour obtenir ces documents auprès des autorités carcérales varient grandement d’un centre de détention à l’autre, et des suivis et rappels aux responsables de l’accès à l’information sont souvent nécessaires.

Également, la preuve concernant les délits pour lesquels une personne est incarcérée n’est souvent pas accessible au début de l’incarcération, puisque ces documents ne sont obtenus des services correctionnels qu’à la suite d’une demande au Directeur des poursuites criminelles et pénales. La communication de cette information aux Services correctionnels prend plusieurs semaines, voire plusieurs mois et, rappelons-le, n’est pas communiquée aux détenu-e-s si leurs avocat-e-s n’en ont pas fait la demande. Or, l’obtention de cette preuve le plus tôt possible dans le cadre du processus permet de préparer adéquatement la personne incarcérée à la tenue de son audience devant la CLCQ.

À ceci s’ajoute un problème majeur, soit celui que les documents qui sont transmis sont largement caviardés. Ceci rend inéquitable la procédure de demande de libération conditionnelle, puisque la personne incarcérée et son ou sa représentant-e n’ont alors pas accès à plusieurs informations importantes pour la préparation de la demande de libération.

L’absence de procédure officielle de partage de la preuve au tout début de la sentence est un obstacle important au processus de préparation de la libération conditionnelle. À notre avis, ceci porte atteinte à l’équité procédurale pour les personnes qui reçoivent des sentences dans un établissement de détention provincial.

En comparaison, la loi prévoit spécifiquement l’obligation des Service correctionnel Canada de partager l’information avec les personnes détenues. Toutes les informations dont tiendra compte la Commission des libérations conditionnelles du Canada pour l’audience sur les libérations conditionnelles doivent être partagées avec le détenu 15 jours à l’avance.

Recommandation 13

Que la Loi sur le système correctionnel du Québec soit modifiée afin de garantir le principe du partage de l’information avec les personnes incarcérées et leurs représentants légaux relativement à la tenue d’audiences de la Commission des libérations conditionnelles du Québec, ceci en respect du droit à l’équité procédurale.

 

 5) RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

Recommandation 1

Que la pratique de l’interpellation policière soit formellement interdite sur tout le territoire du Québec.

Que l’élaboration de cette interdiction fasse l’objet d’une consultation publique de la société civile.

Que le moyen adopté pour interdire la pratique de l’interpellation policière assure la pérennité de celle-ci et prévoit des sanctions dissuasives et publiques en cas de non-respect.

Que des mécanismes visant à assurer que la pratique de l’interpellation a véritable cent cessé sur le terrain soient mis en place.

Recommandation 2

Suivant notre recommandation 1 et dans l’éventualité où le moyen préconisé pour interdire la pratique de l’interpellation policière soit celui d’une ligne directrice :

Que l’article 97 du PL 14 soit modifié afin de prévoir explicitement que la ligne directrice concernant les interpellations policières vise à interdire cette pratique.

Qu’une consultation publique portant sur l’élaboration de cette ligne directrice soit tenue.

Que le délai d’adoption de la ligne directrice prévu à l’article 137 du PL 14 soit révisé en conséquence.

Recommandation 3

Que le projet de loi 14 soit modifié afin de prévoir que le non-respect d’une ligne directrice adopté par le ministre de la Sécurité publique en vertu de la Loi sur la police constitue une conduite dérogatoire au Code de déontologie des policiers du Québec.

Recommandation 4

Que l’article 25 du PL 14 soit retiré, afin que toute personne ait le droit de déposer une plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière en vertu de la Loi sur la police.

En conséquence, il n’y a pas lieu de créer un régime de « signalement », dans la mesure où celui-ci est proposé afin de limiter le droit de porter plainte.

Que toute disposition créatrice d’un régime de « signalement » soit retirée du PL 14.

Recommandation 5

Que l’article 147 de la Loi sur la police soit révisé afin que le processus de conciliation soit volontaire et optionnel pour toute personne qui dépose une plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière, et qu’un refus de participer à une rencontre de conciliation ou la volonté d’y mettre fin n’affecte pas la suite du processus de traitement de la plainte.

