Violations des droits et profilages
La police de Montréal et le gouvernement du Québec proposent d’encadrer les interpellations policières. Est-ce une solution?
Non. Pour la Ligue des droits et libertés, l’encadrement des interpellations est une fausse bonne idée. L’encadrement ne met pas fin aux violations de droits et aux profilages racial et social qui découlent des interpellations (street checks).
Les politiques du SPVM et du ministère
À la suite du rapport sur les interpellations policières à Montréal publié en 2019, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a élaboré une politique[1] sur les interpellations qui a été rendue publique en juillet 2020.
Le mois suivant, c’était au tour du ministère de la Sécurité publique de rendre publique une politique sur l’interpellation[2] qu’il intégrait à son Guide des pratiques policières.
Les deux documents proposent des balises aux interpellations (une forme d’encadrement sans force de loi), sans toutefois exiger aux policiers d’informer les personnes interpellées de leur droit de ne pas s’identifier et de ne pas répondre à leurs questions.
Dans les politiques du SPVM et du ministère, cinq objectifs sur la pratique des interpellations sont énoncés.
Les objectifs 1 et 2 ne semblent pas véritablement être des cas d’interpellation au sens de street check, à la condition que l’assistance d’une personne dans le besoin ne soit pas du harcèlement de personnes en situation de marginalité dans l’espace public. L’inclusion de ces deux objectifs dans les politiques du SPVM et du ministère participe à brouiller les cartes.
1. Assister une personne dans le besoin ;
2. Identifier une personne recherchée (mandat, disparition).
Les objectifs 3, 4 et 5 sont problématiques et sont au coeur de la pratique des interpellations qu’il faut interdire, car elles conduisent à des violations de droits et du profilage racial et social.
3. Prévenir les incivilités ;
4. Prévenir le crime ou les infractions aux lois ou aux règlements ;
5. Collecter des informations s’inscrivant dans la mission policière.
L’identification d’individus et le peaufinage du renseignement policier sont les véritables résultats recherchés des interpellations.
Faits observables VS soupçons raisonnables
Autre enjeu important : les politiques du SPVM et du ministère de la Sécurité publique indiquent qu’une interpellation doit être fondée sur des faits observables. Or, il ne s’agit pas d’une norme juridique reconnue. Ce critère se situe bien en dessous de la norme juridique du soupçon raisonnable qui prévaut en matière de détention aux fins d’enquête.
En Nouvelle-Écosse, grâce à la mobilisation d’organisations de défense des droits, tel que le African Nova Scotian Decade for People of African Descent Coalition, le ministre de la Justice a renforcé en décembre 2021 l’interdiction des street checks[3] en vigueur depuis octobre 2019 en en interdisant toute détention ou collecte de renseignements sans soupçon raisonnable.
Un communiqué du ministère de la Justice explique le changement effectué :
La nouvelle directive supprime le terme « activité suspecte » et le remplace par « soupçon raisonnable » dans les cas où un crime est sur le point de se produire ou s'est produit. Le soupçon raisonnable est la norme juridique sur laquelle la police doit s'appuyer pour détenir des personnes soupçonnées d'activités illégales. [notre traduction] [4]
Une tolérance des autorités politiques inacceptable
Au Québec, avec les politiques sur les interpellations mises de l’avant par les autorités publiques, nous assistons à la continuation des interpellations et de la collecte de renseignements sans justification.
Pourquoi les autorités politiques continuent-elles à tolérer cette pratique?
Encadrer une telle pratique ne reviendrait-il pas, dans l’usage, à la légitimer et à la banaliser?
Pourquoi ne pas exiger que les policiers agissent dans les limites des pouvoirs que leur confèrent la loi et les décisions des tribunaux?
Ce sont toutes des questions qui doivent être posées et auxquelles les autorités politiques au Québec, tant provinciale que municipales, doivent répondre.
NOTRE POSITION
Pour l'interdiction des interpellations policières par le gouvernement du Québec.
Références
[1] Service de police de la Ville de Montréal, Politique sur les interpellations policières du SPVM, 2020.
[2] Ministère de la Sécurité publique, Pratique policière 2.1.7 Interpellation policières, 2020.
[3] Nouvelle-Écosse, Minister’s Directive – Street Checks Ban, 1er décembre 2021 ; Nouvelle-Écosse, Directive Strengthens Street Checks Ban, Communiqué de presse, 2 décembre 2021.
[4] Nouvelle-Écosse, Directive Strengthens Street Checks Ban, Communiqué de presse, 2 décembre 2021.