L’éducation aux droits humains – L’importance d’une approche fondée sur les droits de l’enfant

L’éducation aux droits humains est un processus de transformation qui commence par une prise de conscience individuelle et qui a un impact sur la communauté et la société dans son ensemble.

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Revue Droits & Libertés, aut. 2021/hiver 2022

Equitas – Centre international d’éducation aux droits humains

Amy Cooper, responsable du savoir
Jean-Sébastien Vallée, directeur de l’éducation
Stephanie Nichols, directrice de communication et développement

Le renforcement de connaissances, de compétences et d’attitudes respectueuses des droits humains constitue l’essentiel de notre travail en éducation aux droits humains. Pour Equitas, l’éducation aux droits humains est un processus de transformation qui commence par une prise de conscience individuelle et qui a un impact sur la communauté et la société dans son ensemble.

L’éducation aux droits humains (EDH) incite toute personne (femme, fille, homme, garçon, personnes de genres divers) à revendiquer ses droits et à tenir les personnes décisionnaires responsables du respect, de la protection et de la réalisation de ses droits. L’EDH permet de prendre des mesures pour un changement social qui est conforme aux valeurs et aux normes des droits humains. Elle commande l’interaction dynamique de différents paradigmes et approches, dont l’approche fondée sur les droits humains ou sur les droits de l’enfant. Une approche fondée sur les droits de l’enfant (AFDE) permet à toute personne impliquée dans l’éducation des enfants d’avoir une vision holistique de son travail et d’outiller les enfants et les personnes qui les entourent à vivre en accord avec les valeurs des droits humains.

La mission d’Equitas est de faire progresser l’égalité, la justice sociale et le respect de la dignité humaine grâce à des programmes d’éducation aux droits humains transformateurs, au Canada et partout dans le monde. Afin de réaliser sa mission, Equitas conçoit des programmes favorables à l’autonomisation des groupes et des individus faisant face à la discrimination, à l’exclusion et à d’autres formes de violations des droits humains pour qu’elles et ils puissent lutter contre les inégalités et la discrimination, et prendre des mesures pour protéger, défendre et faire respecter les droits humains.

Une approche fondée sur les droits de l’enfant (AFDE)

Une AFDE se base sur la conviction que chaque personne détient des droits par le seul fait d’être un humain, et que tous les êtres humains devraient jouir des mêmes possibilités pour réaliser leur plein potentiel. L’AFDE renforce le pouvoir des jeunes pour qu’elles et ils puissent revendiquer leurs droits tout en garantissant l’inclusion, l’égalité et la participation de toutes et tous, sans distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’âge, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine ethnique, sociale ou nationale, la propriété, la naissance, la résidence, un handicap, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ou de tout autre aspect identitaire. L’AFDE place les jeunes au centre du processus, c’est-à-dire que leur vie, leur survie et leur développement ainsi que leurs intérêts supérieurs devraient toujours être pris en compte au moment de prendre des décisions qui les concernent. Cela signifie également que leur voix sera écoutée lors du processus décisionnel.

Le but ultime de l’AFDE est que les jeunes puissent jouir pleinement de leurs droits et vivre dans des communautés où ces droits sont respectés. En intégrant les éléments d’une AFDE dans une programmation pour les jeunes, ces derniers, en tant que détentrices et détenteurs de droits, sont plus en mesure de les revendiquer, et les parents, tutrices et tuteurs, éducatrices et éducateurs, organisations et gouvernements (en tant de décisionnaires1) peuvent mieux s’acquitter de leur obligation de respecter, protéger et réaliser ces droits.

Les éléments d’une approche fondée sur les droits de l’enfant Les cinq éléments principaux de l’AFDE peuvent être facilement mémorisés avec l’acronyme PLANER : Participation et inclusion, Lien aux droits de l’enfant, Autonomisation, Non- discrimination, Égalité, Responsabilité et transparence. Ces cinq éléments sont interreliés et égaux en importance, de telle sorte qu’un élément ne peut être appliqué sans tenir compte des autres. Nous incluons quelques idées ci-dessous afin de réfléchir à la manière dont ces éléments peuvent être mis en œuvre dans des activités d’éducation aux droits humains.