Recommandation 6

Que l’article 150 de la Loi sur la police soit modifié afin que le délai de prescription pour porter plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière soit de trois (3) ans.

Recommandation 7

Que les articles 585 (5) et 586 de la Loi sur les cités et villes soient modifiés afin que le délai de prescription pour intenter un recours civil contre un corps de police municipal ou l’un de ses préposés soit de trois (3) ans.

Recommandation 8

Que le législateur entreprenne une réforme de la Loi sur la police du Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes afin que le BEI soit un organisme d’enquête indépendant du milieu policier, impartial et transparent.

Que le PL 14 soit modifié afin d’inclure plusieurs premiers jalons de la réforme nécessaire du BEI.

Notamment, que la Loi sur la police soit modifiée afin que le BEI soit tenu de rendre public un rapport détaillé, exhaustif et anonymisé de ses enquêtes « indépendantes » menées en vertu de l’article 289.1, lorsque le DPCP décide de ne pas porter d’accusation.

Recommandation 9

Que l’article 90 du PL 14 soit modifié afin d’inclure le principe de l’« indépendance à l’égard des corps de police ».

Recommandation 10

Que les articles 290.1.1 et 289.21.1 du PL 14 soient retirés, afin que le Bureau des enquêtes indépendantes soit tenu de compléter toutes les enquêtes en vertu de l’article 289.1 de la Loi sur la police.

Recommandation 11

Que le législateur entreprenne une réforme en profondeur de la Loi sur le système correctionnel du Québec et de la règlementation applicable.

Qu’une commission d’enquête publique sur l’ensemble du système carcéral québécois soit mise en place.

Recommandation 12

Que la Loi sur le système correctionnel du Québec soit révisée afin d’assurer l’impartialité du comité de discipline et l’équité procédurale du processus, en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Recommandation 13

Que la Loi sur le système correctionnel du Québec soit modifiée afin de garantir le principe du partage de l’information avec les personnes incarcérées et leurs représentants légaux relativement à la tenue d’audiences de la Commission des libérations conditionnelles du Québec, ceci en respect du droit à l’équité procédurale.

 


ANNEXE 1

 DÉCLARATION POUR L’INTERDICTION DES INTERPELLATIONS POLICIÈRES AU QUÉBEC

15 février 2023

Depuis plusieurs années au Québec, on entend de plus en plus parler des interpellations policières dans l’espace public (aussi appelées street checks). Cette pratique arbitraire perdure depuis longtemps.

Le gouvernement du Québec doit interdire les interpellations policières !

Il est temps d’y mettre fin, pour les trois raisons suivantes :

1 – Violations des droits

Les interpellations violent les droits et libertés de toute personne interpellée (droit à la liberté, droit à la vie privée et à l’anonymat, droit à la protection contre les détentions arbitraires) protégés par les chartes québécoise et canadienne.

2 – Profilages racial et social

Les interpellations visent particulièrement les personnes autochtones, noires et racisées, les personnes en situation d’itinérance et de marginalité dans l’espace public, les personnes aux prises avec des enjeux de santé mentale, les travailleuses du sexe et les personnes utilisatrices de drogues. Cette pratique génère de l’insécurité au sein des communautés ciblées. Elle est une dimension du phénomène du profilage racial et du profilage social systémiques.

3 – Absence de fondement juridique

Les policiers n’ont pas le pouvoir de faire des interpellations au Québec et il n’est nullement démontré que cette pratique est nécessaire pour assurer la sécurité publique.

