Mémoire présenté au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire


Enjeux de droits humains entourant la détention des personnes migrantes pour des motifs administratifs au Canada

Mémoire présenté par la
Ligue des droits et libertés

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Soumis au groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire
dans le cadre de sa visite au Canada

21 mai 2024



Table des matières

Acronymes utilisés dans le mémoire

Introduction

1) Enjeux entourant les motifs de détention des migrant-e-s

1.1 Des motifs de détention nombreux et vastement appliqués

1.2 Préoccupations liées à l’équité procédurale

1.3 Une approche large et punitive plutôt qu’exceptionnelle et préventive

2) Impacts de la détention des migrant-e-s sur leurs droits et libertés

2.1 Détention d’enfants et séparation des familles

2.2 Conditions de détention

2.3 Isolement et contention

2.4 Durée de la détention

2.5 Discrimination systémique

2.6 Décès en détention

3) Lieux de détention des personnes migrantes

3.1 Enjeux entourant le choix du lieu de détention

3.2 Conjoncture actuelle : à la croisée des chemins

4) Alternatives et solutions de rechange à la détention

4.1 Difficultés d’accès aux solutions de rechange

4.2 Discrétion administrative quant au recours aux solutions de rechange

Conclusion et recommandations

Acronymes utilisés dans le mémoire

ASFC – Agence des services frontaliers du Canada

CCR – Conseil canadien pour les réfugiés

CISR – Commission de l’immigration et du statut de réfugié

CSI – Centre de surveillance de l’immigration

LIPR – Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

RIPR – Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Introduction

Fondée en 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) est un organisme dont la mission est de défendre et promouvoir tous les droits humains, en mettant de l’avant l’interdépendance entre les droits. La LDL est intervenue pour le respect des droits des personnes migrantes à diverses époques de son existence, contribuant à plusieurs mobilisations. La LDL soutient activement la campagne exigeant la régularisation de toutes les personnes sans statut présente au Canada et dénonce la détention des migrant-e-s pour des motifs administratifs. Elle dénonce aussi le racisme systémique et les discriminations, qui sont étroitement liées aux réalités vécues par les personnes migrantes au Québec.

La Ligue des droits et libertés se réjouit de la visite du groupe de travail sur les détentions arbitraires et la remercie de l’invitation à contribuer à ses travaux. La détention des personnes migrantes pour des motifs administratifs est une pratique courante au Canada et qui préoccupe grandement la LDL à l’instar d’autres organisations de la société civile, car elle engendre de nombreuses violations des droits des personnes migrantes en plus de contribuer à un climat social stigmatisant et criminalisant à leur égard.

Deux grandes observations traversent l’ensemble des dimensions abordées dans ce mémoire. D’une part, la détention des personnes migrantes pour des motifs administratifs, qui de l’avis de la LDL devrait être proscrite, devrait à tout le moins être considérée comme un tout dernier recours et se faire dans le respect des droits des personnes migrantes, en cohérence avec le cadre de droit international des droits de la personne. Malheureusement, la détention des personnes migrantes semble davantage être un scénario par défaut au Canada, et les conditions de détentions sont attentatoires aux droits de plusieurs façons. D’autre part, la détention des personnes migrantes, aux diverses étapes du traitement administratif qui les concerne et sa concrétisation matérielle, fait l’objet d’une grande opacité de la part des organes gouvernementaux responsables, opacité qui est loin d’être favorable au respect des droits humains.

Au cours des pages suivantes, le Comité de travail sur les droits des personnes migrantes de la Ligue des droits et libertés met en relief plusieurs dimensions de la détention des personnes migrantes dont elle considère qu’ils méritent l’attention du groupe de travail, et propose des pistes quant aux changements que le Canada pourrait apporter pour mieux veiller au respect et à la protection des droits humains.

1. Enjeux entourant les motifs de détention des migrant-e-s

1.1 Des motifs de détention nombreux et vastement appliqués

 La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de 2001 (LIPR) prévoit que le contrôle de la détention des résidents permanents et des étrangers au Canada est assuré par la section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR)[1] . La LIPR prévoit qu’une personne immigrante peut être détenue sur la base de cinq motifs alternatifs :

1. Il existe des motifs raisonnables de soupçonner que cette personne est interdite de territoire « pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux, pour sanctions ou pour grande criminalité, criminalité, criminalité transfrontalière ou criminalité organisée[2]»

2. Il existe des motifs raisonnables de croire que cette personne constitue «un danger pour la sécurité publique[3]»

3. Il existe des motifs raisonnables de croire que cette personne se soustraira « vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi[4]».

4. L’identité de la personne n’« a pas été prouvée dans le cadre d’une procédure prévue par la présente loi[5]».

5. L’arrivée d’un groupe de personnes a été désignée comme irrégulière au moyen d’un arrêté ministériel ; les personnes de plus de 16 ans qui en font partie sont des « étrangers désignés » et peuvent être détenues[6].

Dans la pratique, il est fréquent que les différents motifs de détention soient conjugués ou se confondent dans la justification de la détention, en particulier à ce qui a trait au « danger pour la sécurité publique » et au motif «se soustraira vraisemblablement ». Les motifs liés à la sécurité du pays sont formulés de manière évasive et large, menant régulièrement à une évaluation exagérée ou discriminatoire du risque.

Pour les deuxième, troisième et quatrième motifs de détention, le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) prévoit des critères pour l’évaluation du risque de fuite, du danger pour le public et de la preuve de l’identité de l’étranger. L’évaluation que font les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) du risque qu’une personne ne se présente pas à un rendez-vous de contrôle, d’enquête ou de renvoi pour décider d’appliquer le motif « Se soustraira vraisemblablement » soulève des questions sérieuses. L’évaluation de ce motif suppose l’exercice d’une large discrétion que les commissaires de la Section de l’immigration (SI) de la CISR hésitent parfois à réviser, même si, en théorie, ceux-ci doivent procéder à leur propre examen des critères prévus au RIPR.

Concernant le danger pour le public, ces critères incluent la considération, au seuil de gravité le plus faible, de l’association à une organisation criminelle et d’accusations ou de condamnations pour des infractions liées aux drogues, y compris au cannabis[7]. Toutefois, tel que le reconnait d’ailleurs le Président de la CISR dans ses Directives no 2 sur la détention, ni la loi ni la jurisprudence ne définissent la notion de « danger pour la sécurité publique »[8]. La décision de détenir, ainsi que la détermination du lieu de détention, telle que nous l’abordons ultérieurement, est réalisée à partir d’une grille de pointage standardisée[9]. Les critères incluent les antécédents judiciaires, ce qui a pour effet de détenir des personnes migrantes à cause d’infractions passées, parfois survenues il y a très longtemps et souvent mineures, et pour lesquelles une peine a déjà été purgée.

Concernant le cinquième motif de détention, la LIPR prévoit des critères pour l’évaluation de la détention des étrangers désignés.[10] Ceux-ci laissent toutefois une vaste marge discrétionnaire au ministre procédant à la désignation. Plus préoccupant encore, ce motif repose sur la qualification d’un groupe, alors qu’il est absolument clair en vertu des standards internationaux que la décision de détention doit se faire sur une base individuelle. Ce motif permet la détention d’enfants âgés entre 16 et 18 ans et se base sur une qualification collective du mode d’entrée au pays et non sur une évaluation individuelle.

Par ailleurs, un agent des services frontaliers peut détenir sur-le-champ toute personne migrante à l’entrée pour les deux motifs suivants[11] :

  • s’«il l’estime nécessaire afin que soit complété le contrôle»
  • s’«il a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux, pour sanctions ou pour grande criminalité, criminalité, criminalité transfrontalière ou criminalité organisée».

Ni la LIPR ni le RIPR ne spécifient combien de temps peut durer cette détention à l’entrée.