Crédit : Tant de nations et de couleurs, Mélisande Brunelle, 11 ans

Participation et inclusion

L’AFDE promeut la participation active, significative et volontaire des jeunes; le développement de leur capacité à participer découle de cette approche. Les voix et champs d’intérêt des jeunes doivent être pris en compte dans les décisions portant sur des enjeux qui les concernent.

Pour mettre en œuvre ce premier élément lors d’activités d’éducation aux droits humains, encourager la participation et l’inclusion des jeunes en leur offrant un espace où partager leurs idées et points de vue avec leurs pairs et les adultes qui interagissent avec elles et eux, et en créant des possibilités pour qu’elles et ils puissent prendre part au processus décisionnel. Voici quelques exemples :

Leur donner des ressources, du matériel et des exemples représentant une gamme de cultures, de milieux, d’expériences, de capacités et d’identités de genre; ne pas tenir pour acquis que chaque jeune connaît sa culture (par exemple, les jeunes pris en charge n’ont peut-être pas eu accès à leurs antécédents culturels).

Utiliser divers moyens pour consulter les jeunes afin que chacun-e puisse s’exprimer, y compris celles et ceux qui sont timides, plus jeunes ou qui expriment différemment leurs points de vue. Par exemple, planifier une boîte à suggestions, des groupes de discussion, des évaluations orales ou écrites ou un mur de graffitis.

Ne faire aucune supposition sur les besoins des jeunes en matière d’accès. Le leur demander plutôt directement. Par exemple, tenir compte des besoins en matière de santé physique et mentale, de restrictions alimentaires, etc., et s’assurer que les jeunes aient accès à des toilettes non-genrées.

Lien avec les droits de l’enfant

Pour mettre en œuvre ce deuxième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, aider les jeunes à découvrir leurs droits; à explorer comment l’accès à ces droits diffère d’une personne à une autre dans la communauté; à examiner les causes profondes des enjeux à partir d’une perspective des droits de l’enfant; à déterminer des pistes de solution novatrices liées à la réalisation de ces droits. Voici quelques exemples :

Approfondir ses connaissances sur les droits humains et les droits de l’enfant et s’assurer que les collègues ont une certaine connaissance des droits. Le responsable d’une équipe fera découvrir à cette équipe les droits de l’enfant et l’importance de ces droits dans le travail de ses membres.

Accroître la visibilité des droits de l’enfant. Lorsque ces valeurs et ces droits sont visibles, il est plus facile pour les jeunes, le personnel et même les visiteur- euse-s de se familiariser avec ces valeurs et ces droits, de les intégrer et de s’y rapporter au besoin.

Autonomisation

L’AFDE promeut l’autonomisation des jeunes pour qu’elles et ils puissent revendiquer leurs droits et tenir les décisionnaires responsables des décisions qu’elles et ils prennent et qui les concernent.

Pour mettre en œuvre ce troisième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, renforcer le pouvoir des jeunes en consolidant leur leadership et leurs compétences de vie, ce qui les aide à prendre conscience que leurs idées et talents sont des atouts indispensables à la société. Les jeunes devraient être encouragés à entreprendre des actions pour revendiquer leurs droits et prendre part à l’édification du monde dans lequel elles et ils veulent vivre. Voici quelques exemples:

Offrir des possibilités de leadership; les défis de groupe et les projets d’action communautaire sont d’excellents moyens pour les jeunes de développer toutes sortes de compétences qui les aideront à devenir des membres actifs dans leur communauté et à façonner le monde qui les entoure.

Penser à la manière de partager le pouvoir afin de donner aux jeunes l’espace nécessaire pour partager leurs opinions et prendre des décisions sur des questions importantes pour elles et eux. Réfléchir à son identité, notamment sexe, genre, race, culture, situation, langue, religion, compétences, éducation, etc., et à la façon dont cela façonne sa relation avec les jeunes de son groupe.