 


 

LISTE DES ORGANISATIONS SIGNATAIRES DE LA DÉCLARATION

En date du 3 avril 2023 

  1. Aide aux Trans du Québec
  2. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux
  3. Amnistie internationale Canada Francophone
  4. Association de l’Ouïe de l’Outaouais
  5. Association de Solidarité et d’Entraide Communautaire de la Vallée-de-la-Gatineau
  6. Association des Avocats de la Défense de Québec
  7. Association des avocats de la défense Montréal-Laval-Longueuil
  8. Association des juristes progressistes
  9. Association Marocaine des Droits Humains, section Canada
  10. Association québécoise des avocats et avocates de la défense
  11. Bureau de consultation jeunesse
  12. CALACS du Saguenay
  13. Centre de femmes l’Érige
  14. Centre de femmes l’Essentielle
  15. Centre de recherche-action sur les relations raciales
  16. Centre des femmes d’ici et d’ailleurs
  17. Centre Justice et Foi
  18. Centre ressources pour femmes de Beauport
  19. Centre social d’aide aux immigrants
  20. Chinois progressistes du Québec
  21. Clinique Droit de cité
  22. Clinique Droits Devant
  23. Clinique juridique de Saint-Michel
  24. Clinique juridique du Grand Montréal
  25. Clinique juridique itinérante
  26. Coalition contre la répression et les abus policiers
  27. Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+
  28. Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida
  29. Coalition Rouge
  30. Collectif La ville que nous voulons
  31. Collectif Opposé à la Brutalité Policière
  32. Comité Logement Rosemont
  33. ConcertAction Femmes Estrie
  34. Confédération des syndicats nationaux
  35. Conseil central du Montréal métropolitain – CSN
  36. Conseil québécois LGBT
  37. Corporation Jeunesse l’Évasion l’Ormière
  38. Dans la rue
  39. Divergenres
  40. Droits-Accès de l’Outaouais
  41. Espace Gaspésie-les-Îles
  42. ESPACE région de Québec
  43. Femmes Autochtones du Québec
  44. Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
  45. Front d’action populaire en réaménagement urbain
  46. Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec
  47. Head & Hands
  48. Hoodstock
  49. Illusion Emploi de l’Estrie
  50. La Bonne Étoile Groupe d’entraide alternatif en santé mentale
  51. Lakay Media
  52. L’Écho des femmes de la Petite Patrie
  53. Ligue des droits et libertés – section de Québec
  54. Maison Benoît Labrie
  55. Maison de la famille des Frontières
  56. Maison des jeunes l’Atôme de Stoneham-et-Tewkesbury
  57. Maison des jeunes L’Ouverture
  58. Mouvement Action-Chômage de Montréal Inc
  59. Nord Sud Développement Racines et Culture Canada
  60. Organisation populaire des droits sociaux
  61. Plein Milieu
  62. Radlaw McGill
  63. Regroupement des cuisines collectives du Québec
  64. Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale
  65. Regroupement des organismes communautaires famille de Montréal
  66. Relais La Chaumine
  67. Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal
  68. RÉSEAU de la communauté autochtone à Montréal
  69. Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec
  70. Réseau du forum social Québec Chaudière-Appalaches
  71. Réseau québécois de l’action communautaire autonome
  72. Réseau québécois des groupes écologistes
  73. Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec
  74. Ressource d’aide et d’information en défense des droits de l’Abitibi-Témiscamingue
  75. RÉZO, santé et mieux-être des hommes gais et bisexuels, cis et trans
  76. ROSE du Nord
  77. Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne
  78. Sidalys
  79. Solidarité Sans Frontières
  80. Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)
  81. Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie
  82. Table des groupes de femmes de Montréal
  83. Table des organismes communautaires de lutte contre le VIH/sida
  84. Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles
  85. Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire de Montréal

 


 

RÉFÉRENCES

[1] Ligue des droits et libertés, Le racisme systémique… Parlons-en !, Brochure, 2022 [2017], https://liguedesdroits.ca/brochure-le-racisme-systemique-parlons-en

[2] CDPDJ, Document de réflexion sur la notion de racisme systémique, août 2021, p. 123, https://www.cdpdj.qc.ca/fr/publications/document-reflexion-racisme-systemique

[3] Ligue des droits et libertés, Déclaration pour l’interdiction des interpellations policières (street checks) au Québec, 2023,  https://liguedesdroits.ca/declaration-interdiction-interpellations-quebec/

[4] Ligue des droits et libertés, Les interpellations policières au Québec, une pratique à interdire. 10 questions et réponses, 2023, https://liguedesdroits.ca/outil-interpellation-accueil/