En somme, les motifs de détention des personnes migrantes au Canada sont nombreux. Ils recouvrent un grand nombre de situations fréquentes dans lesquelles se retrouvent les personnes migrantes à leur arrivée au Canada, ce qui a pour conséquence de faire de la détention le scénario par défaut plutôt que la mesure exceptionnelle. Les motifs de détention des personnes migrantes, leur évaluation et leur seuil d’application devraient être revus afin que la détention des personnes migrantes soit une mesure exceptionnelle et de dernier recours, conformément aux standards internationaux.

1.2 Préoccupations liées à l’équité procédurale

Dans la plupart des cas où l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) exerce sa discrétion pour arrêter et détenir des personnes migrantes, elle n’a pas besoin de mandat (sauf pour les résident-e-s permanent-e-s et les personnes protégées)[12]. L’ASFC bénéficie de toute la discrétion pour décider du lieu et des modalités de détention, une décision qui n’est pas soumise à la CISR[13]. L’ASFC est en outre le seul organisme de sécurité publique au Canada à ne pas être soumis à une surveillance civile indépendante[14].

Un contrôle de ces motifs de détention par la CISR a d’abord lieu dans les premières 48 heures de la détention ou dans des délais légèrement supérieurs selon certaines circonstances, puis dans les 7 jours suivants et, si la détention se prolonge, un contrôle peut être demandé tous les 30 jours[15]. Toutefois, dans le cas du motif de détention de l’étranger désigné, la révision doit plutôt avoir lieu dans un délai de 14 jours, puis aux six mois par la suite[16]. Ce délai pour la révision indépendante de la détention des « étrangers désignés » est trop long et va à l’encontre des standards internationaux[17].

Dans le cadre de l’audience pour contrôle des motifs de détention, il revient à l’ASFC de faire la preuve du caractère justifié de la détention[18]. En revanche, dans les cas de détention pour interdiction de territoire ou pour contrôle de l’identité, qui est utilisé fréquemment dans le cas de demandeurs d’asile qui arrivent sans passeport ou preuve d’identité, la CISR n’a pas droit de regard au fond. C’est donc dire que la CISR ne peut qu’évaluer les efforts d’enquête déployés par l’ASFC pour établir l’identité de la personne détenue, la raisonnabilité des soupçons de l’ASFC, ou la coopération de la personne détenue[19].

Les règles de preuve de la CISR, qui s’appliquent notamment à l’évaluation de ces motifs de détention, permettent aux commissaires de « recevoir les éléments jugés crédibles [20]» et de fonder leur décision sur ceux-ci, quelle que soit leur origine. Ainsi, devant la Section d’immigration de la CISR, il arrive parfois que des preuves soient déposées au moment de l’audience sans que les avocates aient pu les consulter au préalable, et ce en contradiction avec les règles de la CISR elle-même. Si le commissaire juge ces preuves crédibles, il peut fonder sa décision sur celles-ci.

Une proportion importante des décisions de la CISR sur la détention sont fondées soit sur une documentation classée confidentielle, soit sur des indices que les agents de l’ASFC doivent évaluer[21]. Or cette évaluation par les agents de l’ASFC n’est pas révisée par la Section d’immigration de la CISR, laquelle se contente de décider si le ministre a justifié le maintien en détention de la personne. La personne migrante détenue est donc souvent fortement limitée dans sa capacité à contester une décision de détention prise par l’ASFC.

En somme, la loi accorde une vaste marge discrétionnaire à l’ASFC, encadrée par un pouvoir de révision de la détention somme toute assez faible de la CISR. Qui plus est, le travail de la Section d’immigration de la CISR en matière de détention a été vivement critiqué, notamment par la Cour suprême du Canada, laquelle a déploré le « portrait franchement désolant de la façon dont le régime est administré pour les personnes en détention de longue durée », et énuméré un grand nombre de préoccupations quant à la conduite de ces audiences, notamment en matière d’équité procédurale[22]. Ainsi, les mécanismes encadrant actuellement la détention des personnes migrantes laissent une vaste place au pouvoir discrétionnaire de l’ASFC, notamment au regard de l’absence d’un mécanisme civil et indépendant de surveillance de cette agence et du mandat insuffisant de la CICR pour évaluer les décisions de détention de l’ASFC.

Au regard des pouvoirs étendus et de la vaste marge discrétionnaire de l’ASFC en matière de détention, le Canada devrait mettre en place un mécanisme de contrôle judiciaire des décisions de détention présentant des garanties procédurales respectant les plus hauts standards en matière d’équité procédurale. Le Canada devrait également introduire un mécanisme de surveillance civil indépendant pour l’ASFC (oversight) qui soit spécifiquement mandaté pour vérifier que les décisions des agents de l’ASFC ne conduisent pas à des détentions arbitraires et/ou discriminatoires.

1.3 Une approche large et punitive plutôt qu’exceptionnelle et préventive

Dans sa délibération Nº 5 sur la détention des migrants, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a établi que la détention des migrants devrait être appliquée comme «une mesure exceptionnelle de dernier recours[23]». Or le grand nombre de motifs permettant la détention au Canada, le fait que ceux-ci soient conçus et appliqués aussi largement, ainsi que le recours limité aux alternatives à la détention (voir section 4) soulèvent de sérieux doutes quant à la conformité des pratiques canadiennes à la norme de la mesure exceptionnelle de dernier recours.  Le nombre de personnes migrantes détenues montre également que la détention n’est pas limitée aux situations individuelles où elle est « absolument indispensable », tel que l’exige l’interprétation du Groupe de travail[24]. En effet, au Canada, en 2023, le nombre de personnes migrantes détenues oscillait entre 1300 et 1600 à la fois, pour un total de 5248 personnes au cours de l’année. La majorité des personnes détenues se concentraient au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique[25].

Il est clair en vertu du droit international des droits humains que le fait de chercher asile est un droit internationalement garanti.[26] Or, les circonstances vécues par les personnes demandant l’asile, souvent contraintes à recourir à de faux documents pour voyager, se traduisent trop souvent par leur détention s’appuyant sur le motif de l’identité non prouvée. Le fait d’entrer ou de rester irrégulièrement sur le territoire canadien ne devrait pas être considéré et traité de manière analogue à une infraction pénale. C’est pourtant l’approche qui prévaut aujourd’hui au Canada et qui contribue à la criminalisation des personnes migrantes.

2. Impacts de la détention des migrant-e-s sur leurs droits et libertés

2.1 Détention d’enfants et séparation des familles

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire s’est prononcé contre la détention des enfants migrants : « la privation de liberté d’un enfant demandeur d’asile, réfugié, apatride ou migrant, y compris les enfants non accompagnés ou séparés, est interdite[27]». Au Canada, pourtant, une personne migrante mineure peut faire l’objet d’une ordonnance de détention. Même si cela n’est pas fréquent, il arrive ainsi que des enfants soient détenus. En 2023, l’ASFC en dénombrait 2.

En outre, les enfants accompagnant un parent détenu ne sont pas considérés détenus, mais bien « hébergés ». Ces enfants hébergés se comptaient au nombre de 30 en 2023.[28] Être « hébergé » signifie que le ou les parents du mineur sont détenus et que les parents se voient offrir le choix entre garder leur enfant auprès d’eux dans le centre de détention ou le voir confier aux services de protection de l’enfance. La quasi-totalité des parents choisissent naturellement de garder leurs enfants auprès d’eux. Ces enfants subissent donc les conditions carcérales appliquées à leurs parents et vivent cette situation non pas comme un « hébergement », mais bien véritablement comme une détention.

