Droit à l’information – Faire la lumière sur l’opacité !

Les dénis du droit à l’information entraînent des conséquences sur d’autres droits humains, en entravant les mouvements sociaux qui travaillent d’arrache-pied à analyser, sensibiliser, mobiliser et porter des revendications pour une société plus juste.

Lettre ouverte publiée dans La Presse, le 29 septembre 2023

Droit à l’information – Faire la lumière sur l’opacité!

Laurence Guénette, Coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés
Lynda Khelil, Responsable de la mobilisation à la Ligue des droits et libertés

La Semaine du droit à l’information du 25 septembre au 1er octobre, tout comme la Journée internationale de l’accès universel à l’information le 28 septembre, représentent des occasions idéales pour se rappeler la nature et l’importance de ce droit, et surtout, les obstacles à sa réalisation. Consacré par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le droit à l’information est au cœur d’une société qui se veut démocratique. C’est une dimension essentielle de la liberté d’expression, qui inclut la liberté de rechercher, de recevoir et de partager des informations et des idées.

Le droit à l’information protège la liberté de presse et favorise la participation des citoyennes et citoyens aux débats de société et aux prises de décisions. Il rend les élus et détenteurs de charges publiques redevables et imputables, et limite l’influence des intérêts privés auprès des décideurs. Le droit à l’information est fondamental pour que les organisations et les citoyennes et citoyens puissent travailler efficacement à l’avancement des droits humains et de la justice sociale. Parce que savoir, c’est pouvoir.

Au Québec, la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (Loi sur l’accès) a été adoptée 1982. Son volet sur l’accès à l’information régit le droit de tous et toutes d’accéder aux documents détenus par les organismes publics, tels que le gouvernement, les ministères, les municipalités, les services de police, les écoles, les établissements de santé et de services sociaux, etc.

Or, la Loi sur l’accès comporte de trop nombreuses restrictions (motif de refus), notamment celle permettant à un organisme public de cacher des informations d’intérêt public sous prétexte qu’il s’agirait de « secrets industriels » qui pourraient nuire aux intérêts et profits d’une compagnie privée s’ils étaient connus. D’autres exceptions limitent aussi considérablement l’accès à des documents gouvernementaux pourtant très importants pour le public (avis, enquêtes, rapports, recommandations).

C’est sans compter les problèmes dans l’application de la loi, également dénoncés depuis longtemps : délais de traitement surréalistes des demandes d’accès qui empêchent d’obtenir une information en temps utile ; interprétation très variable de la loi selon l’organisme ; impunité lorsqu’un document est indûment refusé ou retardé. Autant d’entraves à la transparence administrative de l’État, essentielle dans une société démocratique.

La Loi sur l’accès n’a fait l’objet d’aucune réforme substantielle depuis son adoption il y a plus de 40 ans, alors que les problèmes continuent de s’aggraver. De nombreuses voix, dont la Commission d’accès à l’information, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et des organisations se sont élevées au fil des ans pour exiger une refonte complète de cette loi pour assurer le droit à l’information. Mais les revendications font face à une résistance du gouvernement du Québec à entreprendre ce vaste et urgent chantier.

Pour la Ligue des droits et libertés, qui s’efforce toujours mettre en relief l’interdépendance des droits, les dénis du droit à l’information entraînent des conséquences sur d’autres droits humains, en entravant les mouvements sociaux qui travaillent d’arrache-pied à analyser, sensibiliser, mobiliser et porter des revendications pour une société plus juste.

L’actualité au Québec recèle d’exemples graves à cet égard : on n’a qu’à penser à la lutte qu’un citoyen a dû mener en 2022 pour enfin accéder aux informations en ce qui a trait aux métaux lourds traités par la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda. La demande d’accès à l’information de Radio-Canada visant à accéder à l’avis de la directrice de santé publique de Montréal — qui s’avéra résolument défavorable — sur l’imposition d’un deuxième couvre-feu en janvier 2022 durant la pandémie est aussi un exemple éloquent. La demande a d’abord donné lieu à la transmission d’une version complètement censurée, avant que le tollé suscité pousse le gouvernement à rendre le document public.

La Loi sur l’accès n’est pas la seule à prêter le flanc aux critiques : en matière d’environnement, la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) au Québec contient un régime particulier d’accès à l’information qui a mobilisé de longue date les groupes de juristes et de citoyennes et citoyens en environnement. Ces derniers ont bien fait de ne pas crier victoire trop vite lorsqu’une réforme de la LQE, bénéfique pour le droit à l’information environnementale, a été adoptée en 2018 : le registre public d’information prévu par la LQE n’est toujours pas mis en place plus de cinq ans après la modification législative.

Au niveau fédéral, la Loi sur l’accès à l’information met aussi en péril l’exercice du droit à l’information, tant par les motifs de refus que les organismes publics peuvent invoquer que par les délais exorbitants de traitement des demandes d’accès. Le cas de Vigilance OGM avait d’ailleurs marqué les esprits en 2022. En réponse à sa demande d’accès aux informations concernant l’autorisation des traces de pesticides dans les aliments, cette organisation écologiste avait reçu 229 pages blanches de Santé Canada.

Comme le révélaient en 2002 des classements sur le droit à l’information aux plans national et international, le Canada fait office de cancre à l’échelle internationale et le Québec de cancre à l’échelle canadienne. Le droit à l’information est en bien piètre état parce que les législations en place tendent à faire de l’opacité la règle, et de l’accès et la transparence, l’exception.

Le constat est clair ! Il est temps d’agir pour un plein respect de notre droit à l’information, en mettant de l’avant l’un des principes qui devraient être au cœur de ces législations : la primauté de l’intérêt public par-dessus tout.