Clause dérogatoire et Charte québécoise
La Ligue des droits et libertés devant la Cour suprême
La Ligue des droits et libertés (LDL) agira à titre de partie intervenante devant la Cour suprême du Canada, dans le litige Commission scolaire English-Montréal, et al. c. Procureur général du Québec, et al. portant sur l’usage de la clause dérogatoire dans la Loi sur la laïcité de l’État. En effet, la requête de la LDL pour intervenir a été formellement acceptée au cours de l’été 2025. La LDL s’exprimera donc lors des audiences, dont les dates sont encore inconnues.
Bien que la LDL participe rarement à des procédures judiciaires, elle juge d’une grande importance d’intervenir dans cette affaire qui concerne les principes d’interprétation de la Charte québécoise et de tous les droits qui y sont protégés.
Qu’est-ce que signifie être partie intervenante?
Si les parties principales sont celles qui sont les premières concernées au litige (partie demanderesse et partie défenderesse) les parties intervenantes ne prennent pas part au litige. Elles proposent plutôt à la Cour de l’assister ou de l’éclairer en lui fournissant des perspectives et en soulevant de nouveaux éléments à considérer, qui ne sont pas déjà soulevés par les autres parties.
Sur quoi porte le litige devant la Cour suprême du Canada?
La question en litige, d’abord portée devant la Cour supérieure du Québec, puis devant la Cour d’appel, avant d’être portée devant la Cour suprême du Canada, a trait à l’utilisation de la clause dérogatoire dans la Loi sur la laïcité de l’État. Cette loi, très connue sous le nom du projet de loi 21, alors qu’elle était encore à l’étude en 2019, utilise tant la disposition de dérogation contenue dans la Charte canadienne des droits et libertés, que celle contenue dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
Donc, le litige porte sur l’utilisation des clauses dérogatoires, et non sur le fond de la Loi sur la laïcité de l’État, par exemple l’interdiction du port de signes religieux pour certains employé-e-s de l’État. À cet égard, l’intervention de la LDL devant la Cour ne reflétera pas l’entièreté de ses perspectives sur la Loi sur la laïcité de l’État, mais se limitera à éclairer la Cour sur la clause dérogatoire.
En quoi consistera l’intervention de la LDL?
La Cour suprême examinera plusieurs arguments des parties principales, y compris la discrimination à l’embauche, les principes d’égalité des femmes et des hommes et les pouvoirs des commissions scolaires anglophones. L’intervention de la LDL se limitera strictement aux questions concernant l’utilisation de la clause dérogatoire de la Charte québécoise.
La LDL soulignera que l’interprétation à donner à la clause dérogatoire de la Charte des droits et libertés de la personne (Charte québécoise) doit différer de l’interprétation qui est donnée à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte canadienne). Il s’agit d’un élément qui a été peu analysé par les tribunaux à ce jour, dans le dossier de la Loi sur la laïcité l’État.
La LDL soutient que l’analyse d’une disposition de la Charte québécoise doit tenir compte de la nature et des objectifs de la Charte elle-même, du texte, du contexte historique et philosophique approprié ainsi que du sens et de l’objet des autres droits et libertés qui y sont enchâssés.
En bref, la LDL fait valoir que les droits protégés doivent recevoir une interprétation large, alors que les dérogations doivent faire l’objet d’une interprétation très restrictive.
Rappelons que la LDL a contribué aux travaux menant à l’adoption de la Charte québécoise en 1975. Dans son mémoire à la Cour suprême, la LDL explique ainsi :
« Il ressort d’un examen du contexte historique et philosophique entourant l’adoption de la Charte québécoise que celle-ci s’inscrit pleinement dans le mouvement international pour la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux et plus particulièrement la protection des droits des groupes minoritaires. En effet, les avant-projets et les premières ébauches de la Charte québécoise s’inspiraient directement et très largement des documents internationaux de même nature, dont notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».
Lisez le mémoire de la Ligue des droits et libertés soumis à la Cour suprême du Canada à titre de partie intervenante.