Toute expérience de privation de liberté est traumatisante. A fortiori, du fait de sa vulnérabilité psychologique, le trauma est multiplié pour un enfant. De plus, la distinction entre détention et hébergement ne change rien aux conséquences de la détention des enfants sur l’exercice de leurs droits, notamment les droits à la santé, à l’éducation, au développement, à l’unité familiale et à la liberté. Le Comité des Nations Unies sur les droits de l’enfant écrivait en 2012 : « quelle que soit la situation, la détention d’enfants sur la seule base de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents constitue une violation des droits de l’enfant, n’est jamais dans leur intérêt supérieur et n’est pas justifiable[29]».

Les enfants dans les centres de détention ne constituent pas les seuls enfants migrants affectés par la détention, puisque la détention des parents migrants entraîne souvent la séparation d’enfants de leur(s) parent(s). L’ONG Action Réfugiés Montréal a compté, pour le Québec seulement, « plus de 182 enfants séparés d’un parent détenu, incluant 7 bébés nés pendant que leurs pères étaient détenus et 124 enfants séparés d’un de leurs parents après que la famille ait traversé la frontière afin de faire une demande d’asile[30]». Le fait de priver les enfants de leur(s) parent(s), qui plus est dans un contexte migratoire, a des conséquences importantes tant sur le plan de leur sécurité économique, de l’exercice de leurs droits et de leur santé globale.

Les distinctions entre enfants détenus, hébergés, ou même en liberté, mais privés de leur(s) parent(s) détenu(s), devraient être mises de côté au profit d’une considération entière de l’intérêt supérieur de tous les enfants affectés par la détention des migrant-e-s et du respect du droit à l’unité familiale. Les personnes mineures ne devraient pas être détenues ou « hébergées » dans un centre de détention, et les familles avec enfants ne devraient pas être séparées. Dans les cas où une mesure de contrôle est strictement requise, les personnes mineures non accompagnées et les familles avec enfant(s) devraient se voir proposer une solution de rechange à la détention qui est appropriée dans le respect des principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la non-séparation des familles.

2.2 Conditions de détention

Les personnes détenues ont à de nombreuses reprises dénoncé elles-mêmes la détention qu’elles subissaient ainsi que les conditions de leur détention, qui entrainaient plusieurs violations de leurs droits. Ces personnes dénoncent notamment les « conditions insalubres, aux locaux surpeuplés et […] l’isolation comme punition psychologique[31]». Des grèves de la faim pour protester contre les conditions de détention ont eu lieu à au moins 4 reprises au cours des récentes années. Durant la pandémie de COVID-19, au Centre de surveillance de l’immigration de Laval (CSIL), les personnes détenues ont tenu leur grève de la faim pendant 9 jours consécutifs pour exiger d’être libérées pour leur sécurité, leurs conditions de détention ne permettant nullement de se prémunir contre la transmission du coronavirus[32]. La plus récente grève de la faim de personnes migrantes détenues a eu lieu à l’automne 2023.

Lors des mobilisations des personnes détenues en CSI, plusieurs éléments préoccupants ont été mis en exergue: l’horaire très strict régissant la vie à l’intérieur du centre, les chambres partagées, l’accès restreint aux douches, l’accès restreint ou inexistant aux téléphones et aux autres modes de communications (ordinateur, internet), contribuant à isoler les personnes de leurs réseaux tout en compliquant considérablement leurs démarches pour régulariser leur situation migratoire. Les difficultés dans l’accès aux services d’un-e avocat-e s’ajoutent aussi aux dénis de droits que vivent les personnes détenues pour les fins de l’immigration.

Le fait que les personnes n’aient pas accès à des informations claires au sujet de leur situation, du processus qui les attend ou même de la durée de la détention génère un sentiment d’incertitude et de confusion très préjudiciable à leur santé psychologique[33]. À ce titre, l’accès à des soins et services appropriés en santé mentale et en santé psychosociale en détention est gravement lacunaire, ce qui est particulièrement dommageable pour bon nombre de personnes migrantes portant déjà le poids d’expériences difficiles ou traumatiques vécues dans leur pays d’origine ou durant leur parcours migratoire. Le personnel des établissements de détention, qu’il s’agisse d’un Centre de surveillance de l’immigration ou d’un établissement correctionnel, est peu formé au plan des enjeux psychosociaux vécus par les migrant-e-s, ce qui aggrave l’expérience déjà difficile de la détention.

2.3 Isolement et contention

Le recours à l’isolement cellulaire des personnes détenues pour les fins de l’immigration est une pratique courante. À titre d’exemple du caractère fréquent de cette pratique, Abdirahman Warssama, un demandeur d’asile originaire de la Somalie détenu 5 ans et 7 mois dans une prison à sécurité maximale en Ontario, a rapporté avoir été confiné 199 fois en un an. Ces confinements duraient parfois plusieurs jours, sans accès à l’extérieur, aux douches, sans aucun contact humain significatif, et étaient souvent justifiés par le seul manque de personnel[34]. En contexte pénal, cette pratique est manifestement contraire tant aux règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus qu’à la Charte canadienne des droits et libertés, qui établissent que toute période d’isolement dépassant 22 heures par jour sans contact humain réel et significatif viole les droits fondamentaux des personnes détenues. Le recours à cette pratique en contexte de détention administrative soulève des inquiétudes d’autant plus pressantes.

Plusieurs personnes migrantes et organismes qui les accompagnent soulignent aussi le fait que le traitement qui est réservé aux personnes migrantes détenues dans les installations et lors du transport est inapproprié. Les personnes sont souvent menottées et enchainées, fouillées et détenues dans un climat tendu qui les expose à la violence. Elles sont «soumises à des conditions d’enfermement parmi les plus restrictives du pays ; certaines sont notamment incarcérées dans des établissements à sécurité maximale[35]».  Ce type de mesures semble ne pas tenir compte de l’objectif de la détention des personnes migrantes, qui n’est pas et ne doit pas être punitive[36].

Les témoignages recueillis par certains organismes démontrent que ce traitement a des impacts concrets sur la santé des personnes, puisqu’il génère du stress, de la tristesse, de la peur, de la confusion et de l’incertitude, qui viennent s’ajouter à la difficulté inhérente à la situation qu’elles traversent. Une personne migrante témoignant de sa détention soulignait aussi l’humiliation : «[nous sommes] enchainés quand on va à l’hôpital, aux mains, à la taille et aux pieds. C’est une situation très humiliante ou on se retrouve devant tout le monde qui regarde comme si tu es un monstre. La personne sent ses droits diminués »[37].

De manière centrale, le cadre juridique international prévoit que toutes les personnes migrantes sont titulaires des droits et libertés de la personne au même titre que l’ensemble de la population.[38]. Or, les pratiques actuelles des Canada en matière de détention des personnes migrantes semblent s’inscrire dans un schéma de détention punitive davantage que préventive.

Le Canada doit s’assurer que les conditions de détention des personnes soient rendues conformes, dans la pratique, au cadre juridique du droit international des droits humains, en particulier au regard de la préservation de la santé physique et psychologique des personnes migrantes détenues. Le recours au confinement et aux mesures de contention à l’égard des personnes migrantes détenues est à cet égard particulièrement problématique.

2.4 Durée de la détention

Peu importe le motif de détention, le cadre juridique canadien ne fixe aucune durée maximale à la détention pour les fins de l’immigration, ce qui est contraire aux recommandations du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire[39]. La jurisprudence canadienne fait fi des recommandations internationales sur ce point, l’absence de durée maximale n’ayant pas été jugée inconstitutionnelle par la Cour d’appel fédérale[40]. Il arrive fréquemment que les personnes migrantes soient détenues plusieurs semaines, plusieurs mois et même plusieurs années sans savoir quand elles seront libérées, dans les conditions décrites et déplorées précédemment.