[5] Service de police de la Ville de Montréal, Politique sur les interpellations policières du SPVM, 8 juillet 2020, https://spvm.qc.ca/upload/Fiches/Politique_sur_les_interpellations_policieres_du_SPVM_Document_de_presentation_2020-07-08_melv.pdf ; Ministère de la Sécurité publique, Pratique policière 2.1.7 Interpellation policière, 20 août 2020, https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/police/pratiques_policieres/AP-06_2020-08__01.pdf

[6] Commissaire à la déontologie policière, Les principaux scénarios d’interpellations policières problématiques, page Web, consultée le 31 mars 2023, https://deontologie-policiere.gouv.qc.ca/prevenir-et-tirer-des-lecons/exemplaire/interpellations-premiere-partie/les-principaux-scenarios-dinterpellations-policieres-problematiques

[7] Armony, Hassaoui et Mulone, Les interpellations policières à la lumière des identités racisées des personnes interpellées. Analyse des données du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) et élaboration d’indicateurs de suivi en matière de profilage racial, Rapport final remis au SPVM, août 2019, https://spvm.qc.ca/upload/Rapport_Armony-Hassaoui-Mulone.pdf

[8] Armony, Hassaoui et Mulone, Portrait de recherche sur les interpellations dans le dossier profilage, Rapport présenté au Service de police de la Ville de Repentigny, juin 2021, https://cridaq.uqam.ca/publication/portrait-de-recherche-sur-les-interpellations-dans-le-dossier-profilage/

[9] Nova Scotia Human Rights Commission, Independent Legal Opinion on Street Checks, J. Michael MacDonald et Jennifer Taylor, 15 octobre 2019, https://www.halifax.ca/sites/default/files/documents/city-hall/boards-committees-commissions/191021bopc731.pdf

[10] Nouvelle-Écosse, Minister’s Directive — Street Checks Ban, 1er décembre 2021, https://novascotia.ca/just/publications/docs/Minister-Directive-Street-Checks-Ban.pdf

; Nouvelle-Écosse, Directive Strengthens Street Checks Ban, Communiqué de presse, 2 décembre 2021, https://novascotia.ca/news/release/?id=20211202001

[11] Luamba c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 3866, https://canlii.ca/t/jsmj7

[12] R. c. Ladouceur, 1990 CSC 108, https://canlii.ca/t/1fsvr

[13] Luamba, op. cit., para 861.

[14] Ibid., para 754.

[15] Conseil des ministres, Mesures en matière de sécurité publique concernant notamment la prévention du profilage racial et social, l’efficience des services et visant à aider à retrouver des personnes disparues, Mémoire déposé par Monsieur François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique, 21 février 2023, p. 13 https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/gouvernement/MCE/dossiers-soumis-conseil-ministres/2023-0012_memoire.pdf

[16] Ministère de la Sécurité publique, Pratique policière 2.1.7 Interpellation policière, op. cit.

[17] Conseil des ministres, Mesures en matière de sécurité publique concernant notamment la prévention du profilage racial et social, l’efficience des services et visant à aider à retrouver des personnes disparues, op. cit., p. 13.

[18] Commissaire à la déontologie policière, Le régime de déontologie policière et ses enjeux actuels, Mémoire déposé au Comité consultatif sur la réalité policière, 2020, https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/police/pratiques_policieres/memoires_ccrp/3011_deontologie.pdf

[19] Commissaire à la déontologie policière, Le régime de déontologie policière et ses enjeux actuels, op. cit., p. 15.

[20] Idem.

[21] Centre international de criminologie comparée, Déontologie policière et plainte contre la police : le rôle des plaignants tiers, Présentation de Massimiliano Mulone, 24 novembre 2022, en ligne : https://www.cicc-iccc.org/fr/evenements/conferences/deontologie-policiere-et-plaintes-contre-la-police-le-role-des-plaignants-tiers

[22] Idem.

[23] Toute plainte recevable doit être soumise à la conciliation, mis à part celles qui, pour des motifs d’intérêt public, impliquent des évènements graves, tels que la mort, des blessures graves, des infractions criminelles ou des cas de récidive.