Non-discrimination et égalité

L’AFDE promeut la non-discrimination et l’égalité, et accorde une attention particulière aux jeunes confrontés à un grand nombre d’obstacles qui les empêchent de participer et d’être inclus. Ces jeunes sont, mais sans s’y limiter, des filles, des jeunes de différentes identités de genre, des jeunes autochtones, des jeunes handicapés, des jeunes immigrés, réfugiés ou dont le statut est précaire, des jeunes sans statut d’immigration officiel, des jeunes racisés, des jeunes qui vivent dans la pauvreté ou dans une famille d’accueil.

Pour mettre en œuvre ce quatrième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, inciter les jeunes à mieux connaître les notions d’égalité et de non-discrimination et à promouvoir ces valeurs pour s’attaquer à des enjeux comme le racisme, la réconciliation, le capacitisme, et autres. Penser à promouvoir l’égalité de genre et les normes positives en matière de genre en aidant les jeunes à découvrir qu’elles et ils peuvent être eux-mêmes malgré les stéréotypes véhiculés. Voici quelques exemples:

Explorer ses propres préjugés et partis pris. Examiner dans quelle mesure la non-discrimination et l’égalité se reflètent dans les politiques et pratiques de son organisation. Penser aux personnes dans la communauté qui sont incluses dans les programmes ou qui en sont exclues, et se demander pourquoi.

Utiliser un langage non capacitiste et non sexiste et encourager les normes positives en matière de genre. Favoriser un langage non discriminatoire et qui ne juge personne. Être conscient des mots inappropriés que l’on pourrait utiliser dans ses propos de tous les jours et les remplacer par des mots qui ne blesseront pas les personnes vivant avec un handicap. Par exemple, remplacer fou par incroyable ou es-tu sourd? par laisse-moi te l’expliquer plus clairement.

Jouer un rôle actif dans la réconciliation. Apprendre, partager et enseigner l’histoire des peuples autochtones et des pensionnats; parler des cultures et des droits des peuples autochtones.

Responsabilité et transparence

Les jeunes détiennent des droits. Un grand nombre de décisionnaires sont responsables de veiller à ce que les droits des jeunes soient respectés, protégés et réalisés en leur garantissant l’accès à l’information et à un processus décisionnel transparent. Ces décisionnaires de première ligne peuvent être des éducatrices et éducateurs, des coordonnatrices   et   coordonnateurs    de    programmes, des administratrices et administrateurs, ainsi que des représentant-e-s gouvernementaux aux échelons régional et municipal, des parents, des tutrices et tuteurs, et autres personnes responsables de prendre des décisions susceptibles de toucher la vie des jeunes.

Pour mettre en œuvre ce cinquième élément lors d’activités d’éducation aux droit humains, appuyer l’obligation des décisionnaires de se responsabiliser et à faire preuve de transparence en instaurant le dialogue et en renforçant les relations entre les jeunes et les personnes qui ont la responsabilité de faire respecter leurs droits, de les protéger et de les réaliser. Voici quelques exemples :

Offrir des possibilités pour les jeunes d’approcher les décisionnaires par le biais de leur participation à des projets d’action communautaire, à des comités jeunesse, au conseil d’administration d’organisations, aux dialogues communautaires, à la planification et à la livraison des programmes.

Décider avec les jeunes des résultats à atteindre et des façons de les évaluer. Être flexible et motivé au moment d’intégrer les résultats (positifs ou négatifs), et les leçons apprises dans les prochaines étapes et programmes.

Conclusion

L’approche fondée sur les droits de l’enfant (AFDE) guide les personnes décisionnaires et praticiennes, comme Equitas, dans la mise en œuvre d’activités, telles que des activités ludiques et trousses pédagogiques. Les éléments qui définissent l’AFDE permettent de préparer les enfants et les personnes qui les accompagnent à vivre dans le respect des droits et dans l’exercice de leurs responsabilités.


  1. Dans ce contexte, le terme décisionnaire désigne les personnes ayant une obligation ou une responsabilité de respecter, protéger et réaliser les droits humains. Dans le langage des droits humains, les décisionnaires sont appelés porteurs d’obligations. Au Canada, les principaux porteurs d’obligations sont les gouvernements fédéral, provincial et municipal. Il peut s’agir également d’intervenant-e-s non gouvernementaux, tels que les décideuses et décideurs dans les organisations communautaires, la direction et le personnel enseignant des écoles, ainsi que les parents et les tutrices et tuteurs.