En 2023, plus d’une centaine de personnes détenues par l’AFSC l’étaient depuis plus de 99 jours[41]. En outre, bien que cette tendance ait connu une baisse significative au cours de la dernière décennie, il arrive encore que certaines personnes migrantes sont détenues durant plus d’un an (14 personnes en 2023)[42].

Il est pourtant prévu au terme des directives du président de la CISR sur la détention que celle-ci doit renouveler périodiquement sa décision et qu’il incombe au ministre de prouver que la détention est toujours justifiée[43]. Pourtant, il semble dans certains cas qu’après les révisions initiales de la détention par la CISR, le commissaire, lors des audiences mensuelles, puisse avoir tendance à renouveler la détention de mois en mois, entrainant des détentions sur une longue durée. Le cas de M. Ebrahim Touré, détenu pendant 5 ans et demi pour motif de risque de fuite, avant d’être finalement libéré en 2018, est emblématique à cet égard[44].  Bien que le cas de M. Touré soit exceptionnel, il demeure que le fait que les migrant-e-s détenu-e-s ne connaissent pas la durée de leur détention génère une incertitude dommageable à plusieurs égards.

Les conséquences d’une détention qui s’étire en longueur sont multiples : cela affecte non seulement la santé physique et psychologique, mais contribue aussi à la détérioration les conditions de vie de la famille de la personne détenue ainsi qu’à l’affaiblissement de son réseau social, rendant plus difficile la reprise d’une vie « normale » par la suite.

Une détention longue et d’une durée indéterminée dans un contexte migratoire constituent des détentions arbitraires[45]. Les personnes ayant été détenues par l’ASFC identifient d’ailleurs le caractère indéterminé de la durée de la détention comme une source importante de détresse psychologique[46]. Le cadre juridique canadien en matière de détention des personnes migrantes devrait prévoir une durée maximale de détention.

2.5 Discrimination systémique

De manière générale, de nombreuses plaintes pour racisme à l’encontre d’agents de l’ASFC sont enregistrées et jugées fondées[47]. Des allégations de profilage racial et de discrimination par l’ASFC ont également été documentées, y compris par l’ASFC elle-même[48]. En effet, au terme d’une étude menée par l’ASFC et publiée en 2022 :

25 % (n=227) des répondants de première ligne (n=922) ont indiqué avoir été directement témoins de la discrimination d’un voyageur, par un autre collègue, au cours des deux dernières années. Parmi ces répondants, 71 % (n=162) ont laissé entendre que la discrimination dont ils ont été témoins était fondée, en tout ou en partie, sur la race et 76 % (n=173), sur l’origine nationale ou ethnique des voyageurs[49]

L’existence de racisme systémique au sein de l’ASFC a d’ailleurs été reconnue par le premier ministre canadien en 2020[50].

L’expérience d’une incarcération longue s’avère plus fréquente chez les personnes migrantes racisées, tout particulièrement les personnes noires. De plus, les personnes caucasiennes tendent à être davantage détenues dans les centres de surveillance de l’immigration (CSI), et pour des périodes beaucoup plus brèves, que les personnes racisées qui sont plus souvent acheminées vers les prisons provinciales[51]. Le racisme systémique ne se manifeste pas seulement dans la durée de la détention, mais semble également influer sur la décision de détenir, ou le traitement réservé aux personnes, de façon générale.

Ainsi, les données sur le recours à la détention, sa durée, le lieu choisi par l’ASFC selon les personnes et ses conditions dénotent des pratiques discriminatoires. Le Canada a reconnu l’existence de la discrimination systémique dans les pratiques de l’ASFC. Il est nécessaire que le Canada prenne des mesures pour agir à la source du profilage racial et du racisme systémique qui se manifestent dans la détention des personnes migrantes.

2.6 Décès en détention

En 2022, Human Rights Watch faisait état d’au moins 17 décès survenus depuis 2000[52], une comptabilisation probablement incomplète selon certaines organisations de la société civile, l’information partagée par l’ASFC étant lacunaire. D’autres rapports font état de tentatives de suicide et de suicides des personnes migrantes détenues[53].

Bien entendu, ces décès méritent d’être examinés avec la plus grande diligence étant donné les conditions de détention, le recours à l’isolement et le manque d’accès aux soins et services de santé mentale qui contribuent à accentuer la détresse psychologique vécue par les personnes migrantes.

Le cas de Abdurhaman Ibrahim Assan, Somalien détenu décédé en détention en 2015, est tristement emblématique. M. Hassan est arrivé au Canada en 1992 en tant que réfugié et a obtenu l’asile peu après. Il vivait avec un diagnostic de schizophrénie, de trouble bipolaire et de syndrome de stress post-traumatique. En 2012, M. Hassan a été placé en détention par l’ASFC au Centre correctionnel du Centre-Est, un centre à sécurité maximale situé en Ontario. Durant trois années passées de détention, il a été maintenu en isolement durant de nombreux mois. Le 11 juin 2015, M. Hassan a eu une crise d’épilepsie et a été transféré à l’hôpital, où le personnel soignant et des policiers sont entrés dans sa chambre alors qu’il était en crise et sous contention. Sa bouche a été couverte d’une serviette et sa tête a été maintenue contre le lit, entrainant son décès[54].

Dans ce cas, conformément aux prescriptions du droit international, le décès a donné lieu à une enquête et à des recommandations visant à ce que de tels événements ne se reproduisent pas. Cependant, dans la majorité de cas de décès de migrant-e-s aux mains de l’ASFC, un manque de transparence empêche le public de connaitre les causes des décès, et de savoir si une enquête a lieu ou non, et le cas échéant les conclusions de celles-ci. Les communiqués émis par l’ASFC dans le cas de décès sont laconiques et participent d’une opacité fort dangereuse pour le respect des droits humains des migrant-e-s[55].

 3. Lieux de détention des personnes migrantes

3.1 Enjeux entourant le choix du lieu de détention

La LIPR confie la décision de détention et du choix du lieu de détention aux agents de l’ASFC (voir Section 1). Or des documents internes de l’ASFC indiquent que les personnes détenues pour une longue période sont principalement détenues dans les établissements correctionnels. En 2019, 78% des personnes détenues pour plus de 90 jours et 85% des personnes détenues plus de 180 jours avaient été détenues au moins en partie dans une prison provinciale, et la totalité des personnes détenues pendant 270 jours ou plus avaient été détenues dans une prison provinciale[56]. Cela n’est pas un hasard, car il a été démontré que les personnes qui sont détenues dans les prisons sont aussi susceptibles de rester en détention plus longtemps que les personnes détenues dans les CSI[57].

La détermination du lieu de détention n’est pas détaillée dans le cadre juridique applicable à la détention. Elle est laissée à la discrétion des agents de l’ASFC et tributaire de l’évaluation du risque de sécurité posé par la personne[58]. Cette évaluation du risque est réalisée à partir de la grille de pointage standardisée, la même à partir de laquelle on détermine si une personne doit ou non être détenue.

Dans les faits, l’évaluation du risque donne lieu à des pratiques discriminatoires[59]. Par exemple, les personnes ayant des problèmes de santé mentale ou des handicaps psychosociaux sont plus susceptibles d’être détenues dans un établissement correctionnel plutôt qu’en CSI, car l’existence d’un trouble de santé mentale ou d’un handicap psychosocial est associée à un plus haut risque de sécurité, tant dans la décision de détention que dans le processus de détermination du lieu de détention par les agents de l’ASFC[60]. Le Canada devrait agir pour mettre fin à toute discrimination fondée sur la santé mentale des personnes migrantes dans le choix du lieu de leur détention et tous les autres aspects du traitement qui leur est réservé.

