Lettre parue dans le journal Le Soleil, le 19 décembre 2019
Le 10 décembre dernier avait lieu la Journée internationale des droits de la personne. C’est souvent une occasion pour les gouvernements du Québec et du Canada de publier un gentil communiqué de presse pour se féliciter de leurs engagements envers les droits humains. Pourtant, tous les jours, ces gouvernements prennent des décisions qui font en sorte que des milliers de personnes voient leurs droits bafoués au quotidien.
Quelques exemples…
Pendant que le gouvernement Trudeau dépense 4,5 milliards de dollars pour s’acheter un oléoduc afin de favoriser les pétrolières au détriment de la transition écologique nécessaire et urgente, il nie aux personnes issues des Premières nations ou Inuit le droit de refuser le déploiement de projets miniers ou gaziers sur leurs territoires ancestraux.
Pendant que le gouvernement Legault engrange 7,9 milliards de dollars de surplus budgétaires et refuse d’annoncer de réels investissements pour du logement social, des milliers de locataires peinent à payer le loyer chaque mois et la pénurie de logements locatifs abordables continue d’augmenter.
Pendant que le gouvernement Trudeau choisit de maintenir l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis, entente qui met pourtant en danger la vie d’enfants réfugiés, l’Agence des services frontaliers du Canada dénombrait 151 enfants migrants détenus dans des centres de détention pour migrants en sol canadien en 2017-2018.
Pendant que le gouvernement Legault refuse obstinément l’organisation d’une mission d’observation indépendante des conditions de détention des femmes à la prison Leclerc de Laval, les droits fondamentaux des femmes détenues continuent de ne pas être respectés, en raison notamment des conditions de détention lamentables et du manque d’accès à des soins de santé adéquats.
Pendant que le gouvernement Trudeau prend tout son temps pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, un bon nombre d’entre eux continuent à être privés de l’accès à des services de base, y compris l’eau potable, partout au pays.
Pendant que le gouvernement Legault choisit de violer les principes de justice et d’égalité inscrits dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne en discriminant les convictions religieuses de certaines communautés avec sa Loi sur la laïcité, une bonne partie des personnes racisées et immigrantes continuent d’occuper des emplois sous-payés, malgré leur niveau d’éducation et de formation élevé.
Bref, comme on le voit, la promotion et la défense des droits humains ne sont pas au centre des décisions et des actions gouvernementales. Pourtant, plusieurs textes fondamentaux garantissent les droits humains au Québec et au Canada, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948); le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (1966); le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966); la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (1975) et la Charte canadienne des droits et libertés (1982).
Adhérer à ces outils internationaux et nationaux des droits humains implique des engagements et des responsabilités de la part de nos gouvernements. Ils ont l’obligation de respecter les droits reconnus, c’est-à-dire de ne rien faire qui puisse en entraver l’exercice. Ils ont aussi l’obligation de protéger les droits reconnus, en prenant tous les moyens nécessaires pour empêcher leur violation par quelque personne ou entreprise que ce soit. Et en dernier lieu, ils ont l’obligation de promouvoir les droits humains, en prenant les mesures nécessaires – administratives, financières, programmes sociaux, etc.- pour en soutenir le plein exercice au bénéfice de tous et toutes.
Or, les exemples mentionnés précédemment nous démontrent bien que la réalité est toute autre.
Au-delà du recul généralisé des droits, la Ligue des droits et libertés constate que les tendances qui structurent l’ordre social et international, y compris au Canada et au Québec, sont de moins en moins compatibles avec la réalisation des droits humains. Les divers soulèvements un peu partout dans le monde sont des réponses, des répliques populaires, envoyées aux gouvernements qui bafouent allègement ces droits et libertés. Ces mobilisations sont des occasions à saisir pour amener les dirigeants à faire des droits humains une priorité politique.