Le 3 décembre 2021, le gouvernement du Québec déposait le projet de loi n° 19, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, avec pour objectif d’établir un cadre juridique spécifique aux renseignements de santé et de services sociaux (RSSS).
Le PL19 est mort au feuilleton avec le déclenchement des élections… mais on peut craindre qu’il réapparaisse à nouveau à la prochaine session parlementaire ( avec ou sans modifications). Nous disons craindre car le cadre proposé comportait de nombreuses failles dont voici un bref aperçu :
- La notion de renseignements de santé était extrêmement large incluant : l’état de santé physique ou mental d’une personne, les antécédents médicaux ou familiaux, tout matériel prélevé, les implants et orthèses, les services reçus et leurs résultats. En outre, ce nouveau cadre ambitionnait de régir beaucoup plus que le réseau de santé et de services sociaux au sens habituel du terme. Il incluait notamment le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), de nombreux organismes liés à la santé, les établissements publics et les établissements privés conventionnés, les pharmacies, les cabinets privés de professionnels, les centres médicaux spécialisés, les résidences privées pour aînés (RPA) certifiées, les ressources intermédiaires et de type familial (RI-RTF), les maisons de soins palliatifs, les entreprises funéraires, les services ambulanciers etc.;
- La LDL souhaite l’aménagement d’un régime de protection plus robuste pour les RSSS. Or, le PL19 affaiblissait au contraire le contrôle des personnes sur leurs données de santé; il libéralisait l’utilisation et l’accès sans consentement à ces renseignements, parmi les plus sensibles;
- En matière de recherche, le PL 19 permettait l’accès aux RSSS sans consentement dans les cas où « il est déraisonnable d’exiger l’obtention du consentement de la personne concernée. » Ce critère est insuffisant pour justifier une atteinte aux droits garantis par la Charte comme le droit à la vie privée. Le PL permettait aussi l’accès aux données sans qu’elles ne soient anonymisées. Il ouvrait en outre l’accès aux RSSS à la recherche commerciale;
- Le PL 19 autorisait un organisme à fournir un RSSS au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ou à un organisme chargé de prévenir ou réprimer le crime;
- Il permettait l’accès aux RSSS depuis l’extérieur du Québec sans garantie de protection équivalente à celle du Québec, dans le pays receveur; une protection «adéquate» étant suffisante;
- Le PL 19 aménageait un Système national de dépôt des RSSS où seraient stockés, sans consentement, la plupart des données de santé. Une telle concentration de RSSS soulève des problèmes de sécurité; elle parait propice aux piratages et fuites en tous genres. Les dommages en cas d’incidents de confidentialité seraient irréparables;
- Le gouvernement s’octroyait d’importants pouvoirs règlementaires, notamment celui de modifier le champ d’application de la loi (définition des RSSS et organismes visés) ce qui parait inacceptable.
La LDL suivra de près le dossier advenant la présentation d’un nouveau PL 19 sur le sujet.