L’importance des mots discrimination et racisme systémiques

L’utilisation des termes discrimination et racisme systémiques est essentielle.


Un carnet rédigé par Diane Lamoureux, militante au comité racisme, exclusion sociale et laïcité de l’État

 


 

La mort tragique de Joyce Echaquan a, une fois de plus, remis à l’ordre du jour la question du racisme systémique, ce mot qui semble représenter un tabou dans les milieux nationalistes puisque le Premier ministre Legault préfère parler d’acte raciste, tandis que le nouveau chef du Parti québécois, Paul Saint-Pierre-Plamondon parle de racisme institutionnel. Depuis quelques années, la Ligue des droits et libertés parle de racisme systémique et invite à y réfléchir [1].

Un rappel historique

C’est autour des débats entourant la loi sur l’équité salariale en 1996 que le terme « discrimination systémique » fait son apparition dans le débat politique québécois.

Comme le rappelait récemment Louise Harel, « même en l’absence de discrimination volontaire ou d’intention explicite, il pouvait exister de la discrimination systémique produite par un système de valeurs intégrées dans les mœurs et les institutions »[2].

En l’occurrence, il s’agissait de discrimination fondée sur le sexe, mais Harel reconnaît que cette notion peut s’appliquer aussi à des groupes racisés et invite à « reconnaître le caractère systémique de la discrimination fondée sur la race »[3]. Dans cette logique, la notion de discrimination systémique est un terme générique et l’on peut spécifier les motifs de discrimination en parlant de sexisme systémique lorsqu’elle est fondée sur le sexe et de racisme systémique lorsqu’elle est fondée sur la race.

Plus récemment, à la suite d’une consultation publique, l’Office de consultation publique de la ville de Montréal (OCPM), reprenait la définition proposée par le Barreau du Québec concernant la notion de racisme systémique, à savoir, « Une production sociale d’une inégalité fondée sur la race dans les décisions dont les gens font l’objet et les traitements qui leur sont dispensés. L’inégalité raciale est le résultat de la combinaison de ce qui suit : la construction sociale des races comme réelles, différentes et inégales (racialisation); les normes, les processus et la prestation de services utilisés par un système social (structure); les actions et les décisions des gens qui travaillent pour les systèmes sociaux (personnel) »[4], concluait à son existence et proposait diverses mesures pour le contrer.

À cet égard, développer une approche systémique du racisme, permet, comme nous le rappelle la brochure de la Ligue  « Le racisme systémique… parlons-en! », à la fois de mettre en lumière non seulement l’existence et les effets concrets de discrimination mais aussi les biais historiques, culturels, cognitifs ou idéologiques qui irriguent les interactions sociales.

L’importance des mots

Utiliser les bons mots ne permet évidemment pas de résoudre un problème, mais permet éventuellement d’y parvenir.

S’y refuser peut entrainer certaines interventions ponctuelles, des résultats plus ou moins mitigés mais certainement pas des solutions satisfaisantes et réparatrices puisque les solutions au cas par cas fonctionnent largement sur le principe de la « pomme pourrie » et évitent de se poser des questions sur ce qui en favorise le développement.

Le rapport de la Commission Viens, déposé il y a un peu plus d’un an, faisait déjà état d’une discrimination systémique à l’égard des populations autochtones, discrimination qui a ses racines dans le rapport colonial qui régit encore les rapports entre Autochtones et gouvernements, ce qui a comme résultat une volonté de « normalisation » des Autochtones et une profonde méconnaissance de leurs réalités.

Penser en termes de racisme systémique nous permet de comprendre que derrière les propos et attitudes racistes de certaines personnes, il y a tout un système moins immédiatement visible et perceptible fait d’un enchevêtrement d’institutions, de préjugés, de pratiques administratives en apparence neutres, de méconnaissance, d’indifférence et de négligence. S’il est important de sanctionner les individus qui ont des propos et des comportements racistes, cela ne permet pas de changer durablement tout le système qui rend possible de tels propos et comportements. Penser en termes de racisme systémique rend possible de cartographier ces aspects moins directement visibles et d’entreprendre de les déconstruire et, ce faisant,  de changer profondément la nature de notre société en instituant une réflexion collective sur les sources persistantes d’injustice.

Ce faisant nous nous rapprochons de l’idéal qui soutient l’existence de la Ligue des droits et libertés, à savoir une société de droits égaux et de liberté pour toutes et tous, exempte de discriminations, permettant à chacun-e de s’épanouir et de contribuer à façonner le monde que nous partageons.


 

[1] Brochure Le racisme systémique…Parlons-en ! et capsule vidéo Le racisme systémique… Parlons-en!

[2] Louise Harel, « Le déni de la discrimination systémique », Le Devoir, 9 octobre 2020.

[3] Ibid.

[4] OCPM, La discrimination et le racisme systémiques. Rapport de consultation, 3 juin 2020, p.8.



Cette tribune permet d’aborder des sujets d’actualité qui sont en lien avec les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels au Québec, au Canada ou ailleurs dans le monde. Les carnets sont rédigés par des militant-e-s des droits humains et n’engagent que leurs auteurs et autrices.