Les agents de L’ASFC tendent également à présumer, à tort, que les établissements correctionnels seront mieux outillés pour gérer leurs comportements et pour prodiguer des soins adaptés. Les établissements correctionnels ne sont en effet pas en mesure d’offrir un meilleur accompagnement ou un accès aux soins appropriés. Au contraire, les personnes confiées aux établissements correctionnels tendent plutôt à être soumises à des conditions de détention encore plus restrictives, en plus d’être sujettes à l’ensemble des mesures disciplinaires propres aux milieux correctionnels.  Comme les personnes ayant un trouble de santé mentale ou un handicap psychosocial sont plus susceptibles d’être jugées non-coopératives en détention, ou alors plus susceptibles de se désorganiser, elles sont particulièrement à risque de faire l’objet de sanctions disciplinaires, notamment la mise en isolement[61].

Par ailleurs, les personnes détenues dans un établissement correctionnel pour le compte de l’ASFC n’ont pas accès aux intervenants, services et programmes offerts au reste de la population carcérale. De plus, elles ont un accès restreint au téléphone et à l’assistance juridique, puisque, contrairement aux personnes détenues pour des raisons pénales, ces droits ne sont pas garantis en contexte de détention administrative. Elles sont aussi souvent marginalisées en raison de leur statut, de leur incapacité de communiquer dans une langue qui est comprise des gens du centre de détention, etc.

Les personnes détenues pour les fins de l’immigration dans les établissements correctionnels bénéficient en somme d’un accompagnement et de services moindres que les personnes purgeant une peine d’incarcération, elles sont arrachées à leur réseau et elles souffrent considérablement de l’absence d’horizon clair quant à la durée de leur détention. Si la détention pour les fins de l’immigration au Canada est décrite comme une expérience traumatique, peu importe le lieu de détention, les personnes ayant été détenues en milieu correctionnel en ressortent avec des séquelles psychologiques encore plus importantes[62].

3.2 Conjoncture actuelle : à la croisée des chemins

Jusqu’à maintenant, les personnes détenues par l’ASFC l’étaient soit dans un Centre de surveillance de l’immigration (CSI), un établissement de détention dédié s’apparentant à une prison de sécurité moyenne, soit dans une prison provinciale, ou encore dans d’autres types d’établissements comme les détachements de la GRC, les postes de police locaux et provinciaux ou les bureaux intérieurs de l’ASFC.

En 2022-2023, 5248 personnes ont été détenues par l’ASFC. De ce nombre, 72% avaient été placées dans l’un des trois CSI au pays – situés à Laval (Québec), Toronto (Ontario) et Surrey (Colombie-Britannique). Les autres étaient détenues dans des prisons provinciales (16%) ou d’autres types d’établissements (12%)[63].

En avril 2024, le gouvernement fédéral annonçait son intention de permettre l’utilisation des établissements correctionnels fédéraux à des fins de détention liée à l’immigration à « risque élevé»[64]. Cette décision du gouvernement canadien fait suite à l’annonce par l’ensemble des provinces, entre 2022 et le début de l’année 2024, de la fin de leurs ententes avec l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) prévoyant l’utilisation des prisons provinciales pour y détenir certaines personnes pour les fins de l’immigration[65]. Le Canada entend donc substituer l’utilisation des prisons provinciales par celle des pénitenciers fédéraux pour détenir les migrant-e-s, ce qui est contraire au droit international des droits humains.

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a pourtant bien établi que la détention des demandeurs d’asile et autres migrant.es en situation irrégulière ne devrait pas avoir lieu dans des établissements carcéraux. Le droit international requiert également que les personnes migrantes ne soient pas détenues avec les personnes purgeant une peine d’incarcération[66].

Les impacts de la détention des personnes migrantes ne sont pas exclusifs aux milieux correctionnels. La détention en CSI soulève des inquiétudes similaires quant au respect des droits et de la dignité des personnes. Néanmoins, l’utilisation des établissements correctionnels pour la détention aux fins de l’immigration donne lieu à des situations manifestement inacceptables – en témoigne la volonté des provinces canadiennes de renoncer à cette pratique, en résiliant leurs ententes mettant les prisons provinciales à disposition de l’ASFC.

Dans ce contexte, la décision du gouvernement fédéral de mobiliser ses pénitenciers est d’autant plus préoccupante. Ni le gouvernement fédéral ni l’AFSC n’ont jusqu’ici fourni de détails quant aux modalités selon lesquelles les pénitenciers seront utilisés pour la détention liée à l’immigration. Plusieurs questions demeurent donc sans réponse, notamment : À quoi renverra la catégorie « immigration à risque élevé » évoquée par le gouvernement fédéral et comment sera-t-elle interprétée par les agents de l’ASFC? Les personnes actuellement détenues dans les prisons provinciales seront-elles placées sous surveillance dans la communauté, transférées vers un CSI ou vers un pénitencier ? Selon quels critères ?

L’expérience passée avec l’utilisation des prisons provinciales suggère qu’il ne sera pas possible d’endiguer le risque d’arbitraire s’agissant de la détention en milieu pénitentiaire. Les établissements correctionnels fédéraux n’ont pas été conçus pour accueillir des personnes détenues pour une courte durée, de surcroît des personnes n’ayant pas été condamnées à une peine d’incarcération. À preuve, des contrats datés de mai 2023 identifiés par des journalistes sur le site d’Achats Canada indiquent que l’ASFC a acquis des roulottes pour le site du pénitencier fédéral de Bowden (Innisfail, Alberta), pour la détention liée à l’immigration[67].

Plutôt que de se livrer à ce genre d’exercice d’improvisation, ou de chercher à encadrer une pratique hautement à risque pour les droits et la dignité des personnes, il apparait plus pertinent d’insister sur le fait que le Canada se trouve présentement à une croisée des chemins. À moins que l’ASFC ne modifie significativement ses pratiques de détention, les pénitenciers ne pourront pas pallier les besoins anciennement comblés par les prisons provinciales, notamment dans les provinces n’ayant pas de CSI sur leur territoire. Le désengagement des provinces pourrait en ce sens représenter une occasion de minimiser les mesures privatives de liberté subies par les personnes appréhendées par l’ASFC.

Le Canada devrait saisir le désengagement des autorités provinciales autorisant la détention de personnes migrantes dans des prisons provinciales comme une opportunité pour renoncer pareillement à utiliser ses établissements correctionnels pour la détention liée à l’immigration.

4. Alternatives et solutions de rechange à la détention

Le programme de « Solutions de rechange à la détention » a été institué en 2018 au Canada, et se déploie selon les modalités suivantes[68] :

  • Versement d’un dépôt ou d’une garantie
  • Imposition de conditions de surveillance : cette solution consiste à tenir l’ASFC au courant de l’adresse et de tout changement à celle-ci, à signaler les accusations criminelles et les déclarations de culpabilité et à coopérer pour l’obtention d’un document d’identité ou de voyage, notamment. Dans les faits, il semblerait que ces conditions sont appelées par les commissaires de la CISR « les conditions habituelles » et sont quasi systématiquement imposées à toutes les remises en liberté – plutôt que comme solution de rechange à la détention, quelles qu’en soient les circonstances.
  • Gestion des cas et surveillance dans la collectivité : Armée du Salut, Société John Howard du Canada, Programme de cautionnements à Toronto)[69]
  • Obligation de se présenter aux autorités;
  • Aiguillage vers des services de soutien en santé physique et mentale
  • Aiguillage vers des services de soutien aux toxicomanes;
  • Aiguillage vers des services de soutien à l’emploi et au logement;
  • Aiguillage vers des services de soutien à la famille et aux enfants;
  • Résidence obligatoire, au besoin;
  • Déclaration vocale
  • Surveillance électronique : La surveillance électronique n’est officiellement disponible que la région du Grand Toronto, mais elle a été utilisée au Québec pendant la pandémie, sans évaluation du projet pilote torontois[70]. L’utilisation systémique de la surveillance électronique est fortement critiquée au regard du droit à la liberté des migrant-e-s[71].

