Mémoire : Le PL 21 est discriminatoire et contraire aux principes fondamentaux d’un État de droit

Le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État contrevient à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne en discriminant certaines communautés en raison de leurs croyances religieuses. Le gouvernement tente de contourner les principes de justice et d’égalité inscrits dans la Charte en utilisant fallacieusement le concept de laïcité de l’État et ce, au nom d’une certaine conception de l’identité québécoise et de la volonté d’une soi-disant majorité. C’est pourtant contraire à une société de droits de violer les droits de certaines personnes pour le confort d’une majorité. De telles actions, sur fond de racisme systémique, ne peuvent être tolérées et c’est pourquoi la LDL demande le retrait de ce projet de loi.

Consultations particulières sur le projet de loi 21,
Loi sur la laïcité de l’État

Mémoire présenté par la
Ligue des droits et libertés

Le projet de loi 21 : un projet de loi discriminatoire et contraire aux principes fondamentaux d’un État de droit

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devant la Commission des institutions
de l’Assemblée nationale du Québec

16 mai 2019


Table des matières

Présentation de la Ligue des droits et libertés

1. Pourquoi la Ligue des droits et libertés demande le retrait du projet de loi 21

2. Ce que le projet de loi 21 veut faire, mais ne dit pas : forger une « identité québécoise » au détriment du pluralisme et des minorités

Quelle égalité ?

Quelle histoire ?

Les droits individuels comme menace aux droits collectifs ?

3. Une conception de la laïcité qui occasionne du profilage religieux, de l’exclusion et des discriminations

Les vêtements : seul signe de neutralité ?

4. Nécessité de la clause dérogatoire ?

Conclusion : une utilisation fallacieuse et dangereuse du principe de laïcité



Présentation de la Ligue des droits et libertés

Fondée en 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) est un organisme à but non lucratif, indépendant et non partisan, qui vise à faire connaitre, à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’Homme. La Ligue des droits et libertés est affiliée à la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

La Ligue des droits et libertés poursuit, comme elle l’a fait tout au long de son histoire, différentes luttes contre la discrimination et contre toute forme d’abus de pouvoir, pour la défense des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Son action a influencé plusieurs politiques publiques et a contribué à la création d’institutions vouées à la défense et à la promotion des droits humains, notamment l’adoption de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne du Québec et la création de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Elle interpelle, tant sur les scènes nationale qu’internationale, les instances gouvernementales pour qu’elles adoptent des lois, mesures et politiques conformes à leurs engagements à l’égard des instruments internationaux de défense des droits humains et pour dénoncer des situations de violation de droits dont elles sont responsables. Elle mène des activités d’information, de formation, de sensibilisation visant à faire connaitre le plus largement possible les enjeux de droits pouvant se rapporter à l’ensemble des aspects de la vie en société. Ces actions visent l’ensemble de la population de même que certains groupes placés, selon différents contextes, en situation de discrimination.

Rappelons que la Ligue des droits et libertés a notamment participé aux travaux de la Commission Bouchard-Taylor ainsi qu’à la consultation et aux auditions publiques sur le projet de loi 63, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, le projet de loi 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements, le projet de loi 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement, ainsi que sur le projet de loi 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes.

1. Pourquoi la Ligue des droits et libertés demande le retrait du projet de loi 21 sur la laïcité de l’État?

Depuis les controverses sur les accommodements raisonnables en 2006 et surtout depuis l’épisode de la Charte des valeurs et ses suites en 2013, la Ligue des droits et libertés a commencé à réfléchir à la question de la laïcité sous l’angle du racisme systémique. Pourquoi? Les enjeux de la laïcité et du racisme ne devraient pas être liés. Mais la LDL a constaté très tôt que les débats sur la laïcité au Québec ont trop souvent pour conséquence de cibler et d’exclure certains groupes, en particulier les personnes racisées, en plus de contribuer à rendre le débat social extrêmement toxique.

Pour la LDL, la laïcité de l’État ne peut avoir comme conséquence l’exclusion de certaines populations ou l’imposition aux minorités de prétendues valeurs d’une majorité. Elle ne peut non plus être utilisée pour dicter une certaine manière de vivre ses croyances.