[24] CDPDJ, Profilage racial et discrimination systémique des jeunes racisés, Rapport de la consultation sur le profilage racial et ses conséquences, 2011, p. 51, https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/Profilage_rapport_FR.pdf

[25] Ibid., p. 56.

[26] Idem.

[27] Commissaire à la déontologie policière, Rapport annuel 2021-2022, p. 34, https://deontologie-policiere.gouv.qc.ca/fileadmin/contenu/publications/RAG_2021_2022_COMDP_VF_20221031.pdf

[28] Notons toutefois que ces statistiques ne permettent pas de suivre les plaintes de façon linéaire dans le temps. Les plaintes reçues en 2020-2021 n’ont pas nécessairement été toute dirigées vers l’étape de l’enquête dans cette même année.

[29] Commissaire à la déontologie policière, Rapport annuel 2021-2022, op. cit., p. 45.

[30] Rapport annuel du Commissaire à la déontologie policière 2018-2019, p. 16 : https://deontologie-policiere.gouv.qc.ca/fileadmin/contenu/publications/RAG_2018-2019_CommDP_VF_20190930.pdf

[31] Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès, rapport final, p.308 https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Rapport/Rapport_final.pdf

[32] Ibid., p. 307.

[33]  Commissaire à la déontologie policière, Les principaux scénarios d’interpellations policières problématiques, page Web, op. cit.

[34] Article 2925, CCQ-1991, Code civil du Québec.

[35] Ligue des droits et libertés et Coalition contre la répression et les abus policiers, Regards critiques sur les trois premières années d’activité du Bureau des enquêtes indépendantes, Rapport, 2020, https://liguedesdroits.ca/regards-critiques-trois-premieres-annees-bei/

[36] Celik c. Bureau des enquêtes indépendantes, 2021 QCCQ 4921, en ligne : https://canlii.ca/t/jgmj9  Voir aussi : Boutros, M., « Le BEI blâmé dans un jugement », 16 juillet 2021, Le Devoir, en ligne : https://www.ledevoir.com/societe/618558/police-le-bei-blame-dans-un-jugement

[37] Pour consulter un résumé exhaustif de chacun des rapports d’enquête terminées de l’Unité des enquêtes spéciales en Ontario, https://www.siu.on.ca/fr/directors_reports.php ; du Independent Investigations Office (IIO) de la Colombie-Britannique, https://iiobc.ca/public-reports ; du Serious Incident Response Team (SiRT) de la Nouvelle-Écosse, https://sirt.novascotia.ca/publications ; et du Independent Investigations Unit (IIU) du Manitoba, http://www.iiumanitoba.ca/publications.html

[38] Rapport de l’observatrice civile indépendante « Évaluation de l’intégrité et de l’impartialité des enquêtes du SPVM relatives à des allégations de nature criminelle formulées par une personne autochtone au Québec à l’encontre d’un policier » 2020, p. 20, https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/ministere/rapports/rapport_obs_ind_spvm_phase2.pdf

[39]Michel Bouchard, Rapport d’enquête administrative sur la division des affaires internes du Service de police de la ville de Montréal, novembre 2017  https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/police/publications/rapport_enquete_administrative_SPVM_1.pdf

[40] Règlement d’application de la Loi sur le système correctionnel du Québec, Chapitre S-40.1, r.1.

[41] Émond, Réna et Morin, Caroline, Droit pénal : infractions, moyens de défense et peine, École du Barreau du Québec, Collection de droit 2018-2019, p. 27 et 28.

[42] K. G. c. Centre communautaire juridique de la Rive-Sud, Commission des services juridiques, Comité de révision, dossier 17-2156, 21 août 2018, para 19 et 20.

[43] L.C. 1992, ch. 20. Voir aussi Directive du commissaire 580, Mesures disciplinaires prévues à l’endroit des détenus, en vigueur 28 juin 2021, https://www.csc-scc.gc.ca/lois-et-reglements/580-cd-fr.shtml