4.1 Difficultés d’accès aux solutions de rechange

Bien que ces mesures correspondent en principe aux modèles recommandés par des organisations internationales de droits humains[72], le texte des Directives du Président de la CISR sur la détention démontre que les solutions de rechange ne sont pas la priorité de la CISR et que la détention n’est pas envisagée comme une solution de « dernier recours ». Ce sont en effet les solutions de rechange qui sont présentées comme exceptionnelles, à l’égard des personnes identifiées par l’ASFC et pour lesquelles un commissaire conclut par la suite qu’une solution de rechange « est nécessaire ou pourrait être appropriée[73]». L’accès à ces solutions est donc limité et il repose sur le pouvoir discrétionnaire de l’ASFC.

Cela va à l’encontre de l’approche qui est mise de l’avant notamment par le Groupe de travail sur la détention arbitraire, selon laquelle c’est la détention – plutôt que les modes alternatifs – qui devrait constituer une mesure exceptionnelle[74].  En outre, l’ASFC n’a mis en œuvre aucun programme d’évaluation de l’impact de ces restrictions sur le droit à la liberté des personnes migrantes détenues.

La liberté physique des personnes migrantes doit constituer le cadre d’analyse et le scénario par défaut. Dans les cas où une mesure de contrôle est strictement nécessaire, des solutions de rechange à la détention doivent être envisagées en premier. Elles doivent demeurer exceptionnelles et ne pas se substituer à une liberté physique pleine et entière des personnes migrantes.

4.2 Discrétion administrative quant au recours aux solutions de rechange

En 2022-2023, le programme de « Solutions de rechange à la détention » a couvert un peu moins du tiers des personnes détenues pour motif d’immigration au Canada (1866 sur 6091). Plus des deux tiers des personnes appréhendées restent donc en détention[75].

Le document de l’ASFC sur les Statistiques trimestrielles sur la détention pour 2022-2023 ne comporte pas de statistiques sur l’usage des solutions de rechange en regard des motifs de détention. La majorité des personnes détenues le sont pour le motif « Se soustraira vraisemblablement » ou « Se soustraira vraisemblablement et danger pour la sécurité publique » : 5017 sur 6091 en 2022-2023[76].

Les personnes détenues au-delà d’une courte durée initiale semblent se trouver dans deux situations : soit présenter un risque de fuite sans pouvoir être renvoyées (faute de document d’identité vérifiable, en cas de risque de violation de leurs droits et libertés en cas de renvoi, ou en cas de réticence du pays d’origine), soit présenter un danger pour le public. La prémisse initiale, qui pose l’alternative entre la détention et les solutions de rechange n’est pourtant pas le bon point de départ. La liberté physique plutôt devrait plutôt constituer le paradigme de base, la solution par défaut. Dans cette optique, bien que les solutions de rechange à la détention devraient être systématiquement privilégiées par rapport à la détention, elles-mêmes ne devraient être envisagées que dans les situations individuelles où une mesure de contrôle est nécessaire.

Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) a fait une analyse serrée du programme de « Solutions de rechange à la détention » et a trouvé beaucoup à critiquer, tant sur les principes que sur la mise en œuvre[77]. D’autres ONG ont trouvé que le programme de gestion des cas et surveillance dans la collectivité est «vraiment carcéral, plus comme une extension de la détention qu’une alternative à la détention[78]».

Les partenaires de ces programmes, comme l’organisme John Howard, sont en effet avant tout des instances qui accueillent d’anciens détenus fédéraux dans des programmes de libération conditionnelle. Les migrants sont mêlés avec ces anciens détenus et subissent des règles de vie et de surveillance très strictes comme l’obligation de divulguer le contenu de leurs comptes bancaires et de leurs appareils électroniques ainsi que l’obligation de travailler sans salaire 25 heures par semaine[79]. Le CCR demande d’ailleurs que «les alternatives [ne soient pas] reproduites à partir des modèles établis pour les criminels[80]».

Il existe également un risque que les solutions de rechange à la détention aient comme conséquence soit des mesures d’application plus rigoureuses envers des personnes qui autrement ne seraient pas placées en détention, soit la prolongation de ces mesures envers des personnes qui autrement seraient libérées. Du fait d’un manque d’information et de la peur d’être maintenues en détention pour une période indéterminée, des personnes migrantes pourraient accepter des conditions très contraignantes d’alternatives à la détention[81].

La possibilité que la décision sur la détention et les solutions de rechange à la détention glisse du discrétionnaire à l’arbitraire est la plus grande faiblesse du système en regard des droits et libertés.

Pour limiter l’arbitraire, les décisions de détention – et particulièrement les décisions de détention fondées sur le motif d’un risque de non-représentation – doivent faire l’objet d’un contrôle judiciaire plus serré, s’apparentant au contrôle judiciaire des décisions de détention préventive dans le système pénal. Le droit à la liberté des personnes migrantes n’est pas moindre que celui des personnes se retrouvant dans le système pénal.

5. Conclusion et recommandations

La Ligue des droits et libertés considère que le Canada devrait complètement cesser de détenir des personnes migrantes pour des motifs administratifs. La LDL souligne que les recommandations qui suivent sont des mesures à adopter urgemment pour répondre aux graves violations de droits humains qui ont cours actuellement, mais que le Canada doit ultimement mettre fin à cette pratique.

De plus, la LDL est gravement préoccupée par les pratiques actuelles de détention des personnes migrantes au Canada, en particulier sur le plan des motifs de détention et du large pouvoir discrétionnaire accordé à l’ASFC dans sa décision de détenir, du traitement des personnes détenues, de la récente décision du Canada de détenir des personnes migrantes dans les pénitenciers fédéraux et du faible recours aux alternatives à la détention.

Nous invitons le Groupe de travail sur la détention arbitraire à se pencher sur la pratique du Canada en matière de détention des personnes migrantes au regard des éléments suivants :

1. Les motifs de détention des personnes migrantes, leur évaluation et leur seuil d’application devraient être revus afin que la détention des personnes migrantes soit une mesure exceptionnelle et de dernier ressort, conformément aux standards internationaux.

2. Au regard des pouvoirs étendus et de la vaste marge discrétionnaire de l’ASFC en matière de détention, le Canada devrait mettre en place un mécanisme de contrôle judiciaire des décisions de détention présentant des garanties procédurales respectant les plus hauts standards en matière d’équité procédurale. Le Canada devrait également introduire un mécanisme de surveillance civil indépendant pour l’ASFC (oversight) qui soit spécifiquement mandaté pour vérifier que les décisions des agents de l’ASFC ne conduisent pas à des détentions arbitraires et/ou discriminatoires. 

3. Les personnes mineures ne devraient pas être détenues ou «hébergées» dans un centre de détention, et les familles avec enfants ne devraient pas être séparées. Dans les cas où une mesure de contrôle est strictement requise, les personnes mineures non accompagnées et les familles avec enfant(s) devraient se voir proposer une solution de rechange à la détention qui est appropriée dans le respect des principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la non-séparation des familles.

4. Le Canada doit s’assurer que les conditions de détention des personnes soient rendues conformes, dans la pratique, au cadre juridique du droit international des droits humains, en particulier au regard de la préservation de la santé physique et psychologique des personnes migrantes détenues.

5. Le cadre juridique canadien en matière de détention des personnes migrantes devrait prévoir une durée maximale de détention.

6. Il est nécessaire que le Canada prenne des mesures pour agir à la source du profilage racial et du racisme systémique qui se manifestent dans la détention des personnes migrantes.

7. Le Canada devrait agir pour mettre fin à toute discrimination fondée sur la santé mentale des personnes migrantes dans le choix du lieu de leur détention et tous les autres aspects du traitement qui leur est réservé.

