La répression policière pour gérer la pandémie : un choix politique et arbitraire

À la lumière du rapport publié par l’Observatoire des profilages, la Ligue des droits et libertés dénonce l’approche punitive du gouvernement Legault dans sa gestion de la pandémie de la COVID-19.

Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate

Montréal, le 10 mars 2022 — La Ligue des droits et libertés (LDL) dénonce l’approche punitive du gouvernement Legault dans sa gestion de la pandémie. L’Observatoire des profilages (ODP) publie aujourd’hui un rapport Une approche punitive alarmante face à la pandémie de COVID-19 : analyse des données policières qui rassemble des données sur les constats d’infraction émis au Québec pendant une période de 54 semaines.

Les données analysées ont été obtenues via une demande d’accès à l’information auprès du ministère de la Sécurité publique. Parmi les 46 563 constats émis entre le 21 septembre 2020 et le 3 octobre 2021, près de la moitié l’ont été pour le non-respect du couvre-feu lequel a été en vigueur entre le 9 janvier et 28 mai 2021.

La LDL considère que le recours à la répression policière est un choix politique et arbitraire pour gérer la pandémie.  Le Québec y a eu recours à 46 563 occasions entre septembre 2020 et octobre 2021, ce qui ne peut être justifié dans le cadre d’une crise sanitaire. Par exemple, la Colombie-Britannique a choisi des moyens différents que le Québec, avec un discours fondé sur la compassion et l’empathie plutôt que le blâme. Avant l’adoption de toute mesure visant à réduire la transmission du virus de la COVID-19, la LDL rappelle l’importance d’évaluer les impacts sur les droits humains, ce qui a fait défaut tout au long de la crise sanitaire.

Finalement, la LDL rappelle que cette approche punitive n’a pas fait l’objet de débats à l’Assemblée nationale, en raison du maintien de l’état d’urgence sanitaire par le gouvernement du Québec. La LDL réitère sa demande de lever l’état d’urgence sanitaire, lequel est en vigueur depuis maintenant deux ans, sans délai et sans formalité.

Citations

« Dans le rapport de l’ODP, nous apprenons que plus de 22 000 constats d’infraction ont été émis pour non-respect du couvre-feu. Le couvre-feu constitue une mesure liberticide dont l’efficacité scientifique n’a pas été prouvée pour réduire la transmission de la COVID-19 alors qu’au contraire, on sait pertinemment qu’il a eu des effets néfastes disproportionnés sur plusieurs populations marginalisées. » déclare Catherine Descoteaux, coordonnatrice de la LDL.

« Les groupes communautaires qui travaillent auprès de personnes marginalisées nous rapportent que l’approche punitive a alimenté des pratiques policières discriminatoires et abusives comme le profilage racial et social, l’interpellation et la judiciarisation, sans pour autant freiner la propagation du virus! » explique Mme Descoteaux.

« En considérant le montant faramineux des amendes qui sont associées aux constats d’infraction, il devient évident que cette répression a eu des effets préjudiciables pour les personnes à statut précaire ou marginalisées. Rappelons-nous aussi que ce climat répressif a été renforcé par des appels publics à la délation, ce qui a nécessairement eu pour effet d’aggraver la stigmatisation de ces populations. » ajoute Mme Descoteaux.

« La répression et la judiciarisation comme réponses à une crise de santé publique sont à la fois contre-productives, néfastes et non dissuasives. Nous l’avons dit et redit : les réponses efficaces à une pandémie sont celles qui ne mettent pas les objectifs de la santé publique en opposition avec les droits humains, mais bien celles qui adhèrent aux principes des droits de la personne. » affirme Mme Descoteaux.

Faits saillants

Le rapport de l’Observatoire des profilages Une approche punitive alarmante face à la pandémie de COVID-19 : analyse des données policières est le fruit d’un partenariat avec la Ligue des droits et libertés (LDL), le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), la Clinique Droit de cité, la Clinique Droits Devant et la Table des Organismes Montréalais de Lutte contre le VIH/Sida (TOMS).

Le rapport révèle que Montréal est la région où le taux de remise de constats d’infraction COVID est le plus élevé (813,3 constats / 100 000 habitants), suivie de près par les Laurentides (785,3 constats / 100 000 habitants). La ville de Montréal représente un peu moins du quart de la population totale de la province (23,5%), plus du tiers des constats y a été émis (35,4%). Dans les Laurentides, 7,5% des Québécois y vivent, 10,9% des constats y ont été émis.

Pour le motif de non-respect du couvre-feu, les corps de police ont émis beaucoup plus de constats aux personnes à Montréal (391,3 / 100 000 habitants) et en Estrie (302,3 / 100 000 habitants) que dans la Capitale-Nationale (133,8 / 100 000 habitants) ou dans le Bas-Saint-Laurent (107,5 / 100 000 habitants).

En décembre 2021, la Santé publique de Montréal a émis un avis défavorable sur l’utilisation du couvre-feu pour gérer la pandémie.

À titre comparatif, 16 476 constats COVID ont été émis à Montréal entre le 21 septembre 2020 et le 3 octobre 2021, tandis que pour l’année 2019, le nombre de constats remis par le SPVM a été 12 586, excluant les infractions routières (SPVM, Rapport annuel 2019, p. 7).

Les montants par constat sont de l’ordre de 1 000 $ à 6 000 $ avec des frais additionnels importants.

Le 13 mars 2022 marquera le deuxième anniversaire de l’état d’urgence sanitaire au Québec, lequel a été renouvelé par décrets 117 fois depuis.

À propos de la Ligue des droits et libertés

La LDL est un organisme sans but lucratif, indépendant et non partisan, issu de la société civile québécoise et affilié à la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH). Depuis plus de 50 ans, elle milite en faveur de la défense et de la promotion de tous les droits humains reconnus par la Charte internationale des droits de l’homme.

– 30 –

Pour informations et entrevues :
Elisabeth Dupuis, Responsable des communications de la Ligue des droits et libertés
C : 514 715-7727