Ligne directrice sur les interpellations – Un écran de fumée : le profilage racial et social continue

Le gouvernement du Québec doit mettre fin aux interpellations policières, une pratique arbitraire qui crée de l’insécurité auprès des personnes et des communautés visées par la police. Au lieu d’agir, le ministre Bonnardel adopte une ligne directrice qui maintient les interpellations. Il laisse le fléau du profilage racial et social continuer. 
Une interpellation policière dans un parc.

Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate

Ligne directrice sur les interpellations policières du ministre de la Sécurité publique
Un écran de fumée : le profilage racial et social continue

Montréal, le 8 décembre 2023 – La Ligue des droits et libertés (LDL), la Clinique Droit de cité, la Coalition Rouge, Lakay et la Ligue des droits et libertés – section de Québec constatent que la Ligne directrice sur les interpellations policières (ligne directrice) représente un écran de fumée et ne contribuera en rien à lutter contre le problème des interpellations policières et du profilage racial et social au Québec. La ligne directrice a été ajoutée au site Web du ministère de la Sécurité publique sans qu’il y ait eu d’annonce publique par le ministre responsable, François Bonnardel.

La ligne directrice maintient la pratique arbitraire de l’interpellation dans l’espace public, alors que les policiers n’ont pas le pouvoir au Québec de faire des interpellations en vertu de la loi ou de la common law. Les interpellations policières, ou street checks, bafouent les droits et libertés de toute la population, et sont une source connue et documentée de profilage racial et social systémique. Les populations autochtones, noires, racisées et en situation de marginalité sont visées de manière disproportionnée par cette pratique.

Pour enfin mettre un terme à cette pratique arbitraire, deux éléments doivent être inscrits dans la ligne directrice. D’ailleurs, dans une lettre datée du 8 novembre 2023, 36 groupes communautaires, de défense des droits, syndicaux et cliniques juridiques ont signalé clairement au ministre Bonnardel la nécessité d’inclure minimalement ces deux éléments dans la ligne directrice.

Premier élément : la ligne directrice maintient le critère de faits observables qui laisse la porte ouverte à l’arbitraire policier. La ligne directrice devrait plutôt adopter la norme juridique du motif raisonnable de soupçonner. En l’absence d’un motif raisonnable de soupçonner un lien clair entre une personne et une infraction criminelle récente ou en cours, un policier ne devrait pas tenter de collecter les renseignements d’identité de cette personne.

Deuxième élément : la ligne directrice ne contient aucune obligation pour les policiers d’informer toute personne interpellée – et sur la base d’un soupçon raisonnable – qu’elle n’est pas légalement obligée de s’identifier et de répondre aux questions, qu’elle peut refuser de le faire et qu’elle peut quitter sans crainte.

Le gouvernement du Québec et le ministre Bonnardel ne peuvent prétendre qu’une ligne directrice qui indique que les interpellations policières ne doivent pas être discriminatoires permettra de lutter contre le problème systémique du profilage racial et social. Faut-il leur rappeler que l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec interdit déjà toute discrimination fondée sur des motifs tels que la race ou la condition sociale depuis 1975?

Avec cette ligne directrice, le gouvernement du Québec et le ministre Bonnardel font une fois de plus la démonstration qu’ils n’ont pas l’intention de lutter sérieusement contre le profilage racial et social.

Citations

« Le gouvernement du Québec doit mettre fin aux interpellations policières, une pratique arbitraire qui crée de l’insécurité auprès des personnes et des communautés visées par la police. Au lieu d’agir, le ministre Bonnardel adopte une ligne directrice qui maintient les interpellations. Il laisse le fléau du profilage racial et social continuer. » déclare Lynda Khelil, porte-parole de la LDL.

« C’est assez de le nier; les populations racisées, notamment la communauté noire, sont discriminées dans l’espace public. Les surinterpellations policières des personnes noires, racisées et autochtones, c’est du profilage racial et une forme de harcèlement. » déclare Maxim Fortin, coordonnateur de la LDL — section de Québec.

Josiane Mondou, coordonnatrice à la Clinique Droit de cité à Québec, constate dans le cadre de son travail qu’« une personne en situation de vulnérabilité va avoir plus tendance à se faire interpeller par les policiers pour des raisons banales qui mènent à un stress inutile et même à des constats d’infraction, mettant directement un frein au rétablissement des personnes ».

« Il est essentiel que le gouvernement du Québec prenne des mesures concrètes pour lutter contre le profilage racial et social. Cette ligne directrice actuelle montre un manque d’engagement sérieux dans cette lutte, et cela doit être rectifié pour assurer une société juste et équitable pour tous » déclare Pierre Richard Thomas, président de Lakay.

« L’interpellation policière est soit illégale (Nouvelle-Écosse), encadrée par une loi (Ontario) ou proscrite partout au Canada à l’exception du Québec ! Après l’appel du jugement Yergeau le message aux policiers du gouvernement est clair : on vous couvre » déclare Alain Babineau, directeur – profilage racial et sécurité publique de la Coalition Rouge.

Faits saillants

Une interpellation est une situation où un policier tente d’obtenir l’identité d’une personne et de recueillir des informations auprès d’elle, alors que la personne n’a aucune obligation légale de s’identifier, ni de répondre aux questions. La personne n’est soupçonnée d’aucune infraction ou crime. Les informations peuvent ensuite être enregistrées par le policier dans une base de données à des fins de renseignements policiers, ce qui constitue une collecte abusive de renseignements personnels. L’interpellation a lieu à l’extérieur du contexte d’une enquête policière et ne compte pas parmi les pouvoirs policiers reconnus en matière d’arrestation et de détention. Les policiers n’ont pas le pouvoir au Québec de faire des interpellations en vertu de la loi ou de la common law.

Lettre au ministre Bonnardel, le 8 novembre 2023, co-signée par 36 organisations : https://liguedesdroits.ca/ligne-directrice-sur-les-interpellations-policieres-et-cadre-de-collecte-de-donnees

Second rapport sur les interpellations policières à Montréal qui recommande un moratoire sur les interpellations (juin 2023) : https://spvm.qc.ca/upload/02/Rapport_final_2e_mandat.pdf

Campagne pour l’interdiction des interpellations policières au Québec : https://liguedesdroits.ca/campagne-interdiction-interpellations-policieres

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Pour informations et entrevues :

Elisabeth Dupuis, Responsable des communications de la Ligue des droits et libertés
Cellulaire : 514-715-7727