8. Le Canada devrait saisir le désengagement des autorités provinciales autorisant la détention de personnes migrantes dans des prisons provinciales comme une opportunité pour renoncer pareillement à utiliser ses établissements correctionnels fédéraux pour la détention liée à l’immigration.

9. La liberté physique des personnes migrantes doit constituer le cadre d’analyse et le scénario par défaut. Dans les cas où une mesure de contrôle est strictement nécessaire, des solutions de rechange à la détention doivent être envisagées en premier. Elles doivent demeurer exceptionnelles et ne pas se substituer à une liberté physique pleine et entière des personnes migrantes.

10. Pour limiter l’arbitraire, les décisions de détention – et particulièrement les décisions de détention fondées sur le motif d’un risque de non-représentation – doivent faire l’objet d’un contrôle judiciaire plus serré, s’apparentant au contrôle judiciaire des décisions de détention préventive dans le système pénal. Le droit à la liberté des personnes migrantes n’est pas moindre que celui des personnes se retrouvant dans le système pénal.

 


 

[1] Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC C 2001, c 27, art 54.

[2] Ibid, art art.55(1), 55(2)(a) et 58((1)(c).

[3] Ibid, art 55(1), 55(2)(a) et 58(1)(a).

[4] Ibid, art 55(1), 55(2)(a) et 58(1)(b).

[5] Ibid, art 55(2)(b) et 58(1)(d).

[6] Ibid, art 20.1(1), 55(3.1) et 58(1)(e). Ce dernier motif est peu utilisé, mais les garanties contre la détention arbitraire qui existent à son égard sont plus faibles que pour les autres motifs de détention.

[7] Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, arts 244‑247.

[8] Directives numéro 2 du président : Détention, Directives données par le président en application de l’alinéa 159(1)h) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, par Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Directives données par le président en application de l’alinéa 159(1)h) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2010 au para 2.2.1.

[9] Voir section 9.5, Placement : Évaluation nationale des risques en matière de détention, ASFC, ENF 20, supra note 7 aux pp 40-44.

[10] LIPR, supra note 1, art 58.

[11] Ibid, art 55(3).

[12] LIPR, supra note 1, art 55(2) et 55(3.1).

[13] Ebrahim Toure v Minister of Public Safety ans Emergency Preparedness, Minister of Immigration, Refugees and Citizenship, Attorney General of Canada, 2017 ONSC 5878 aux para 71‑72.

[14] « Je ne me sentais pas comme un être humain ». La détention des personnes migrantes au Canada et son impact en matière de santé mentale, par Human Rights Watch, Human Rights Watch, 2021 à la p 12.

[15] LIPR, supra note 1, art 57(1) et (2).

[16] Ibid, art 57.1(1) et (2).

[17] Observation générale no 35. Article 9 (Liberté et sécurité de la personne), CCPR/C/GC/35, 2014 au para 33.

[18] sur le stCelui-ci repose sur le standard de preuve de la prépondérance des probabilités. Voir : Commission de l’immigration et du statut de réfugié, supra note 8 au para 7.2.1.

[19] Ibid au para 2.5.1 et 2.5.2.

[20] LIPR, supra note 1, art 173(d).

[21] Canada Border Services Agency Gouvernement du Canada, « National Immigration Detention Standards – Chapter 6.0: Administration and Management », (7 juillet 2021), en ligne: <https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/detent/standards-normes/ch6-eng.html>, tit 6.1.5, , Last Modified: 2023-07-20.

[22] Voir Louis-Philippe Jannard, « L’exercice du pouvoir discrétionnaire au prisme du contrôle des indésirables : une étude des pratiques de détention de l’agence des services frontaliers du canada », Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, Février 2023, p. 189, lequel cite l’affaire Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Chhina, 2019 CSC 29, 433 DLR (4th) 381).

[23] Revised deliberation No. 5 on deprivation of liberty of migrants, par Doc off AG NU, Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, Doc NU A/HRC/39/45 Annexe, 2018 au para 12.

[24] Ibid au para 23.

[25] Agence des services frontaliers du Canada Gouvernement du Canada, « Statistiques trimestrielles sur la détention et solutions de rechange à la détention : Deuxième trimestre, exercice financier 2023 à 2024 », (23 octobre 2023), en ligne: <https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/detent/qstat-2023-2024-fra.html>, tbl 1.3, , Last Modified: 2024-01-09; Agence des services frontaliers du Canada Gouvernement du Canada, « Statistiques annuelles sur les détentions : 2012 à 2023 », (9 décembre 2021), en ligne: <https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/detent/stat-2012-2023-fra.html>, tbl 3.2, , Last Modified: 2023-09-15.

[26] Déclaration universelle des droits de l’Homme, Rés AG 217A (III), Doc off AG NU, 3e sess, supp no 13, Doc NU A/810 (1948) 71), art 14.

[27] Doc off AG NU, Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, supra note 25 au para 11. Notre traduction

[28] https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/detent/stat-2012-2023-fra.html

[29] United Nations Committee on the Rights of the Child, Report of the 2012 Day of General Discussion on the Rights of all Children in the Context of International Migration, paragraphs 32 and 78, https://www.refworld.org/reference/themreport/crc/2012/en/95889

[30] Rapport annuel 2019, par Action Réfugiés Montréal, 2020 à la p 6.

[31] Solidarité sans frontières, « Mois d’action anti-détention », (18 juillet 2022), en ligne: <https://www.solidarityacrossborders.org/fr/month-against-detention>.

[32] « Message des prisonniers au Centre de surveillance de l’Immigration de Laval : Grève de la faim jusqu’à la libération », (25 mars 2020), en ligne: Solidairité sans frontières <https://www.solidarityacrossborders.org/fr/communique-from-prisoners-in-the-laval-immigration-holding-centre-hunger-strike-until-we-are-free>.

[33] « Action Réfugiés ne m’a pas laissé seul». Étude qualitative de l’impact du programme de soutien aux personnes détenues pour fins d’immigration, par Action Réfugiés Montréal, Montréal, 2021.

[34] Brigitte Bureau, « Emprisonnement sans limite », Radio-Canada, en ligne: <https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/5124/immigration-deportation-droit-humain-avocat-refugies-politique-federale>.

[35] Human Rights Watch, supra note 15 à la p 1.

[36] Doc off AG NU, Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, supra note 25 au para 14.

[37] Action réfugié Montréal, Action Réfugié ne m’a pas laissé seul, novembre 2021, https://actionr.org/wp-content/uploads/2022/05/E%CC%81tude-qualitative-Programme-de-de%CC%81tention-ARM-2021.pdf

[38] Doc off AG NU, Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, supra note 25 au para 10.

[39] Doc off AG NU, Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, supra note 25 au para 25.

[40] Alvin Brown et End Immigration Detention Network c. le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la protection civile, 2020 CAF 130. La Cour suprême du Canada a refusé d’entendre l’appel sur cette affaire.

[41] Gouvernement du Canada, supra note 27 tbl 1.2.

[42] Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, https://irb-cisr.gc.ca/fr/statistiques/controle-detention/Pages/detenLen.aspx

[43] Commission de l’immigration et du statut de réfugié, supra note 8 au para 7.2.4.

[44] Toronto Star, “Immigration detainee Ebrahim Toure finally free after more than five years” September 21, 2018, https://www.thestar.com/news/investigations/immigration-detainee-ebrahim-toure-finally-free-after-more-than-five-years/article_6f5eea6a-39d8-50e1-aa36-3fdb80810c53.html

[45] Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, revised deliberation no 5, para.25-26)

[46] Voir notamment Efrat Arbel et Ian Davis, « Immigration detention and the problem of time: lessons from solitary confinement », International Journal of Migration and Border studies, vol. 4, 2018.

