Cette lettre a été publiée dans La Presse, le 7 décembre 2022

Nina Gonzalez, Centre des travailleurs et travailleuses immigrants, et 19 autres organisations signataires*

La Ligue des droits et libertés est signataire de cette lettre.

Nous souhaitons souligner à quel point il est important qu’un programme de régularisation inclusif et complet soit adopté et mis en œuvre, et cela, tant pour des raisons de droits de la personne fondamentaux et de respect de la dignité humaine que pour valoriser l’apport économique, social, linguistique et culturel de ces personnes.

Sur les exigences humanitaires et de respect de la dignité humaine

Notre expérience de plusieurs années de travail auprès des personnes avec un statut migratoire précaire nous permet de comprendre dans quelles circonstances des individus perdent leur statut et à quel point leurs conditions de vie se dégradent alors, car ces personnes se retrouvent dans une situation de vulnérabilité extrême.

Les personnes sans statut ne sont pas entrées au Canada avec des intentions malhonnêtes. Elles sont venues au Canada pour avoir une vie décente, après avoir fui la persécution, l’insécurité dans laquelle elles vivaient ou à cause de leur précarité financière.

Elles ont perdu leur statut à la suite d’une demande d’asile déboutée ou encore parce qu’elles n’ont pas été en mesure de renouveler leur permis de travail ou d’études.

Dans ces conditions, leur permettre d’accéder à la résidence permanente n’est pas faire œuvre de charité, c’est un devoir et une responsabilité que notre société doit assumer en raison des engagements pris conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les personnes sans statut et à statut précaire voient leurs droits constamment bafoués : leur droit à un travail décent (art. 23), leur droit à un niveau de vie suffisant, à la santé et à l’éducation, notamment par l’accès aux services publics (art. 25 et 26), leur droit à la justice (art. 8), leur droit à la liberté et parfois – on l’a vu à plusieurs reprises au cours de la pandémie – leur droit à la vie (art. 3).

Sur les apports à la société québécoise

En plus des considérations en matière de droits de la personne et du respect du droit international, la régularisation se justifie par l’apport de ces personnes à notre société québécoise. Un grand nombre d’entre elles ont continué à travailler pendant la période du confinement et le plus souvent en première ligne. Elles ont alors pallié le manque de main-d’œuvre parmi les préposés à l’entretien, aux cuisines, aux bénéficiaires… parmi les manutentionnaires, les livreurs, etc.

La pandémie de COVID-19 a ainsi mis en évidence la contribution essentielle des personnes migrantes et immigrantes, incluant les personnes sans statut migratoire ou avec un statut précaire.

Le taux d’infection à la COVID-19 plus élevé constaté chez les personnes migrantes et racisées ne relève donc pas du hasard. En ce sens, c’est aussi combattre les discriminations systémiques dont sont victimes les populations racisées que de reconnaître l’apport des personnes migrantes, dans leur diversité.

La majorité des personnes sans statut et à statut précaire ont déjà accumulé des années d’expérience de travail au Québec, ce qui ne peut être négligé – a fortiori en période de pénurie de main-d’œuvre. Elles contribuent déjà à notre économie et elles continueront d’y contribuer dans de meilleures conditions si leur statut se régularise. Il s’agit d’une situation où le respect des droits de la personne par l’entremise de la régularisation contribuerait, de plus, aux intérêts économiques.

Sur le plan linguistique et culturel, ces personnes ont déjà commencé à s’adapter à la vie sociale du Québec et à apprendre notre langue, car elles vivent ici et y ont tissé leur réseau social. Le statut de résident permanent leur permettra d’élargir leurs relations sociales et de faire ainsi la démonstration à l’échelle du Québec de l’apport que constituent les immigrants.

Pour ces raisons, nous revendiquons un programme de régularisation véritablement inclusif, accordant la résidence permanente. Le programme doit démarrer dans un court délai, en collaboration avec la société civile, en y intégrant notamment les voix des personnes sans statut migratoire ou avec un statut précaire.

Ces personnes ne peuvent pas être laissées plus longtemps dans une situation de vulnérabilité et de précarité pour des raisons administratives. Chaque jour qui passe signifie, pour les personnes sans statut, une journée de plus vécue dans l’insécurité, la peur et le risque de subir des abus et des violations de leurs droits.

Ces personnes vivent ici, elles ont droit à la dignité et elles peuvent contribuer encore plus à notre société avec un statut stable et permanent. Le Québec est en mesure de jouer un rôle indispensable comme terre d’accueil en se déclarant prêt à les recevoir.


Organisations signataires

  • Amnistie internationale Canada francophone ;
  • Association pour les droits des travailleuse.rs de maison et de ferme (DTMF) ;
  • Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI) ; Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ;
  • Centre justice et foi (CJF) ;
  • Clinique pour la justice migrante (CJM) ;
  • Confédération des syndicats nationaux (CSN) ;
  • Conseil central du Montréal métropolitain-CSN (CCMM-CSN) ;
  • Conseil Migrant ; Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM) ;
  • Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ;
  • Illusion Emploi de l’Estrie ;
  • Le Québec c’est nous aussi (LQCNA) ;
  • Ligue des droits et libertés (LDL) ;
  • Migrante Québec ; PINAY ;
  • Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) ;
  • Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) ;
  • Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)