C’est pourquoi suite au dépôt du projet de loi 21, la LDL a demandé au gouvernement de faire marche arrière avec ce projet de loi discriminatoire qui, selon elle et plusieurs autres groupes, viole la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Depuis son adoption en 1975, la Charte québécoise a connu de nombreuses modifications. Mais toutes ces modifications visaient à renforcer, et non à affaiblir, les protections des droits des personnes et cela, toujours dans le plus grand respect pour ce texte qui doit être au cœur de toutes les lois québécoises. La modification de la Charte par le biais du projet de loi 21 est aux antipodes d’un tel respect puisqu’à ce jour, aucune urgence et aucun argument démontrant la nécessité absolue d’agir n’ont été apportés. De surcroît, la modification à la Charte est en voie d’être adoptée sans consensus parmi les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et sans que plusieurs groupes de personnes directement concernées n’aient été entendus par la Commission des institutions. Procéder de la sorte banalise le statut de la Charte qui garantit les droits de toutes et tous. Pour ces raisons, il nous semble évident qu’il faut absolument éviter de modifier la Charte en conséquence d’un projet de loi qui pourrait être adopté par une majorité simple à l’Assemblée nationale.

2. Ce que le projet de loi 21 veut faire, mais ne dit pas : forger une « identité québécoise » au détriment du pluralisme et des minorités.

Quelle égalité ?

Pour la LDL, le projet de loi 21 ne sert ni la justice ni l’égalité, car il compromet les conditions de leur réalisation. Il a plutôt pour effet d’encourager la recherche d’une société homogène ou, du moins, conforme aux exigences pressenties de la majorité.

Dans les « notes explicatives » du projet de loi 21, il est mentionné « que la laïcité de l’État repose sur quatre principes, soit la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, l’égalité de tous les citoyens et citoyennes ainsi que la liberté de conscience et la liberté de religion ». Or, selon la LDL, le projet de loi 21 va à l’encontre de chacun de ces principes fondamentaux, à commencer par celui de l’égalité de tous les citoyens et citoyennes.

La LDL croit que la liste des « considérant » qui apparaît en tête du projet de loi repose sur un certain idéal d’uniformité de la nation québécoise, qui serait vue comme ayant des « caractéristiques propres », des « valeurs sociales distinctes » et un « parcours historique spécifique ». Ce sont là les ingrédients d’une rhétorique qui a pour objectif de forger une identité sur l’identique, c’est-à-dire en tordant la complexité de l’histoire du Québec de façon telle à l’interpréter comme un récit portant sur un seul peuple et en unifiant de force les valeurs diverses qui cohabitent présentement au Québec.

L’égalité dont il est question ici suppose en fait la conformité à une sélection des modes de vie acceptables dans la sphère publique, non pas en vertu du souci légitime de ne causer aucun préjudice à autrui, mais afin de correspondre à une certaine représentation de notre société. L’égalité signifierait alors l’aplanissement du pluralisme, sous prétexte que celui-ci donnerait cours à des valeurs incompatibles avec celle d’une majorité.

Selon le projet de loi 21, parmi ces valeurs compterait « l’importance que la nation québécoise accorde à l’égalité entre les femmes et les hommes ». Or, ce projet de loi aura justement pour effet d’exclure des femmes de certaines professions. Si le gouvernement souhaitait véritablement assurer le respect des droits des femmes, il mettrait par exemple en œuvre des mesures visant à assurer leur autonomie économique et l’élimination des violences faites à leur endroit, soit de véritables moyens de permettre aux femmes de participer à la société québécoise.

Quelle histoire ?

Le projet de loi 21 est défendu par le gouvernement parce que, selon celui-ci, ses objectifs s’inscrivent dans l’histoire de la sécularisation des institutions québécoises. La LDL s’interroge sur la façon dont le projet de loi pourrait à la fois affirmer un principe de neutralité et en même temps s’inspirer de la spécificité de l’histoire du Québec. Si la laïcité a pour but de protéger la neutralité de l’État, elle ne peut pas de surcroît jouer le rôle de gardienne d’une certaine vision de l’identité québécoise, qui serait en « danger ». C’est pourtant le double rôle qu’on tente de lui faire jouer par le biais du projet de loi 21.