[47] Michael Tutton, « More than 100 complaints of racism, rudeness against Canada border officers were founded last year », National Post (4 septembre 2018), en ligne: <https://nationalpost.com/news/canada/travellers-complain-about-rude-disrespectful-canadian-border-officers>; Shanifa Nasser, « Canadian files complaint after CBSA agent allegedly tells him “You’re Somalian” as reason for questioning », CBC News (15 octobre 2020), en ligne: <https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/cbsa-racism-complaint-1.5762676>.

[48] Voir notamment Détention des migrant·es : un système jugé discriminatoire et arbitraire, par Oona Barrett, 2024; CBSA Oversight Bill, NCCM Policy Paper, par Conseil national des musulmans canadiens, NCCM Policy Paper, 2020.

[49] Agence des services frontaliers du Canada Gouvernement du Canada, « Évaluation du traitement des voyageurs sous l’angle de l’ACS+ », (5 juillet 2022), en ligne: <https://www.cbsa-asfc.gc.ca/agency-agence/reports-rapports/ae-ve/2022/menu-fra.html>.

[50] Catharine Tunney, « Systemic racism exists in RCMP, Trudeau argues — after commissioner says she’s “struggling” with the term », CBC News (11 juin 2020), en ligne: <https://www.cbc.ca/news/politics/rcmp-systemic-racism-lucki-trudeau-1.5607622>.

[51] Human Rights Watch, supra note 15.

[52] Des décès mettent en lumière l’inhumanité du système de détention de migrants au Canada | Human Rights Watch (hrw.org)

[53] University of Toronto, “We have no rights: arbitrary imprisonment and cruel treatment of migrants with mental health issues in Canada”, 2015: https://ihrp.law.utoronto.ca/utfl_file/count/PUBLICATIONS/IHRP%20We%20Have%20No%20Rights%20Report%20web%20170615.pdf

[54] Conseil canadien pour les réfugiés, « Le Black Legal Action Centre, le Refugee Law Office, et le Conseil canadien pour les réfugiés sont satisfaits des recommandations du jury de l’enquête sur Abdurahman Hassan. Communiqué de presse », (10 février 2023), en ligne: <https://ccrweb.ca/fr/media/jury-recommandations-abdurahman-hassan-enquete>.

[55] Deaths in detention: CBSA’s fatal failure to learn from its mistakes | Globalnews.ca

[56] Agence des services frontaliers du Canada, sans titre, document n° 2019-21550, document non publié conservé dans les archives de Human Rights Watch et Amnistie internationale (obtenu au titre de la loi sur l’accès à l’information), 10 décembre 2019, cité dans Human Rights Watch et Amnistie internationale, « Je ne me sentais pas comme un être humain ». La détention des personnes migrantes au Canada et son impact en matière de santé mentale, Juin 2021, à la p 19.

[57] Human Rights Watch, supra note 15 à la p 19.

[58]  Soit l’Évaluation nationale des risques en matière de détention (ENRD), contenue dans le chapitre ENF 20 du manuel d’exécution de la loi. Voir Agence des services frontaliers du Canada, ENF 20. Détention, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 23 mars 2023, en ligne : <https://www.canada.ca/content/dam/ircc/migration/ircc/francais/ressources/guides/enf/enf20a-fr.pdf> [ASFC, ENF 20].

[59] Sur l’adéquation entre le risque et les problèmes de santé mentaux ou les handicaps psychosociaux, voir Human Rights Watch et Amnistie internationale, « Je ne me sentais pas comme un être humain ». La détention des personnes migrantes au Canada et son impact en matière de santé mentale, Juin 2021, aux pp 27-28.

[60] En effet, le chapitre ENF 20 du manuel d’exécution de la LIPR relativement à la détention trace un lien clair entre l’état de santé mental et la dangerosité. La section du chapitre consacrée aux facteurs sur lesquels peuvent se fonder une mise en détention liée à la sécurité indique en effet que : « Il pourrait y avoir des motifs raisonnables de croire qu’une personne atteinte d’un trouble mental pour lequel elle n’est pas traitée constitue un danger pour le public (par exemple, un comportement violent et instable envers l’agent pendant l’interaction). Si on constate, au moment de l’entretien, que la personne a un comportement instable associé à un déséquilibre mental, cela peut constituer un indicateur important quant à l’évaluation du danger et laisser supposer que la personne pourrait devenir violente. » Voir ASFC, ENF 20 supra note 8 à la p 19.

[61] Ibid.

[62] Ce qui est encore plus criant chez les personnes conjuguant avec des enjeux de santé mentale. Voir notamment Voir notamment Hanna Gros et Paloma van Groll, « We have No Rights. Arbitrary Imprisonments and Cruel Treatment of Migrants with Mental Health Issues in Canada. » 20215, International Human Rights Program, University of Toronto Faculty of Law, aux pp 19-23.

[63] Agence des services frontaliers du Canada, Statistiques annuelles sur les détentions : 2012 à 2023, en ligne : https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/detent/stat-2012-2023-fra.html

[64] Budget fédéral 2024, Annexe 3, à la p 475.

[65] Au Canada, les prisons provinciales, gérées par les services correctionnels de chacune des provinces, sont réservées à la détention des personnes condamnées à des peines d’incarcération de moins de deux ans. Les personnes condamnées à des peines d’incarcération de 2 ans ou plus sont quant à elles détenues dans les pénitenciers fédéraux, lesquels sont placés sous la responsabilité du Service correctionnel du Canada.

[66] Doc off AG NU, Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, supra note 25 aux para 44, 49; note 18 au para 18.

[67] Brigitte Bureau, « Migrants dans des pénitenciers : le ministre de l’Immigration réagit aux critiques », Radio-Canada, 19 avril 2024, en ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2066095/immigration-detention-migrant-prison-federal-marc-miller

[68] ASFC, Guide ENF 34 : Programme de solutions de rechange à la détention, https://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/detent/qstat-2022-2023-fra.html

 

[69] ASFC, Programme de solutions de rechange à la détention, https://www.canada.ca/fr/agence-services-frontaliers/nouvelles/2018/07/programme-de-solutions-de-rechange-a-la-detention.html

[70] Selena Ross, « Some migrants now tracked with ankle bracelets as pandemic “temporary measure” », CTV News (28 mai 2020), en ligne: <https://montreal.ctvnews.ca/some-migrants-now-tracked-with-ankle-bracelets-as-pandemic-temporary-measure-1.4959851>.

[71] Voir notamment Solidarité sans frontières, « Denounce CBSA’s Use of Tracking Bracelets on Migrants Under Cover of the COVID-19 Pandemic – Solidarité sans frontières », (26 mai 2020), en ligne: <https://www.solidarityacrossborders.org/en/tracking-bracelets>.

[72] Voir notamment Report of the Special Rapporteur on the human rights of migrants (Detention of Migrants), Human Rights Council, Twentieth session, Agenda item 3 (Promotion and protection of all human rights, civil, political, economic, social and cultural rights, including the right to development), A/HRC/20/24, 2 April 2012.

[73] Commission de l’immigration et du statut de réfugié, supra note 8 au para 3.1.4.

[74] Doc off AG NU, Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, supra note 25 au para 16.

[75] Gouvernement du Canada, supra note 27.

[76] Ibid.

[77] Alternatives to Detention Program. CCR Input into the review of the program, par Conseil canadien pour les réfugiés, 2022.

[78] Oona Barrett, « Alternative à la détention des migrant·es : « une deuxième prison » », (28 mars 2024), en ligne: Pivot <https://pivot.quebec/2024/03/28/alternative-a-la-detention-des-migrant·es-une-deuxieme-prison/>.

[79] Ibid.

[80] Conseil canadiens pour les réfugiés, « Aperçu des positions du CCR concernant la détention », (février 2022), en ligne: <https://ccrweb.ca/fr/apercu-positions-ccr-concernant-detention>.

[81] Ibid.