La démocratie mise en péril

Cet essai porte sur la démocratie, ce qui la menace et notre responsabilité pour la préserver.

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Revue Droits & Libertés, print. / été 2021

Chronique Un monde de lecture
La démocratie mise en péril

Catherine Guindon, enseignante, CÉGEP de Saint‑Laurent

Compte-rendu de l’ouvrage Prendre part : Considérations sur la démocratie et ses fins[1]

Les professeurs de philosophie David Robichaud (Université d’Ottawa) et Patrick Turmel (Université Laval) nous avaient proposé il y a quelques années La Juste part[2], un ouvrage fort pertinent se portant à la défense d’une juste distribution des richesses. Le duo récidive cette fois avec Prendre part. Cet essai que nous avons beaucoup apprécié porte sur la démocratie, ce qui la menace et notre responsabilité pour la préserver.

La démocratie est un régime politique qui, de nos jours, paraît aller de soi. Ses institutions doivent permettre l’expression de l’autonomie individuelle et, au-delà du pluralisme des valeurs individuelles, la réalisation de fins collectives. Son idéal vise « une organisation égalitaire de la vie collective qui offre à chaque individu la plus grande sphère de liberté possible[3] ». Malgré son rôle de premier plan pour la promotion des droits à l’égalité et la liberté, on prend trop souvent la démocratie pour acquise, réduisant souvent les citoyen-ne-s à leur rôle d’électeurs et d’électrices.

Or, la démocratie est bien plus que cela et elle ne se maintient pas par elle‑même. D’ailleurs, elle se porte actuellement plutôt mal. C’est qu’elle est en effet menacée dans ses principes et ses institutions, d’un côté, par le mouvement populiste et, de l’autre, par le minimalisme libéral.

Les populistes se présentent comme des critiques des élites pour diverses raisons, telles que leur manque occasionnel de transparence. Mais en plus de se méfier des grands décideurs, les populistes revendiquent un antipluralisme des valeurs. Au nom de la volonté du vrai peuple, d’un nous constitutif d’une société, ils récusent la pluralité des valeurs des citoyen-ne-s. Les populistes rejettent donc ce qui peut s’opposer à ce peuple homogène idéalisé, que ce soient les élites économiques, les minorités sexuelles, les immigrant-e-s, les syndiqué-e-s ou les intellectuel-le-s. Or, ce peuple uni est une vue de l’esprit. Effectivement, au‑delà de valeurs communes et d’une culture dominante, le pluralisme et la diversité sont, rappellent les auteurs, « la conséquence des principes fondamentaux de la démocratie : l’égalité de droit et la liberté de tous[4] ».

Les minimalistes libérales et libéraux, quant à eux, constituent un second groupe d’adversaires de la démocratie et de l’égale liberté pour tous et toutes. Ils réduisent le rôle des citoyen-ne-s aux élections de leur député‑e, considérant qu’ils, elles n’ont pas les compétences nécessaires pour prendre de bonnes décisions. Ainsi peuvent être légitimés des projets de loi omnibus ou l’utilisation du pouvoir du bâillon par un gouvernement.

Face à ces menaces envers la démocratie, Robichaud et Turmel proposent des remèdes. Contre le populisme, les auteurs plaident pour la fin du cynisme face aux décideur‑e‑s politiques. Il importe de protéger les institutions démocratiques permettant l’expression de la diversité et la protection de l’égale liberté des citoyen-ne-s, comme les commissions parlementaires, par exemple.

Contre le minimalisme libéral, il faut stimuler la délibération et le débat d’idées à l’extérieur de la sphère institutionnelle officielle, les responsabilités des citoyen‑ne‑s ne se limitant pas aux élections. Il faut ménager des espaces pour que soit exercée la liberté d’expression des citoyen‑ne‑s et diffuser la pluralité des idées de chacune et chacun. Les citoyen-ne-s, en plus de voter, doivent s’informer, discuter, participer à la discussion publique, aiguiser leur sens critique.

Il est donc urgent, selon les auteurs, de mieux prendre soin de notre régime démocratique afin qu’il préserve l’égalité et les libertés fondamentales, ce qui constitue sa fin ultime. On ne peut que recommander la lecture de cet essai aux idées percutantes qui nous invite à prendre part activement aux institutions démocratiques afin qu’elles soient assez robustes pour préserver nos libertés fondamentales.


[1] David Robichaud et Patrick Turmel, Montréal, Atelier 10, 2020, 112 pages.

[2] La Juste part : Repenser les inégalités, la richesse et la fabrication des grille- pains, Montréal, Atelier 10, 2012, 93 pages.

[3] Page 13 de l’édition Kindle.

[4] Page 18 de l’édition Kindle.


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