C’est aussi oublier que cette histoire est aussi celle de mouvements sociaux dont fait partie la LDL et d’institutions comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui ont porté et qui portent encore le projet d’une société québécoise respectueuse de tous les droits pour toutes et tous. La Charte des droits et libertés représente d’ailleurs un accomplissement et un marqueur important de cette histoire. Également, la laïcisation des institutions étatiques québécoises a jusqu’à maintenant visé le respect de l’autonomie morale des individus – c’est-à-dire leur capacité à faire des choix pour eux-mêmes – dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à autrui ou à l’ordre public. En portant atteinte à la liberté de religion et au droit à l’égalité que la laïcité doit pourtant protéger, ce projet de loi ne s’inscrit pas dans le prolongement de cette histoire. Puisque l’histoire du Québec n’est pas unique ou linéaire, la défense de ce projet de loi au nom de celle-ci apparaît bien faible.

Pour la LDL, ce projet de loi ne protège pas « l’identité québécoise ». Elle est plutôt d’avis qu’il crée du profilage religieux – particulièrement envers les femmes musulmanes – et qu’il va à l’encontre de la Charte des droits et libertés. La LDL a émis les mêmes réserves ces dernières années lors d’initiatives semblables, comme avec la Charte des valeurs du Parti québécois et le projet de loi 62 du Parti libéral. Le seul effet que ce projet de loi risque d’avoir sur une identité québécoise, c’est de la figer.

Les droits individuels comme menace aux droits collectifs ?

La LDL s’oppose à une telle représentation de la société québécoise, de son identité et de ses valeurs, a fortiori si cela est défendu comme un « équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et les droits et libertés de la personne ». La LDL considère comme artificiel un tel équilibre puisqu’il suppose une opposition entre les droits des groupes et les droits et libertés des individus. Or, il est impossible de voir en quoi les droits collectifs seraient menacés par les libertés individuelles dans le cas actuel, d’autant plus que la « nation québécoise » est plurielle et qu’elle est divisée au sujet de ce projet de loi. Un conflit politique n’est pas un conflit entre des droits et encore moins une raison légitime de bafouer les droits de minorités.

La LDL défend l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits humains. Elle œuvre de longue date pour une reconnaissance des droits qui ne se limite pas à la sphère des individus, qu’il s’agisse des droits économiques et sociaux comme le droit au travail, le droit de grève et celui de former et de joindre des syndicats, le droit à la sécurité sociale, le droit à la santé, le droit à l’éducation et enfin le droit à l’identité culturelle et celui de prendre part à la vie culturelle. En cela, elle fait écho à la Déclaration de Vienne adoptée par les Nations Unies en 1993. Les droits humains ne peuvent donc pas être hiérarchisés, non plus qu’on ne puisse opposer les libertés individuelles aux droits collectifs ou à ceux dont la mise en œuvre est collective. Ceci est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’assurer la protection des plus vulnérables. Cette affirmation est au cœur non seulement des valeurs constitutionnelles canadiennes et québécoises, mais aussi de l’État de droit. Les institutions démocratiques, dont l’Assemblée nationale, sont garantes de ces valeurs et de ces principes.

La LDL estime que le principe de l’interdépendance des droits humains est mis en péril par le projet de loi 21. Les personnes qui verront leur liberté de religion et leur droit à l’égalité bafoués seront discriminées dans leur droit au travail et leur droit à un revenu décent. L’intégration économique est par ailleurs un vecteur important de contribution à la société et de participation citoyenne duquel seront exclues ces personnes. Plus encore, c’est le droit collectif des Québécoises et Québécois de vivre dans un État de droit protégeant les droits de toutes et tous qui est en jeu.

3. Une conception de la laïcité qui occasionne du profilage religieux, de l’exclusion et des discriminations

Par définition, une loi permet et interdit de faire certaines choses. Parce qu’elle limite les libertés, elle doit être justifiée sinon elle ne serait que la manifestation d’un pouvoir arbitraire. Dans le cas présent, le gouvernement défend son projet de loi 21 en arguant la nécessité d’un devoir de neutralité religieuse en ciblant les signes religieux portés par les personnes employées de l’État et en situation d’autorité.

Selon la LDL, dans les faits, le projet de loi 21 n’a pas comme objectif de favoriser un devoir de neutralité religieuse ou bien une réelle laïcité de l’État. La laïcité requiert que les institutions de l’État soient neutres à l’égard des religions et séparées de celles-ci. La neutralité et la séparation visent à garantir la liberté de conscience et de religion, ainsi que l’égalité de toutes et tous. Or, le projet de loi porte atteinte aux deux droits que la laïcité doit protéger.

En consacrant la séparation des religions et de l’État et la neutralité religieuse, la laïcité a donc pour but de protéger tant les croyant-e-s que les non croyant-e-s de la domination d’un groupe qui voudrait imposer sa croyance ou sa non-croyance par le biais de l’État. Avec le projet de loi 21, c’est pourtant ce qui se passe. Il consacre la discrimination des convictions religieuses de certaines communautés en l’enchâssant dans nos lois et dans notre Charte. Cela va à l’encontre de la laïcité.

Les vêtements : seul signe de neutralité ?

Il est très difficile de voir en quoi ce projet de loi sert vraiment ce devoir de neutralité religieuse, comme si la neutralité se prouvait par l’absence de tout signe religieux. Cela reviendrait à croire que la neutralité d’un juge – par exemple l’apparence de partialité ou d’impartialité de sa part – ne dépendait pas en dernière instance des actions qu’il pose, mais uniquement de son apparence vestimentaire.

La LDL rappelle que la neutralité religieuse de l’État se vérifie avant tout par les comportements et non à l’apparence des personnes en situation d’autorité, à moins d’avoir une bonne raison de la mettre en doute. Or, le projet de loi 21 est basé sur l’idée selon laquelle il serait légitime de soupçonner qu’une personne en situation d’autorité portant un signe religieux n’exerce pas sa fonction en toute impartialité et sans discrimination. Dans les faits, ceci est impossible à démontrer et le gouvernement est incapable de citer un cas de tentative de prosélytisme de la part de ces personnes. C’est ce qu’on appelle un préjugé.

Selon la LDL, ce projet d’interdiction avalise et renforce ce préjugé courant et pernicieux, car il réduit le jugement de certaines personnes à leurs croyances religieuses uniquement car elles en portent les signes. Or, des exemples d’exercice discriminatoire par des personnes en situation d’autorité ne portant pas de signes religieux sont bien documentés. La LDL recense depuis des années de nombreux exemples de profilage racial, social et politique, qui sont l’œuvre des forces policières, qui font justement partie des catégories d’emplois visées par le projet de loi.

Cela ouvre la porte à un pouvoir arbitraire de la part de celles et ceux qui seront chargés de faire respecter la loi et pourrait aussi occasionner des dérives, chaque personne se croira autorisée à interpréter à son tour ce qu’est un signe religieux et à s’en prendre aux personnes qui le portent.

Finalement, la LDL ne peut passer sous silence le fait que ce projet de loi est une manifestation de ce qu’on appelle le racisme systémique. En effet, le racisme systémique repose entre autres sur un ensemble de règles ou de pratiques, formelles ou informelles, qui peuvent être neutres en apparence et sans intention raciste, mais qui désavantagent dans les faits de façon disproportionnée des personnes racisées. L’interdiction du port de signes religieux, bien qu’elle vise tous les groupes religieux, a néanmoins un effet beaucoup plus grand pour certaines minorités racisées dont la religion peut supposer des pratiques visibles, minorités qui sont d’ailleurs souvent déjà affectées par d’autres formes d’exclusion en matière d’emploi, de santé, d’éducation et de représentation. En avalisant des préjugés envers ces minorités, en instituant des règles les désavantageant plus que pour d’autres groupes et en engendrant un climat social qui leur est défavorable, le projet de loi entretient ce racisme systémique.

4. Nécessité de la clause dérogatoire ?

La LDL s’oppose au recours à la disposition prévoyant la dérogation aux chartes des droits et libertés prévue par le projet de loi. En effet, cette interdiction du port de signes religieux destinée à un nombre très restreint de personnes dites en situation d’autorité constitue une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales et ne répond à aucun objectif réel et urgent pour la société québécoise. La LDL estime aussi que le recours à la clause dérogatoire sans l’unanimité de l’Assemblée nationale constitue un dangereux précédent, ou quasi précédent. Il y a par ailleurs fort à parier que cette stratégie gouvernementale ne survivrait pas à un examen par le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

De plus, le projet de loi 21 tient de la pensée magique. Rien ne laisse croire que le recours à l’artillerie lourde et exceptionnelle que constitue la clause dérogatoire ne contribuera de quelque façon à une paix sociale que l’on dit en péril. On n’arrête pas par un tel procédé l’évolution d’une société marquée par de profonds changements. On ne peut non plus présumer de l’absence d’éventuelles contestations judiciaires envers le projet de loi 21 du seul fait de brandir cette clause dérogatoire. Bref, en démocratie, il n’existe pas une telle chose que le temps d’arrêt démocratique au nom d’un intérêt supérieur. Sous d’autres cieux, cela s’appelle l’autoritarisme politique.

La LDL s’inquiète aussi de l’absence de volonté politique d’examiner en profondeur la présence de marqueurs religieux dans la société québécoise. Ainsi, quand s’attaquera-t-on au financement des écoles privées confessionnelles ? Le projet de loi 21 fait donc preuve d’un opportunisme électoraliste dangereux et discriminatoire.

Conclusion

Une utilisation fallacieuse et dangereuse du principe de laïcité

Nous assistons depuis quelques années à une flambée des discours démagogiques et xénophobes. De tels propos ne se limitent plus à l’opinion de quelques groupuscules, mais sont maintenant cautionnés par des personnes possédant une responsabilité politique considérable, que l’on pense à des figures publiques ou à des personnages politiques de premier plan. Dans un tel contexte, il apparaît dangereux d’alimenter des peurs et des formes de ressentiment qui resurgissent régulièrement. À l’instar de nombreuses sociétés occidentales, une forme de panique gagne la population du Québec, ce qui la conduit à concentrer ses inquiétudes sur une minorité, en l’occurrence les personnes de confession musulmane. À de nombreuses reprises, dans l’histoire récente du Québec, les gouvernements de différents partis ont voulu justifier une loi discriminatoire qui toucherait de plein fouet, une fois adoptée, les personnes musulmanes.

Le projet de loi 21 s’inscrit dans ce même désir : régler un problème sans que l’on sache bien de quoi il s’agit, sinon de satisfaire une demande que l’on prétend être celle d’une majorité de citoyennes et de citoyens. Pire encore, on nous présente de telles mesures législatives comme l’expression de conditions d’appartenance à un projet collectif qui serait tantôt celui de la nation, tantôt celui de la société québécoise, comme si une nation ou une société pouvait bâtir des liens par la négative en écartant certains groupes sociaux ou en les marginalisant par la fragilisation de leurs droits.

En aucun cas, quelles que soient les lignes de parti ou les préoccupations sociétales de ceux-ci, nous ne pouvons accepter des actions politiques qui auraient non seulement une portée discriminatoire, mais pourraient servir de caution à des comportements d’exclusion sociale, voire à des démonstrations d’intolérance et de racisme. Cela étant, indépendamment d’un contexte social donnant lieu à de plus en plus de gestes de violence à l’égard des personnes racisées, dont on a connu tout récemment encore les conséquences les plus dramatiques, la LDL juge inacceptable en lui-même le projet de loi 21, car il repose sur l’idée selon laquelle il est légitime de sacrifier les droits des minorités puisqu’« au Québec, c’est comme ça qu’on vit », pour reprendre les mots du premier ministre François Legault.

Ce projet de loi induit aussi que l’identité québécoise, ou la nation québécoise, serait en péril. Face à ce problème monté de toutes pièces, le projet de loi 21 propose d’exclure certaines personnes et communautés particulières de la fonction publique plutôt que de travailler à favoriser le respect de leurs droits et leur intégration économique et sociale.

Invoquer un faux « consensus de la nation québécoise » sur la question du port des signes religieux par les employé-e-s de l’État en situation d’autorité ne permet pas de faire l’économie du respect de la Charte des droits et libertés. C’est un alibi pour exclure certaines personnes de la société québécoise en choisissant de protéger le souhait « de ne pas être offensé par les croyances de l’autre » plutôt que de respecter la Charte des droits et libertés du Québec, qui protège la liberté de conscience et de religion de toutes et tous.